Un mois après l’annonce de l’interdiction de la mendicité à Luxembourg, des policiers sont intervenus lundi auprès des mendiants, faisant craindre une phase répressive qui, finalement, n’a pas eu lieu.
Après les paroles, place aux actes. Comme annoncé par le Luxemburger Wort et confirmé dans nos colonnes par Marlène Negrini, la présidente du Syndicat national de la police grand-ducale, la journée d’hier marquait le début de la phase répressive contre la mendicité à Luxembourg.
Plus d’un mois s’est écoulé depuis le 12 décembre dernier et l’accord du nouveau ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, d’interdire la mendicité dans certaines zones de la Ville entre 7 h et 22 h.
Hier, la phase d’information devait donc laisser place au déploiement d’un large dispositif d’agents en uniforme et en civil dans le but de verbaliser les mendiants, passifs comme actifs.
Une opération qui, d’un point de vue extérieur, ressemblait à une action coup-de-poing, mais qui n’en fut rien. «Ce matin, du côté d’Hamilius, il y a quelques policiers qui ont pris contact avec des mendiants, mais ils n’ont rien fait d’autre», raconte Marie-Marthe Muller.
Cette dernière, membre du Parti pirate, avait annoncé la veille qu’elle serait assise avec un gobelet au croisement de la Grand-Rue et de la rue des Capucins afin de protester contre «l’évolution d’une mentalité hostile à l’expression de la pauvreté qui se développe dans la Ville de Luxembourg».
Installée sur la chaussée de 12 h à 15 h, Marie-Marthe Muller témoigne «n’avoir vu aucun policier» et «qu’aucune action policière n’a été faite dans la journée». Questionnée sur d’éventuelles interpellations devant les magasins, Anne Darin, directrice de l’Union commerciale de la Ville de Luxembourg, a également répondu que «nous n’avons eu aucun feed-back de nos membres à ce sujet».
Des interventions sans verbalisation
Malgré la présence policière, plus de peur que de mal donc pour les activistes qui étaient au branle-bas de combat afin de protester contre cette mesure et les verbalisations. Comme Marie-Marthe Muller, des membres du collectif «Vigilance Humaniste Mendicité», lancé par l’artiste Serge Tonnar sur Facebook, ont aussi assisté à l’opération, encore loin d’être répressive.
«Six agent.e.s de police, plus un chien, ont agi très correctement : demandé les noms, les ont invités à déguerpir et informés qu’en cas de récidive, ils allaient être verbalisés», a notamment écrit l’un d’eux sur la page publique du groupe. Peut-être les conditions météorologiques ont-elles conduit les forces de l’ordre à revoir leur objectif à la baisse.
Vers midi, un calme plat régnait autour de la gare, rue de Strasbourg ou encore avenue de la Liberté. Sous le froid et la neige, très peu, voire pas, de mendiants, contrairement à d’habitude. Un constat que partage aussi Marie-Marthe Muller : «J’ai l’impression qu’il y en avait moins en Ville que d’habitude.»
Du côté de la police, interrogée par nos soins, un certain flou est entretenu autour de l’opération. Cette dernière ne fera l’objet d’aucun bilan public sur le nombre de contrôles ou encore d’agents mobilisés. Cependant, la police précise «qu’il ne s’agissait pas d’une action coup-de-poing massive» et confirme que les interventions n’ont donné suite à aucune contravention.
À partir d’hier, pas de grand coup de filet, mais plutôt «des contrôles dans le contexte des patrouilles quotidiennes normales, respectivement de manière ciblée et proactive selon la disponibilité des agents et les priorités d’autres interventions».
«Les gens se sentent aussi visés»
Dans le bulletin journalier de la police, une communication a toutefois été réalisée hier afin de rappeler le but de cette mesure qui permet «d’assurer la sécurité et la salubrité publiques et vise principalement les phénomènes liés au trafic de stupéfiants, l’immigration clandestine, le contrôle d’accès des immeubles et bâtiments publics et la mendicité organisée, voire agressive». Des mots qui sonnent faux aux oreilles de Marie-Marthe Muller, révoltée : «Ces personnes sont dans la misère et ce n’est pas comme ça qu’on va les aider.»
Dans la peau d’une mendiante pendant quelques heures, la représentante du Parti pirate a été «très positivement étonnée» de voir le soutien apporté par les Luxembourgeois. En trois heures, elle a récolté une trentaine d’euros, qu’elle va redistribuer à la Stëmm vun der Strooss, et surtout de nombreux soutiens.
«Les gens sont venus me parler et ont exprimé leur accord contre cette interdiction. Il y a des personnes qui, maintenant, donnent expressément car les gens se sentent aussi visés par l’interdiction. Ceux qui donnent sont aussi ciblés.» Face à l’interdiction, une solidarité semble s’être créée autour d’une décision toujours plus controversée qui, pour l’instant, n’a pas eu l’effet escompté. Reste à savoir quand auront lieu, ou non, les premières contraventions.
C’est justement parce que certaines personnes « s’achètent une conscience » en donnant, que les mendiants se sont passés le mot et sont arrivés de partout. Pour les personnes en détresse, il y a des centres et des professionnels qui sont là pour eux. Parmi les mendiants, certains ne sont pas là par besoin, mais par conviction -> partage des richesses.