Les verts s’inquiètent du contre-financement de la politique que compte mener le nouveau gouvernement, tout en observant avec surprise que 85 % de l’accord reflètent la continuité.
Les verts dégainent avant l’heure, remerciant la presse d’avoir mis l’accord de coalition à leur disposition avant l’heure. Le week-end n’a pas été de trop pour lire les 209 pages qu’il contient et analyser ses différents chapitres qui tracent la politique du nouveau gouvernement pour les cinq années à venir.
La première réflexion de Sam Tanson, l’ancienne ministre de la Justice et de la Culture devenue cheffe de file des écolos à la Chambre, c’est que «85 % de cet accord traduit la continuité des travaux réalisés depuis dix ans par l’ancienne coalition et c’est une sacrée surprise».
Si Luc Frieden, comme il l’avait annoncé, avait distribué le document lundi seulement, il aurait été quasiment impossible de l’étudier pour en faire une analyse critique d’ici mercredi, jour de la déclaration du Premier ministre devant les députés. «C’est sur la base de ce document que nous devons accorder notre confiance au nouveau gouvernement», rappelle-t-elle.
Sam Tanson observe amèrement que cette continuité dans la politique menée par l’ancien gouvernement et continuellement critiquée par l’opposition CSV était finalement la bonne et que la campagne électorale n’a servi qu’à dénigrer les partis de la majorité, les verts en particulier qui ont plus souffert que les autres. «Finalement, nous étions dans une rhétorique de campagne, rien de plus», lâche-t-elle.
Elle pense notamment à la politique environnementale, mais aussi à l’éducation, sujet de discorde perpétuelle entre le DP et le CSV. «La distribution des portefeuilles est frappante», estime Sam Tanson qui était en droit de penser que les chrétiens-sociaux allaient reprendre le flambeau de Claude Meisch alors que ce dernier a été confirmé à son poste.
«Xavier Bettel se contentera de voyager»
Pire encore, le même ministre libéral ajoute le logement à ses compétences «alors que l’on a fait croire à la création d’un super-ministère du Logement». Lors de sa conférence de presse de rentrée, les verts avaient l’embarras du choix des sujets à aborder. Avant de s’attaquer à la fiscalité, Sam Tanson soulignera non sans ironie que l’immigration a été répartie sur deux ministères, celui de Léon Gloden (Justice et Sécurité) et de Max Hahn (Famille). «C’est assez frappant de voir que Xavier Bettel se contentera de voyager», dit-elle.
C’est en premier lieu la fiscalité et les promesses de la nouvelle coalition qui leur font du souci. En reconnaissant que les temps sont marqués par une conjoncture difficile, ce qui n’était, pourtant, une surprise pour personne, le gouvernement en place «chercherait déjà à trouver des excuses pour ne pas tenir les promesses de campagne». Comment poursuivre les investissements et en même temps alléger les impôts, y compris pour les entreprises et les promoteurs quand «la marge de manœuvre est épuisée», se demandent les verts.
Rien sur le nucléaire
Les cadeaux fiscaux pour relancer la construction de logements ne semblent pas être limités dans le temps, à la lecture de l’accord. «Pour le citoyen, ça va coûter cher même s’ils se réjouissent de payer moins d’impôts», prévient Sam Tanson, en observant que l’adaptation automatique du barème d’imposition à l’inflation n’est pas mentionnée dans ce document qui décidément «manque d’ambition».
Il faudra bien contre-financer cette politique telle qu’annoncée pour les cinq prochaines années et de plus, se posera la question des pensions. «On aura des problèmes dès 2027 et on nous propose une large consultation pour voir comment y faire face.»
Il y a quand même du positif dans ces 209 pages, juge aussi la cheffe de la sensibilité politique écolo. D’abord, que ce n’est pas la protection de la nature qui fait obstacle à la construction «en dépit du narratif de l’opposition». Les verts saluent le maintien du plan Énergie/Climat qui se retrouve dans l’accord ainsi que les objectifs et la trajectoire de réduction du CO2. «Tout cela est bon, ça vient de chez nous», souligne Sam Tanson. En revanche, ce qui est plus inquiétant pour elle, c’est de ne plus rien lire concernant une opposition formelle au nucléaire.
Autre sujet d’inquiétude : les droits humains «qui n’ont pas de place dans cet accord». Concernant les avancées en matière d’adoption, de procréation médicalement assistée ou de gestation pour autrui, tout devra encore faire l’objet d’analyses et d’études, «comme si les deux partenaires ne partageaient pas les mêmes visions sur le sujet», fait-elle remarquer.
Tout reste flou, selon les verts, regrettant que l’accord manque de précisions sur la méthode et les moyens de poursuivre cette politique. En bref, «l’éléphant a accouché d’une souris», résume Sam Tanson.