Avec 27 000 accidents du travail par an, le Luxembourg est particulièrement touché. La bonne volonté des partenaires sociaux peine à se traduire en actes pour instaurer, enfin, une culture de la sécurité au travail.
Soixante-dix accidents et trois victimes d’une lésion permanente chaque jour, un à deux morts par mois, un salarié sur 20 touché chaque année.
Depuis dix ans, les chiffres ne baissent pas. La sécurité au travail n’est plus un concept étranger aux entreprises, mais elle n’a pas encore suffisamment été intégrée.
Malgré la défaillance actuelle de l’Inspection du Travail, un nouveau palier doit être franchi en développant la sensibilisation et la formation.
[Dossier : Sylvain Amiotte]
« Chaque accident du travail est un accident de trop.» Repris en chœur, du patronat aux syndicats en passant par le ministère et l’Inspection du travail, ce refrain consensuel a le mérite d’exister depuis la première prise de conscience du problème de la sécurité au travail au Luxembourg, il y a dix ans, qui avait abouti à la création d’un forum annuel dédié.
Or les chiffres sont sans appel : le nombre d’accidents ne baisse pas depuis dix ans, voire depuis 25 ans si l’on excepte un pic au début des années 2000. Seul le taux d’incidence s’est réduit bon an mal an, passant de 7,7 % en 2005 à 5,4 % en 2014, à la faveur de l’essor de l’emploi dans le pays.
Face à cet inquiétant surplace, en mars dernier, lors du 10e Forum sécurité-santé, un message fort a été lancé avec la signature par les partenaires sociaux et le gouvernement de la charte «Vision Zéro», «pour franchir une nouvelle étape».
« Beaucoup estiment qu’ils font déjà assez »
Objectif : réduire de 20 % le taux de fréquence des accidents d’ici 2022, en visant à terme le «zéro blessé grave et zéro mort». Initiée par l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) sous l’impulsion presque solitaire de son président Michel Wurth, avec le soutien de l’Association d’assurance accident (AAA), cette déclaration d’intention doit maintenant se traduire en «plans d’action», non seulement au sein des fédérations patronales et des syndicats, mais surtout au sein de chaque entreprise.
L’AAA et l’UEL, qui va bientôt lancer une campagne de communication grand public, ont fait les leurs. Les autres acteurs y réfléchissent, ou pas.
«Cette charte est un premier pas, cela montre qu’on est tous dans le même bateau», note Patrick Dury, président du LCGB.
Certes. Mais les lignes sont difficiles à bouger. «Notre problème est de toucher toutes les entreprises, surtout les petites, qui sont les plus concernées par les accidents», reconnaît Martine Peters, conseillère de direction à l’UEL. «C’était déjà sportif d’avoir tous les signataires à bord. Beaucoup estiment qu’ils agissent déjà suffisamment. Mais en leur expliquant, en général ça marche. Le grand message de la Vision Zéro est que la prévention est payante. Tout investissement dans la sécurité-santé est rentable.»
La prise de conscience institutionnelle ne serait ainsi pas encore descendue à l’échelon de chaque entreprise : «On n’a pas encore instauré une vraie philosophie de sécurité-santé au Luxembourg, cela me chagrine», tranche Marco Boly, qui a pris la direction de l’Inspection du travail et des mines (ITM) en février 2015.
Des patrons patriarches
Selon lui, contrairement aux grandes entreprises comme ArcelorMittal ou Dupont de Nemours, qui «font une minute sécurité avant tout travail», car «elles ont compris que les accidents coûtent de l’argent», ce n’est pas le cas des petits employeurs (plus de la moitié des sociétés comptent moins de 15 salariés au Luxembourg), qui dirigent leur boîte «de façon patriarcale».
«Les patrons ont tendance à dire qu’ils ont fait telle tâche de telle manière depuis 25 ans et qu’il ne leur est jamais rien arrivé. L’aspect sécuritaire n’est pas intégré dans les consignes, on dit seulement au salarié : Allez, va faire telle chose. Il faut changer de dogme et se demander : qu’est-ce que je peux faire pour éviter un accident demain?»
Car quand l’accident survient, «c’est déjà trop tard», martèle Marco Boly. «Il faut absolument travailler en amont sur les comportements à risques et les incidents. Plus ils sont nombreux, plus il y aura de chances qu’il y ait un mort, tôt ou tard.»
