L’anti-école de coding lancée en 2013 par Xavier Niel débarque au Luxembourg : ouverte 24 h/24, elle formera gratuitement 150 étudiants à toutes les spécialités de l’informatique pour pallier la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur IT.
Attendue depuis plusieurs années, l’École 42, s’apprête enfin à ouvrir une antenne au Grand-Duché, et plus précisément à Esch-Belval, dans l’emblématique bâtiment Terres rouges (tour RBC).
Elle sera le fleuron du nouveau Digital Learning Hub, lancé officiellement lundi par le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch : «un centre de formation continue moderne» étalé sur deux étages, destiné à répondre à la demande toujours croissante du marché de l’emploi en compétences numériques.
Un partenariat avec l’école de codage de renommée mondiale a été conclu en présence de sa directrice générale, Sophie Viger, venue spécialement de Paris.
Accessible à tous
Sur les 43 campus que compte désormais l’école dans 25 pays du monde, le Luxembourg est le deuxième gouvernement, avec celui de la Corée du Sud, à financer entièrement ce cursus qui sera gratuit pour tous les apprenants. Ailleurs, il s’agit le plus souvent de partenariats public-privé, voire de regroupements d’entreprises, comme c’est le cas à Bruxelles.
Ce qui traduit une forte volonté politique de faire progresser le pays dans sa transformation digitale, alors que le secteur IT peine à trouver les profils dont il a besoin (lire Le chiffre). Et pour cette même raison, l’École 42, accessible à tous, sans condition ni diplôme et sans limite d’âge, sera ouverte à la fois aux résidents et aux non-résidents.
«Nous avons un marché du travail transfrontalier, et à travers cette formation, nous misons sur le transfert de compétences, en ciblant les gens qui sont à la recherche d’un nouveau défi, qui veulent acquérir de nouveaux savoirs et qui pourront, par la suite, prendre des responsabilités, que ce soit sur le marché du travail luxembourgeois ou ailleurs», a précisé le ministre.
«Garantir une variété des approches pédagogiques»
Le Digital Learning Hub, qui pourra accueillir jusqu’à 400 apprenants, ambitionne de susciter l’intérêt pour la programmation, et de former des programmeurs de haut niveau quand les entreprises luxembourgeoises ont désespérément besoin de spécialistes du numérique pour renforcer leur compétitivité.
Quatre axes de formation portés par différents partenaires sont proposés dès aujourd’hui : coding avec l’École 42, cybersecurity avec securitymadein.lu, blockchain avec le Luxembourg Blockchain Lab, et le design thinking avec le Hasso-Plattner-Institut de Potsdam.
Le chiffre
3 500
C’est le nombre de postes vacants enregistrés à l’Adem pour 2021 dans le secteur IT, soit 44 % de plus que l’année précédente. Environ la moitié de ces postes concernent l’ingénierie du logiciel (développeur d’application, analyste-programmeur, développeur web) et un sur deux ne trouve pas preneur.
En 2020, seuls 500 jeunes ont rejoint le marché du travail avec un diplôme IT, soit 18 % de plus qu’en 2019. Pas assez pour satisfaire la demande.
Des formations destinées aux personnes employées qui souhaitent se perfectionner, comme aux jeunes diplômés du secondaire ou du supérieur, aux demandeurs d’emploi en reconversion, ou encore aux décrocheurs, à qui le système conventionnel ne convient pas et qui recherche un modèle d’apprentissage différent.
Car c’est bien ce qui a fait la réputation de 42 : son concept pédagogique unique et innovant, basé sur la collaboration entre pairs et l’apprentissage autonome, lancé en 2013 par l’homme d’affaires et milliardaire français, Xavier Niel, fondateur de Free. Pas de professeur donc, mais des projets en groupe, et des niveaux à valider, en lieu et place des traditionnels examens.
