Inflation et prix de l’énergie font fondre les bénéfices du géant mondial de l’acier. L’embellie postcovid est bien loin dorénavant.
La crise énergétique et l’inflation en Europe ont précipité au troisième trimestre la chute des bénéfices du deuxième producteur d’acier mondial ArcelorMittal, très implanté sur le Vieux Continent. De juillet à septembre, le sidérurgiste a indiqué hier avoir réalisé un bénéfice net de 993 millions de dollars contre 4,6 milliards lors du même trimestre l’an passé, soit une baisse de 78 %, ramenant à 9 milliards de dollars le bénéfice sur les neuf premiers mois de l’année contre 10,9 l’an passé.
«Les conditions de marché solides dont nous avons bénéficié pendant la majeure partie des deux dernières années se sont détériorées au troisième trimestre, la baisse saisonnière des expéditions, la réduction des niveaux de prix exceptionnels, le déstockage et la hausse des coûts de l’énergie se combinant pour mettre les bénéfices sous pression», a expliqué le directeur général, Aditya Mittal, dans un communiqué.
Coûts en hausse et demande en baisse
Après une reprise postcovid historique qui avait alimenté une flambée des cours des métaux bénéfique pour le groupe, le marché mondial de l’acier souffre du ralentissement de la croissance chinoise, premier utilisateur d’acier dans le monde. Mais ArcelorMittal subit aussi tout particulièrement les conséquences de la guerre en Ukraine et notamment la flambée tout aussi historique des prix de l’énergie en Europe.
Celle-ci fait exploser ses coûts de production alors qu’au même moment la demande en acier flageole sur le Vieux Continent sous le coup de l’inflation. Face à cette situation, ArcelorMittal a arrêté ou ralenti plusieurs de ses hauts fourneaux en Europe depuis le début de l’année «pour gérer la demande adressable» et «réduire» ses «coûts fixes». Il a aussi baissé de 30 % sa consommation de gaz européenne.
«Adapter nos coûts»
En Allemagne, le groupe a arrêté un haut-fourneau à Hambourg après avoir vu sa facture de gaz multipliée par sept par rapport à la période précédant l’invasion russe de l’Ukraine, avait indiqué le PDG du site Uwe Braun, le 7 octobre. Le sidérurgiste a aussi annoncé début septembre l’arrêt d’un fourneau en Espagne, et début novembre, l’arrêt temporaire d’un autre à Fos-sur-Mer en France.
En Ukraine, où l’énorme complexe sidérurgique de Kryvyi Rih avait cessé de produire dès le début de l’invasion russe du pays le 24 février, un des trois hauts-fourneaux représentant 20 % de la capacité du site a redémarré le 11 avril, tandis que début octobre, la production de minerai de fer sur place a repris à 25 % de ses capacités.
Un chiffre d’affaires en baisse de 1,3 milliard
Au troisième trimestre, la rentabilité du groupe s’est érodée, comme le chiffre d’affaires qui s’est réduit à 18,9 milliards de dollars contre 20,23 milliards au troisième trimestre 2021. Et les expéditions ont baissé de 7,1 % «reflétant largement la demande plus faible en Europe et la guerre en Ukraine». «Les perspectives à court terme pour l’industrie» restent «incertaines» et «la prudence est de mise» a ajouté Aditya Mittal.
«Nous avons un facteur d’adaptabilité très rapide» qui malgré les difficultés permet au groupe de «dégager des résultats positifs au niveau de l’Europe», a souligné le président d’ArcelorMittal France Eric Niedziela au cours d’un entretien. «Il faut qu’on arrive à adapter nos coûts et notre production à la demande comme on l’a déjà démontré pendant et après le covid; nous avons vécu des crises en 2008, et en 2012, et on a, à chaque fois, adapté et répondu à la demande.»
Alors que la réunion internationale sur le climat COP27 se tient en ce moment à Charm el-Cheikh en Égypte, le sidérurgiste a évoqué sa stratégie de décarbonation, c’est-à-dire de production d’acier sans recours au charbon ni au gaz, la sidérurgie étant l’un des principaux responsables industriels des émissions de gaz à effet de serre mondiales, avec le ciment et la chimie.
Cela passe par la construction de fours à réduction directe utilisant l’hydrogène, par des fours électriques, et par le captage et le stockage du CO2 résiduel. Reste à savoir sur quel continent se feront les gigantesques investissements nécessaires. ArcelorMittal a lancé le mois dernier la construction d’un site dit de réduction directe (DRI) en Ontario au Canada, où l’hydrogène remplacera à terme le charbon pour réduire (désoxyder) le minerai de fer appelé à se transformer en acier. Côté européen, le président Emmanuel Macron a proposé cette semaine aux patrons des 50 sites industriels français les plus émetteurs de CO2, dont ArcelorMittal, de doubler le montant des aides publiques à 10 milliards d’euros à condition qu’ils doublent les volumes de CO2 supprimés.