Alain Duschène et Pascal Ricquier s’accusent mutuellement d’avoir sali l’honneur de l’autre après un commentaire mal perçu sur la mutation-surprise du président du syndicat de l’armée.
La mutation en 2019 de Christian Schleck, le président du Syndicat professionnel de l’armée luxembourgeoise (SPAL), à un poste pour lequel il n’avait pas posé sa candidature a déclenché un tsunami qui a failli coûter son poste au chef d’état-major de l’armée, et dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. Le président des syndicats de la police (SNPGL) et de la force publique (SPFP), Pascal Ricquier, et l’ancien chef d’état-major, le général Alain Duschène, se livrent depuis une guerre par plaintes interposées pour diffamations calomnieuses. Hier matin, l’ancien militaire comparaissait face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg en raison d’une citation directe de Pascal Ricquier. Ce dernier lui reproche de l’avoir attaqué pour quelque chose qu’il n’a pas dit.
Pascal Ricquier avait profité de l’assemblée générale du SPFP le 26 novembre 2019 pour critiquer la manière dont l’armée avait géré cette mutation et avait regretté, par la même occasion, que les membres de l’armée n’aient été dispensés de service pour assister à l’AG que le matin même. Alain Duschène n’était pas présent ce jour-là et le résumé qu’ont fait les médias le lendemain des propos tenus par le président du syndicat le met hors de lui, au point de porter plainte pour calomnie contre Pascal Ricquier dans la foulée et de se lancer dans une campagne médiatique.
Le desormais retraité explique ne pas avoir porté plainte contre Pascal Ricquier par malveillance, comme le suppose la partie adverse, mais pour corriger une erreur et pour protéger la réputation de l’armée luxembourgeoise et de ceux qui la composent. «Le lendemain de l’assemblée générale, les médias ont laissé entendre que Christian Schleck avait été déplacé. Le terme fait référence au déplacement, qui est une mesure disciplinaire au sein de l’armée», note Alain Duschène. Or Christian Schleck n’a jamais fait l’objet d’une telle procédure disciplinaire.
Une question d’interprétation
Les médias auraient donc mal interprété les propos tenus par Pascal Ricquier ce soir-là. Le président du SNPGL et du SPFP n’a, selon le prévenu, pas pris la peine de les corriger alors qu’il assure ne jamais avoir évoqué la mutation en ces termes. L’intention de l’état-major de l’armée à l’égard de Christian Schleck aurait uniquement été de lui faire profiter d’une rotation de poste. Une pratique habituelle tous les trois à cinq ans dans l’armée, assure le général à la retraite. La décision administrative devant régulariser Christian Schleck dans ses nouvelles fonctions se serait juste fait attendre.
Christian Schleck n’a pourtant pas pas compris cette décision et l’a prise pour une punition. Il n’a pas sollicité de mutation ni posé de candidature pour le poste en question. Ce nouveau poste, qu’il ne devra finalement pas occuper, n’était, selon lui, pas compatible avec son activité syndicale au SPAL. Les trois syndicats s’en sont offusqués. «Je pense que l’état-major a cherché à m’écarter parce que j’étais syndicaliste» et qu’il devenait gênant, a estimé Christian Schleck hier. Alain Duschène fait valoir, pour sa défense, des incompréhensions, de malheureux concours de circonstances ou des retards.
La plainte déposée par Alain Duschène a été classée sans suite par le parquet, de même que celle déposée ensuite à son encontre par Pascal Ricquier. Le policier n’a cependant pas lâché l’affaire et a lancé une nouvelle offensive par voie de citation directe. Le torchon brûle entre les deux parties, qui ne parviennent pas à trouver de terrain d’entente. Les syndicats pointent des dysfonctionnements au sein de l’armée que l’état-major aurait souhaité camoufler en se lançant dans une campagne médiatique. Me Kohnen, l’avocat de Pascal Ricquier, assure qu’«Alain Duschène a essayé de brouiller les pistes». Il aurait été question «d’affaiblir au maximum les syndicats».
Les avocats des deux parties ont ensuite débattu de la recevabilité de la citation directe. Christian Schleck et les trois syndicats de la police et de l’armée se sont ensuite portés partie civile. L’affaire se poursuit demain après-midi avec les plaidoiries.