Le directeur de l’ITM évoque aussi la responsabilité des salariés : «Au Luxembourg, ils se disent « de toute façon, ça ne m’arrivera pas », ou bien que c’est toujours un autre qui est responsable pour eux. Or s’ils se trouvent dans une situation dangereuse, ils doivent avertir leur patron.»
Besoin accru de formation
Alors que faire? Pour Marco Boly, «le changement de mentalité passe uniquement par de la formation, qui doit être plus pratique».
Les partenaires sociaux acquiescent. «Fournir les équipements de sécurité c’est bien, mais il faut aussi former davantage les salariés au sein des entreprises, avec chaque année une piqûre de rappel. C’est seulement par là que passera leur prise de conscience», insiste Jean-Luc de Matteis, membre du bureau exécutif de l’OGBL, qui ajoute le problème des «cadences de plus en plus infernales» auxquelles sont soumis les salariés.
«On s’est battu pour avoir des normes et des équipements. Il faut désormais aller plus loin : la sécurité doit faire partie intégrante des instructions et des formations, et ne plus être traitée à part. Il faut une autre approche au quotidien», renchérit Patrick Dury, au LCGB.
«Un accident grave peut complètement désorganiser une équipe. Il faut sensibiliser les chefs d’entreprise qui ne font pas encore tous les efforts, en les amenant à de la formation. Il faut plus de créneaux», affirme pour sa part Nicolas Henckes, secrétaire général de l’UEL.
« 1 euro investi rapporte 2,5 euros »
Selon Marco Boly, «un euro investi dans la sécurité-santé rapporte 2,5 euros qui, dans un cercle vertueux, peuvent être réinvestis dans de la formation». Le coût direct et indirect des accidents du travail au Luxembourg atteint le demi-milliard d’euros chaque année, poursuit le directeur de l’ITM. «On doit être capable d’en mettre une partie dans la sécurité.»
De part et d’autre, les déclarations d’intention sont là et se rejoignent. Il reste à leur donner corps sur le terrain.
Sylvain Amiotte
Le bâtiment, premier touché
Premier secteur concerné par les accidents (huit morts au travail sur onze en 2015), avec l’industrie, le bâtiment a réalisé beaucoup d’efforts ces dernières années, notamment via la montée en puissance de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment (IFSB), qui propose «systématiquement un module sécurité», souligne Pol Faber, secrétaire général du Groupement des entrepreneurs.
«L’IFSB est financé par 0,65 % de la masse salariale des entreprises. La plupart sont sérieuses, mais il y en a certaines qui n’y envoient personne, alors qu’elles paient. C’est une question de management.»
Pol Faber estime que c’est désormais aux salariés, qui prennent parfois des libertés avec les équipements et les consignes, de changer de mentalité : «On aimerait travailler avec les syndicats pour lancer des campagnes de communication.» Chaque année, une prime de 1 % est versée aux ouvriers qui n’ont pas commis de faute de sécurité.
Nicolas Schmit : «Nous n’avons pas tout essayé»
Le ministre du Travail, Nicolas Schmit, en appelle à une prise de conscience de la part des employeurs et des salariés. Il pointe des négligences «graves».
Le Quotidien : Quelque 27 000 accidents du travail surviennent chaque année au Luxembourg. La situation est-elle préoccupante?
Nicolas Schmit : Chaque accident, de surcroît mortel, est préoccupant. Car il touche un salarié, une famille. C’est un accident de trop. Il ne faut pas relâcher nos efforts pour faire diminuer leur nombre, qui reste constant d’année en année. Je crois que nous n’avons pas encore tout essayé. Il faut accélérer et renforcer les différentes mesures pour que s’installe une vraie culture de la sécurité au travail. Ceci doit se faire avec les partenaires sociaux. Il n’est pas normal qu’un salarié soit dans une situation de risque mortel. Nous n’avons pas tout fait pour évaluer les risques. Les années à venir doivent être des années de mobilisation.
Que faire alors?
