Il faudra patienter jusqu’à mercredi pour entendre les explications des quatre prévenus. Vendredi, au 4e jour du procès, la parole était une nouvelle fois aux victimes. Elles réclament des sommes faramineuses au faux prince Ali A. et à son «chef de la sécurité» Redda B. Tandis que le duo est poursuivi pour le braquage avec prise d’otage, on reproche à Mohamed F. et Daniel V. le recel des bijoux.
«Avec le recul, je me rends compte que j’aurais dû me méfier davantage.» Dans son récit, vendredi matin, l’homme d’affaires âgé aujourd’hui de 57 ans, qui s’est fait rouler avec cette histoire de prince arabe qui voulait acheter des montres de luxe et investir au Luxembourg, a évoqué la bêtise, la naïveté, le stress. À l’époque, l’offre lui paraissait alléchante. «On proposait de racheter notre société. Cette opération aurait réglé nos problèmes.»
Le quinquagénaire raconte avoir effectué quelques recherches sur internet sur le prince. «J’étais naïf», retient-il. La suite, on la connaît… Ce n’est pas un prince du Moyen-Orient qui avait sonné à sa porte, montée Saint-Crépin, le 12 décembre 2012 en fin d’après-midi. Mais un duo armé. Le message était clair : «Il va falloir trouver de l’argent!»
«Avec un gilet explosif sur les épaules…»
«Avec un gilet explosif sur les épaules, on n’a pas trop envie de ne pas faire ce qu’on vous dit», poursuit le témoin. C’est ainsi qu’il avait filé ses cartes bancaires à ses ravisseurs – avec lesquelles ils avaient retiré plus de 12 000 euros – et qu’il avait convoqué pour le lendemain des bijoutiers renommés (luxembourgeois et internationaux) avec des montres de luxe.
Sa tentative d’évasion lorsqu’un des malfrats était parti chercher à manger à l’extérieur et que l’autre regardait un film sur le canapé avait échoué. Avec les moyens du bord, un haltère de 3 kg, il lui avait sauté dessus pour le faire sortir. Le résultat : une oreille arrachée et une côte fêlée. «J’étais dans mon sang. Tandis qu’eux mangeaient tranquillement dans la cuisine», se souvient la victime.
Le lendemain, ses ravisseurs l’avaient obligé à réceptionner 140 000 euros de son associé. «J’ai entrouvert la porte en peignoir avec une serviette sur la tête pour qu’on ne voit pas ma blessure.»
Pendant 24 heures, il s’était fait dépouiller, séquestrer et battre, mais son calvaire n’était pas terminé. L’acte deux s’était joué dans une fiduciaire rue de Mühlenbach. Là où les bijoutiers avaient été conviés pour la vraie fausse vente de montres de luxe, il a fini ligoté dans la chaufferie à la cave. «C’est un peu comme si j’étais mort ce soir-là.»
L’otage témoignera-t-il mercredi?
«Difficile de se remettre d’une telle affaire», est intervenu Me François Moyse, qui représente la victime sur le plan civil. Il demande près de 376 000 euros de dommages et intérêts. Un autre avocat représentant un vendeur de bijoux séquestré à la cave lui a emboîté le pas en réclamant 1,22 million d’euros.
Également entendu comme témoin vendredi, le directeur financier de la fiduciaire a indiqué que le duo poursuivi pour le braquage avec séquestration, Ali A. et Redda B., était venu repérer les lieux en amont. Les deux avaient dit être «les représentants de l’investisseur». Ils auraient voulu voir «si la société pouvait accueillir de potentiels clients riches». «Cela ne doit pas être habituel de faire visiter la cave avec la chaufferie?», s’est permise de remarquer la présidente.
À l’époque, le témoin supposait que toutes les vérifications avaient été faites, indique-t-il. Mais tel n’était visiblement pas le cas. Il l’avait réalisé quand les malfrats lui avaient pointé un pistolet sur la tempe. «J’ai vu un peu ma vie défiler», mais il ne demandera pas de dommages et intérêts : «Je préfère tourner la page.»
Alors que la 13e chambre criminelle comptait entamer l’audition du premier prévenu, elle a appris que le dernier témoin, qui n’avait pu être contacté à l’adresse dont disposait le parquet, travaille toujours à Luxembourg. En tout cas, si l’on suit son profil LinkedIn. Avec cette nouvelle information, le parquet tentera donc de le citer pour l’audience de mercredi. Il s’agit du directeur commercial de la fiduciaire. C’est lui, a priori, qui avait apporté le contact du prétendu prince. C’est également lui que les ravisseurs avaient embarqué comme otage. Ils l’avaient relâché à Paris…
Fabienne Armborst
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