Un an après l’arrivée de Ryanair, Adrien Ney, directeur général et président du comité de direction du groupe Luxair, fait un bilan de la compagnie aérienne nationale.
Dans un secteur très concurrentiel, LuxairGroup arrive à éviter les turbulences, grâce notamment à une diversification de ses activités mais également à des investissements dans ses outils digitaux et son réseau d’agences.
Alexandre de Juniac, le directeur de l’Association du transport aérien international (IATA), s’est récemment félicité d’une croissance constante du secteur aérien européen dans le futur, laissant présager de belles perspectives. Quel est votre avis sur le sujet?
Adrien Ney : Si l’IATA le dit, c’est que tout va bien. Plus sérieusement, on a pu constater que le secteur aérien européen est en train de connaître des changements essentiels, notamment Lufthansa qui est en passe de s’imposer, par le biais de partenariats et d’acquisitions, avec des acteurs suisse, autrichien, belge, avec une consolidation importante sur le marché allemand, ou encore avec une offre pour Alitalia.
À terme, ce sera l’acteur le plus important sur le marché européen avec Air France-KLM et International Airlines Group (IAG) (NDLR : une holding née de la fusion entre British Airways et l’espagnole Iberia). Le plus surprenant, c’est que cette consolidation s’est faite dans une relative discrétion.
Mais pour en revenir à la croissance, effectivement le nombre de passagers est en hausse, mais cette croissance a un désavantage dans la mesure où le niveau des prix moyens est en train de baisser. Donc, je ne suis pas certain qu’Alexandre de Juniac avait le même discours quand il était encore le patron d’Air France.
Mais oui, l’Europe connaît une bonne croissance économique impliquant une augmentation du nombre de voyages, et Luxair participe à cette croissance.
Entrons dans le vif du sujet. On a souvent vu des compagnies aériennes nationales en difficulté, comme Air France il y a quelques mois. Comment Luxair arrive à s’en sortir?
Luxair est bien gérée. La compagnie peut compter sur quatre segments d’activités : le tour-opérateur (LuxairTours), qui représente 44 % du chiffre d’affaires, le cargo (LuxairCargo, 18 %), l’activité Airline (Luxair Luxembourg Airlines, 34 %) et les services d’assistance aux passagers et les services à la rampe (LuxairServices, 4 %).
Cela nous permet de traverser les turbulences, sans pour autant dire que les résultats de l’Airline soient positifs, ils ne l’ont jamais été. C’est extrêmement difficile d’être rentable sur ce segment.
Donc c’est grâce à LuxairCargo, LuxairTours et LuxairServices que la compagnie se porte plutôt bien?
C’est vrai que ces trois segments permettent d’avoir un positionnement plus agréable. Nous avons eu une superbe année pour le cargo et LuxairTours, ce qui compense l’Airline. Mais ce n’est pas une spécificité propre à Luxair. Si l’on regarde Lufthansa, la compagnie allemande est par exemple le numéro un mondial du service de maintenance, le résultat du groupe bénéficie là aussi de revenus complémentaires.
En regardant les récents chiffres de Luxair, on peut constater un certain paradoxe, puisque la compagnie a connu une perte de 8 millions d’euros en 2016 mais a vu le nombre de ses passagers augmenter. Comment l’expliquez-vous?
Justement, ici, on parle des résultats du segment Airline. Il faut comprendre que notre structure de coûts est différente de celle des low cost. De plus, comme je l’ai dit, une croissance du nombre de passagers n’est pas synonyme de croissance des revenus dans la mesure où cette croissance s’accompagne malheureusement d’une baisse du revenu moyen du billet d’avion.
Abordons désormais la concurrence des low cost. Comment Luxair s’est adaptée à l’agressivité des prix pratiqués par Ryanair, qui est présent au Findel depuis maintenant un an?
Elle est même très agressive, cette concurrence. Je pense que nous avons toujours été réalistes sur ce sujet et nous n’avons jamais suivi une stratégie expansionniste non calculée.
Par contre, nous avons fait des changements au niveau de notre flotte dès 2006, et nous nous sommes adaptés au fur et à mesure. Nous savions depuis longtemps que les low cost allaient arriver au Luxembourg.
Cette concurrence n’est donc pas nouvelle…
Nous avons toujours eu de la concurrence. Plus récemment, on a pu observer la concurrence de Lufthansa sur Munich, puis EasyJet sur plusieurs routes et la compagnie portugaise TAP.
Maintenant, il y a Ryanair. Il faut remarquer aussi que les concurrents ne développent que rarement de nouvelles routes.
Il s’agit presque toujours, et surtout de la part des low cost, de prendre des parts de marché sur des routes existantes à fort potentiel. Cela nous a forcés à nous adapter, et ce, étape par étape.
C’est-à-dire?
Nous avons développé un nouveau concept de prix et de marketing. Nous avons augmenté fortement les rotations sur nos lignes, ajouté de la capacité. Si l’on regarde l’évolution de notre réseau depuis 2010, on peut constater de nombreux changements, comme l’augmentation de notre flotte ou encore l’augmentation des rotations vers nos destinations.
À titre d’exemple, nous avons aujourd’hui quatre rotations par jour vers Munich et cinq vers Milan. Une stratégie qui a permis de capter la clientèle d’affaires, plus sensible aux fréquences et qui veut partir le matin pour revenir l’après-midi.
On est conscient qu’en se comparant « wing by wing » (aile à aile) avec les low cost, nous serons perdants. On doit faire la différence, entre autres, sur notre réseau, en offrant de la flexibilité et du confort à nos passagers.
Nous avons fait beaucoup d’efforts et l’on voit que cela porte ses fruits, puisque nous devrions avoir cette année une progression du nombre de passagers.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans votre Quotidien du lundi 18 décembre.
Jérémy Zabatta