Il existe au sein des entreprises le travailleur désigné et le délégué à la sécurité, mais nous n’avons pas encore utilisé toutes les possibilités que devraient offrir ces organes. Ceux-ci n’ont pas été créés pour la forme, pour se donner bonne conscience, mais bien pour être en permanence éveillés sur les risques. Il faut donner les moyens au délégué à la sécurité de sonner l’alerte.
Les salariés ne le font pas?
Quand je regarde les récents accidents graves, ce qui frappe, c’est qu’un tiers concernent la construction. Et dans beaucoup de cas, manifestement les précautions qui auraient dû être prises ne l’ont pas été. Quand on ne met pas des garde-corps à certains endroits, c’est une négligence capitale, gravissime. Je rends responsable l’employeur bien sûr, mais je critique aussi les salariés qui n’ont pas insisté pour que toutes les précautions soient prises.
Nous sommes dans une période où il faut aller très vite, notamment dans le secteur de la construction où dépasser les délais coûte de l’argent. Cela mène à des négligences inacceptables. Certaines entreprises essaient d’économiser à droite et à gauche, au détriment de la sécurité. Mais certaines ont aussi zéro accident, ce n’est donc pas inévitable!
Il y a aussi le problème des intérimaires et des travailleurs détachés, qui n’ont souvent pas été formés au problème de la sécurité et qui sont plus vulnérables. Il faut le prendre en compte.
« Il faut exclure les entreprises négligentes de tous les marchés publics »
Que pensez-vous de la charte « Vision Zéro » qui fixe un objectif de réduction des accidents et que vous avez signée avec les partenaires sociaux?
Signer une charte, c’est bien. Mais l’important c’est sa mise en œuvre pratique. Le message des organisations patronales doit parvenir jusque dans les entreprises. Nous sommes encore loin du compte. Aussi, je propose le lancement d’une « semaine de la Sécurité dans la construction ».
Ne faut-il pas également renforcer les sanctions?
Il faut s’assurer du côté de l’État, dans les marchés, que toutes les mesures de sécurité sont prises. Je le dis clairement : si une entreprise a été à l’origine d’un accident grave par négligence, il faut, au-delà des sanctions pénales, l’exclure pendant une période substantielle de tous les marchés publics. Il faut aller plus loin, être plus sévère et sanctionner là où ça fait mal, sur le plan économique.
L’Inspection du travail joue-t-elle son rôle?
Il faut certes encourager une culture de la précaution dans les entreprises, mais il faut aussi plus de contrôles sur les chantiers, non pas pour embêter les gens, mais pour attirer l’attention sur des défaillances. Il n’y en a clairement pas assez aujourd’hui, car on n’a pas eu les effectifs qu’il faut à l’Inspection du travail.
Nous sommes en train de les renforcer dans le cadre de la réforme de l’ITM, dont les effectifs doivent enfin correspondre à la multiplication des emplois dans le pays. Nous avons déjà créé une cellule spéciale à l’ITM pour mieux évaluer les risques dans les entreprises. Peut-être faut-il aussi réfléchir à élever encore le niveau des sanctions pour dissuader les récidivistes.
D’après les derniers chiffres d’Eurostat sur l’incidence des accidents graves, le Luxembourg figure dans le trio de tête des pays européens…
Il faut être prudent avec les statistiques. Mais quand j’entends un certain nombre d’entreprises, notamment une grande entreprise industrielle, leurs dirigeants me disent que le nombre d’accidents au Luxembourg n’est pas le plus faible dans leur groupe. C’est une alerte pour l’entreprise et pour nous tous. Le Luxembourg n’est pas le champion de la prévention des accidents. Nous avons une marge de progression substantielle.
Travailleur désigné et délégué à la sécurité : un couple à prendre au sérieux
En tête des personnes à former davantage figurent le «travailleur désigné» (côté patron) et le délégué à la sécurité (côté salariés, uniquement dans les entreprises de plus de 15 employés).
Garant de la sécurité dans l’entreprise, le couple au rôle pourtant essentiel fonctionne mal aujourd’hui. «Nous formons les délégués à la sécurité, mais ils ne sont pas forcément écoutés. Les employeurs leur mettent des bâtons dans les roues, en disant qu’ils ont déjà un travailleur désigné», constate Jean-Luc de Matteis, à l’OGBL.