Le lieu de formation étant ouvert 24 h/24 et 7 j/7, chacun peut apprendre à son rythme, en fonction de ses disponibilités. Au menu : développement en langage C dans un environnement Unix, développement web en Php, sécurité informatique, applications mobiles et architecture des réseaux informatiques.
Variété des approches pédagogiques
Claude Meisch insiste : l’École 42, et plus globalement, ce nouveau Digital Learning Hub, a avant tout pour vocation de compléter l’offre existante, des cours de sciences digitales dans le secondaire, lancés dans 18 lycées à la rentrée dernière et qui seront généralisés cette année, jusqu’aux formations de l’université du Luxembourg ou du Lifelong Learning Center.
«Le besoin en main-d’œuvre dans l’IT est tel que nous devons garantir une certaine variété des approches pédagogiques pour permettre au plus grand nombre de développer ses compétences.»
Il ajoute également que le concept est évolutif : «Aujourdhui, nous travaillons avec quatre experts dans des domaines bien spécifiques, mais cette nouvelle plateforme est ouverte à de futurs partenaires qui pourront aussi proposer leurs formations, en fonction des besoins des entreprises et des salariés.»
Comment s’inscrire
Les candidats pour l’École 42 s’inscrivent en ligne, et se qualifient avec des tests de compétences cognitives.
Ils sont ensuite conviés à une réunion de présentation, avant la «piscine» – quatre semaines, jour et nuit, week-ends inclus, où les futurs étudiants sont mis en situation et se familiarisent avec les méthodes d’apprentissage de 42 : travail en groupe, sans professeur, évaluation par les pairs, pédagogie par projet, etc.
À l’issue de la «piscine», dont la première session débutera le 5 septembre prochain, les étudiants sélectionnés intègreront la formation qui dure, en moyenne, trois ans.
admission.42luxembourg.lu
Sophie Viger, directrice générale
Pourquoi 42 a-t-elle choisi le Luxembourg?
Sophie Viger : Et pourquoi pas? On n’a pas forcément pointé le Luxembourg : nous recevons des sollicitations du monde entier, et l’idée est de déterminer s’il y a un intérêt pour 42 d’y aller ou pas. L’essentiel est que le partenaire potentiel soit complètement aligné sur nos valeurs : l’étudiant ne peut pas être marketé, le bâtiment doit être accessible 24h/24 et 7j/7, pas loin des transports en commun, aucune condition d’âge ou de diplôme ne peut être requise, et un effort doit être fait pour favoriser l’accès des femmes. Tout ce cahier des charges, y compris un engagement sur au moins trois ans, doit être respecté.
Apprendre sans professeur, ça ressemble à quoi?
C’est comme apprendre à marcher ou à parler. C’est l’envie d’apprendre qui nous guide, avec le soutien de l’entourage. Le besoin de comprendre comment fonctionnent les choses est humain, mais on l’oublie. Or, faire soi-même, réaliser des choses, c’est très gratifiant. Face à des problèmes, partager les informations, les connaissances et les méthodes de chacun, permet de mieux apprendre. On teste, on se plante, et c’est comme ça qu’on progresse. Chez 42, les étudiants se corrigent entre eux, et c’est aussi bénéfique. Ces moments d’apprentissage à plusieurs sont importants. Il n’y a pas une seule manière de faire, chaque étudiant trouve celle qui lui convient.
Combien d’étudiants pourront intégrer la formation?
On a 150 places, et il faut les atteindre, car notre fonctionnement est basé sur l’entraide donc on a besoin d’une certaine masse critique. Toute notre difficulté est de convaincre des publics qui ne s’imaginent pas dans l’informatique. Or le secteur souffre de stéréotypes : on a toujours cette image de l’ado, replié sur son ordinateur, pas bon en sport et qui ne vit que pour l’informatique. Les gens sont persuadés qu’il faut être passionné pour travailler dans ce milieu. Alors que ça peut juste être un emploi comme un autre.