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Attaque au couteau : une plaie de 15 centimètres au cou


Amri a été attaqué au couteau par Ali dans la rue de Strasbourg. (Photo : archives lq)

Ali est accusé d’avoir poignardé Amri avec son couteau. Il avance la légitime défense et prétend avoir été attaqué par le jeune homme en Italie pendant leur périple de sans-papiers.

L’ambiance était tendue dans la salle 1.07 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg mercredi après-midi. L’auteur présumé d’une tentative de meurtre et sa victime présumée se sont provoqués avant le début de l’audience de la 13e chambre criminelle. Le 7 décembre dernier, vers 7 h, Ali, un Syrien de 48 ans, aurait tenté d’égorger Amri, un jeune Algérien. La plaie mesure 15 centimètres, mais est heureusement peu profonde, même si elle a traversé la peau. La blessure n’est pas mortelle, mais aurait pu l’être, selon un médecin légiste. Nerfs et artères auraient pu être touchés.

«Nous patrouillions en voiture dans la rue de Strasbourg quand Amri est venu vers nous avec une sorte de bandage improvisé au cou. Un certain Walid l’aurait attaqué», raconte un commissaire adjoint. Le policier prévient les secours et des collègues qui partent cueillir Walid à l’Abrigado. Son visage et sa nuque sont ceints d’une cicatrice, comme l’avait décrit Amri au commissaire. Un couteau est trouvé à côté de lui. Walid s’avère être Ali.

Regards menaçants

Les deux hommes se seraient disputés dans le cadre d’une vente de stupéfiants à proximité du café Le Relax dans le quartier de la gare à Luxembourg. La vidéo des faits, filmés par Visupol – le service de vidéosurveillance de la police –, est projetée durant l’audience. «Quand Amri a sorti le couteau, je lui ai mis un coup sur la main, le couteau est tombé et je me suis baissé pour le ramasser», avance Ali.

«Nous nous sommes disputés pour de la blanche. Ali a pris le couteau et m’a frappé avec», raconte la victime présumée dont les raisonnements sont difficiles à suivre. Le jeune homme de 26 ans reconnaît avoir consommé de la drogue avant de se présenter à la barre. «Je suis venu parce que le chef de la police m’a dit d’être présent, mais je n’y arriverai pas», indique Amri avant d’accuser Ali. «Ma mère est morte il y a trois jours à cause de ce qu’il m’a fait.» Les deux hommes, qui se connaissent pour être venus au Luxembourg ensemble depuis l’Italie, se lancent des regards menaçants.

Des histoires adaptées

Le jeune Algérien aurait jeté le couteau par peur d’être arrêté par la police avec une arme sur lui. «Il l’a laissé tomber tout droit devant lui», intervient Me Says, l’avocat du prévenu. «Je me suis souvenu de tout ce qu’Amri m’avait fait et je lui ai mis un coup avec son couteau», explique ce dernier qui avoue à la barre que «la peur m’a fait mentir» face au juge d’instruction où il a dit que c’était son couteau et qu’il n’avait pas poignardé Amri. «Et maintenant, ce n’est pas votre couteau, mais vous avez donné un coup avec. C’est un virage à 180 degrés», rétorque la présidente au prévenu qui «jure devant Dieu» dire la vérité à présent. Ali accuse Amri d’être à l’origine de sa balafre. «En Italie, j’étais fiancé avec sa sœur. Notre dispute venait de là. Amri se mêlait de notre relation», ajoute le prévenu. «Quand vous aurez fini, vous étiez frères», commente la juge avant de laisser la parole à la représentante du ministère public.

Cette dernière se réjouit d’avoir «enfin des aveux partiels» de la part du prévenu. Il y a eu une dispute lors de laquelle Amri a été blessé. «Ali a essayé dès le début d’échapper à toute responsabilité» en présentant à chacune de ses auditions des explications différentes des faits en fonction des constatations des différents rapports des experts. «Il a inventé son histoire au fur et à mesure des déclarations de la victime à la barre», note-t-elle. «Amri n’a jamais cherché à minimiser les faits. Il a toujours dit ce qui s’est passé.»

L’avocat plaide la légitime défense

Ali a, pour elle, «c’est tout à fait clair», bien commis une tentative de meurtre. Le couteau, dont la lame mesurait 9 centimètres, était propre à donner la mort. «Ali aurait pu partir au lieu de ramasser le couteau et de porter le coup», estime la magistrate. Elle coupe l’herbe sous le pied de la défense en ajoutant que le prévenu ne se trouvait pas en situation de légitime défense. «Amri a jeté le couteau pour éviter les ennuis. Ali n’a pas été attaqué.» La magistrate a requis une peine de 12 ans de prison ferme à l’encontre du prévenu étant donné ses précédentes condamnations.

Me Says a plaidé l’acquittement et la légitime défense. «Amri était désarmé», souligne la présidente. «Pourquoi a-t-il sorti le couteau si ce n’était pour agresser Ali», argumente l’avocat du prévenu. Tout se serait, selon lui, passé très vite dans un moment continu. Le prévenu se serait senti menacé étant donné les antécédents des deux hommes en Italie. L’avocat a prié les juges de condamner Ali à une peine la plus basse possible. Si le prévenu venait à être condamné, il risquerait, après avoir exécuté sa peine, de devoir purger des peines dont il a écopé en Italie.

Le prononcé est fixé au 8 juin.