Martine Peters, conseillère de direction à l’UEL, le reconnaît : «Les conseils des délégués à la sécurité doivent être mieux pris en compte.»
Un pouvoir refusé par les patrons
Même les travailleurs désignés ne seraient trop souvent «pas pris au sérieux», selon Marco Boly, directeur de l’Inspection du travail et des mines : «Beaucoup de patrons le désignent uniquement parce que la loi les y oblige, alors qu’il devrait être un vrai manager de la sécurité-santé dans l’entreprise.»
Bras droit du patron dans le volet santé-sécurité, le travailleur désigné «a normalement un rôle exécutif, avec un pouvoir de budget et de sanction, et du temps pour assurer cette mission. Hélas pour la plupart, ce n’est pas le cas aujourd’hui», observe Martine Peters. L’UEL appelle elle aussi à renforcer leur formation.
L’ITM va sévir… mais quand?
En pleine restructuration, l’Inspection du travail ne dispose pas encore des effectifs pour jouer pleinement son rôle de police.
Confrontée à un vieillissement de ses effectifs, avec de nombreux départs à la retraite («résultat d’une gestion désastreuse des ressources humaines ces 15 dernières années», plaide le ministre Nicolas Schmit), l’Inspection du travail et des mines (ITM) n’est aujourd’hui pas en mesure de veiller au bon respect des règles de sécurité dans les entreprises.
Sur 44 inspecteurs du travail recensés au 1er août dernier, seuls treize effectuent des missions d’inspection et de contrôle sur le terrain (les autres se consacrant aux enquêtes après accident et aux établissements soumis à autorisation).
Il faudrait quatre fois plus d’inspecteurs sur le terrain
C’est largement insuffisant. «Pour ces seules missions d’inspection, selon le ratio du Bureau international du travail, il faudrait environ un inspecteur pour 8 000 salariés, soit 50 inspecteurs au Luxembourg, quatre fois plus qu’actuellement», observe Marco Boly, le directeur de l’ITM depuis février 2015.
Dès lors, les contrôles de l’ITM se cantonnent aux signalements qui lui parviennent. Sur 42 000 réclamations reçues l’an dernier, les deux tiers ont pu être solutionnées par téléphone, le reste faisant l’objet de visites de terrain. «Nous avons 10 à 15 % de situations que nous sommes incapables de traiter convenablement», reconnaît Marco Boly.
Aucun contrôle aléatoire aujourd’hui
Sans compter que 10 % des appels à l’ITM sont aussi perdus dans la nature, car le service, surchargé, tarde à répondre. Si bien que toute démarche proactive de contrôles aléatoires en entreprise est aujourd’hui inexistante. «Oui, nous avons une énorme marge de progression», concède le directeur de l’ITM, contraint de prendre son mal en patience avant de pouvoir «accentuer la répression». «Nous avons recruté cette année 14 inspecteurs du travail, mais ils ne seront pas sur le terrain avant trois ans, car l’assermentation intervient après trois ans de stage.»
À quand une ITM en pleine possession de ses moyens? «Mon objectif est d’atteindre 200 personnes (NDLR : contre 95 fin 2015) à l’ITM d’ici 2025. Si je recrute 10-15 inspecteurs par an, on y arrivera», répond Marco Boly.
«On attend depuis longtemps une ITM réactive qui va sur les chantiers. Aujourd’hui ce n’est pas le cas et ça va prendre des années», déplore Jean-Luc de Matteis, à l’OGBL, qui se plaint d’une ITM «de plus en plus bureaucratique».
Presque aucune amende infligée
Hors procédure pénale, la peine encourue pour une entorse à la législation en termes de sécurité-santé est de 1 000 euros par infraction et par salarié (avec un plafond de 50 000 euros par entreprise, 100 000 en cas de récidive). Mais concrètement, l’ITM n’en a infligé «presque aucune» ces dernières années, de l’aveu de son directeur, et se concentre actuellement sur les infractions au droit du travail (dumping social), qui focalisent l’attente des syndicats et du patronat.
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Le chiffre : 2,6
Selon une étude de la fondation Idea, les accidents du travail coûtent au Luxembourg entre 1,4 % et 2,6 % du PIB. Cet aspect économique est souvent méconnu, tandis que le bilan humain reste évidemment le plus à déplorer : de 10 à 20 morts et 1 200 victimes de lésion permanente par an, 594 accidents graves analysés par l’ITM en 2015 (dont 40 % dans le secteur de la construction).
