Le cercle des prévenus s’est élargi au fur et à mesure de l’enquête de police dans l’affaire Bari. Un enquêteur a commencé à présenter leurs profils et leurs degrés d’implication.
«On faisait des tours en voiture», aurait répondu le principal accusé du procès de l’affaire Bari lors de son premier interrogatoire face au juge d’instruction, a rapporté un enquêteur en ce cinquième jour d’audience. Les policiers ont découvert dans le cadre de l’enquête préliminaire à laquelle a participé un policier infiltré, que le jeune homme de 31 ans et son bras droit rencontraient leurs clients dans leurs voitures à divers points de rendez-vous plus ou moins discrets au Luxembourg. Le fonctionnement et les ramifications du trafic de stupéfiants reproché au «grossiste en blanche» se précisent à la suite des perquisitions. L’exploitation de smartphones saisis – 55 en tout – a ajouté des pièces au puzzle.
Un des sept enquêteurs appelés à témoigner sur le trafic de stupéfiants et le blanchiment d’argent qui en a résulté a fait état hier matin des résultats des analyses de certains d’entre eux. En ce cinquième jour d’audience, les rôles des trois principaux prévenus se précisent de plus en plus, photographies prises lors d’observations à l’appui. Et ce, malgré leurs dénégations et tentatives de minimiser leur implication face au juge d’instruction, selon un des enquêteurs. Le présumé bras droit du grossiste aurait notamment prétendu lors de son sixième interrogatoire ne jamais avoir aidé ce dernier et «ne rien savoir de ces choses-là».
Contrat de travail fictif
La drogue aurait principalement été cachée dans un garage à Leudelange où ils se rendaient souvent, selon les observations. Le garage en question était loué au grossiste par le développeur de projets immobiliers approché par le policier infiltré. Ce dernier a indiqué ne jamais avoir su que son garage était utilisé par des dealers et nié toute implication dans l’affaire. Il avait pourtant établi un contrat de travail fictif au nom du grossiste et livré de précieuses informations au policier infiltré prouvant le contraire.
Le grossiste a, selon le policier, répondu au juge d’instruction qu’il utilisait le garage pour stocker des frigos pour son commerce avant de reconnaître plus tard que certaines livraisons de stupéfiants y avaient lieu. Les enquêteurs estiment grâce aux éléments trouvés sur les téléphones que le trafic de drogue auquel se livrait le principal accusé durait depuis une dizaine d’années.
L’étau se resserre
Les policiers ont observé à plusieurs reprises des hommes entrant et sortant du domicile du principal accusé avec des sacs et sachets, ainsi que diverses transactions de ce qu’ils supposent être des stupéfiants. Ces hommes ont tous été entendus, preuves à l’appui, par les enquêteurs et certains ont nié leur implication. Le principal accusé affirme qu’ils venaient chercher des pièces pour réparer leurs voitures. L’enquêteur a passé en revue les informations obtenues sur les divers protagonistes et leurs degrés d’implication dans l’affaire en s’appuyant sur une présentation diffusée sur grand écran.
La propre épouse du grossiste aurait participé au commerce de son mari. Des observations la montrent à certains rendez-vous et des clients entendus par les enquêteurs confirment sa présence. Face aux enquêteurs et au juge d’instruction, elle a nié être impliquée et a déclaré ne jamais s’être doutée de l’activité de son mari. À la barre de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, le policier a fait part de ses doutes. Il estime qu’elle a pu l’aider de manière sporadique.
7 332 remises de stupéfiants
La compagne du bras droit du principal accusé n’aurait en revanche pas participé de manière active au trafic, a avancé le policier. Même si la drogue et l’argent étaient, paraît-il, cachés sous le lit conjugal. Quant aux autres protagonistes, leurs profils seront passés au crible ce jeudi après-midi. Puis ce sera au tour des enquêteurs chargés de remonter la filière du blanchiment d’argent de prendre la parole. Le procès doit durer jusqu’au 22 juin.
L’acte d’accusation retient 7 332 remises de stupéfiants à plus d’une centaine de clients identifiés. La drogue – de la marijuana, du haschich et de la cocaïne – était importée depuis les Pays-Bas par différents livreurs ou par la poste depuis l’Espagne. Le principal accusé était très pointilleux sur la qualité de la cocaïne vendue. Il exigeait un degré de pureté supérieur à 90 % ce qui en dit long sur la nature de sa clientèle. La cocaïne vendue, dans le quartier de la gare à Luxembourg notamment, atteint rarement les 50 % de pureté à force d’avoir été coupée par les différents intermédiaires.
Petit à petit, l’étau s’est resserré autour d’eux malgré l’écran de fumée que les prévenus ont tenté de lever entre eux et les policiers.