Un bonus-malus à partir de 2019
Les entreprises paient aujourd’hui 1 % de leur masse salariale brute pour financer l’indemnisation des accidents du travail, gérée par l’Association d’assurance accident (AAA).
À partir de 2019, un système de bonus-malus sera introduit en fonction du nombre d’accidents et de leur coût dans chaque entreprise. «Taper au porte-monnaie pourra aussi améliorer les choses», estime Annick Sunnen, ingénieur à l’AAA.
En 2014, les rentes liées aux accidents du travail au Luxembourg ont coûté 172 millions d’euros, tandis que les traitements, soins et dégâts matériels se sont élevés à 44 millions d’euros.
Le rôle préventif de l’AAA
L’Association d’assurance accident (AAA), établissement public sous tutelle du ministère de la Sécurité sociale, ne gère pas seulement l’indemnisation des victimes. Elle fait aussi de la prévention et se déplace sur le terrain. Hélas elle ne dispose que de quatre salariés dédiés, bientôt six, sur un total de 65. C’est peu à l’échelle du pays, d’autant plus dans un contexte où l’ITM est défaillante.
C’est d’autant plus regrettable que l’AAA s’est dotée d’un plan d’action ambitieux dans le cadre de la charte «Vision Zéro» : publication de nouveaux guides, plan de formation pour les dirigeants, conseil aux entreprises victimes d’accidents, développement d’un label sécurité-santé adapté aux petites entreprises, avec un audit chaque année (déjà 30 entreprises labellisées)…
Ces « moutons noirs » qui ont bon dos
Quand on évoque les accidents du travail, le terme revient dans toutes les bouches, côté patronat et côté syndicats. Des «moutons noirs», qui n’appartiennent à aucune organisation patronale, seraient responsables de tous les maux, notamment dans le secteur de la construction : travail illégal et dumping social, avec leur lot de travailleurs détachés et d’intérimaires, mais aussi non-respect des règles de sécurité…
Des entreprises qui réduisent ainsi leurs coûts «par rapport à celles qui investissent dans la sécurité» et qui «peuvent soumissionner aux marchés à un prix inférieur», déplore Pol Faber, secrétaire général du Groupement des entrepreneurs, fédération majoritaire dans le bâtiment. «Tout le monde les connaît dans le milieu», assure Pol Faber, qui crie à la «concurrence déloyale» et voit d’un bon œil la volonté du ministre Schmit de les exclure des marchés publics.
«Oui, mais qui prend ces sociétés en sous-traitance?», rétorque Jean-Luc de Matteis, à l’OGBL.
Marco Boly, directeur de l’Inspection du travail, est sceptique : «Tout le monde les connaît? J’attends toujours les informations…» Et d’ajouter : «Nous sommes conscients du problème. Le dumping social des détachés est ce que nous sanctionnons le plus en ce moment. Nous sommes en train de recruter du personnel pour combattre ces moutons noirs.» L’ITM est en effet habilitée depuis peu à sanctionner aussi les infractions au droit du travail, non plus seulement celles liées à la sécurité-santé (ce qu’elle ne faisait pas de toute façon, dixit son directeur).
Quoi qu’il en soit, ces «moutons noirs» n’ont pas le monopole des accidents et ne sauraient masquer les lacunes sécuritaires, certes parfois involontaires, d’autres entreprises. «Ni le patronat ni les syndicats n’ont intérêt à avoir une ITM forte, observe Marco Boly. Aujourd’hui, ils crient tous après l’ITM par rapport au dumping social. Mais qu’en sera-t-il quand il s’agira de fermer des boîtes pour des problèmes de sécurité?»
Et les maladies professionnelles? Dans le monde (OMS), ells sont estimées à 6* le nbre des accidents. Au lux, elles ne feraient que 3% du total! Cherchez l’erreur… Du fait de cette sous-estimation, on ne se donne pas les moyens d’agir et les entreprises n’ont pas d’incitation à faire une réelle prevention.
C’est la caisse maladie (donc également les assurés) qui paie les frais au lieu de l’AAA (employeurs)!