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71 faillites au 1er trimestre : le secteur de la construction à terre


Les carnets de commandes vidés, tous les corps de métiers risquent d’être frappés par la crise ces prochains mois.

Alors qu’il affichait déjà le plus grand nombre de faillites enregistrées en 2023, le secteur de la construction s’enfonce encore un peu plus en ce 1er trimestre, avec une perte de 660 emplois supplémentaires.

Les nouvelles sont globalement mauvaises sur le front des faillites, en hausse de 15 % au 1er trimestre par rapport à la même période en 2023. 317 entreprises luxembourgeoises ont ainsi mis la clé sous la porte, contre 276 entre janvier et mars l’an passé. De quoi générer une perte de 1 239 emplois salariés, d’après les estimations publiées hier par le Statec, contre 768 au premier trimestre 2023. Soit une augmentation de plus de 60 %. «Il faut remonter à 2011 pour retrouver des niveaux similaires en termes de pertes en un seul trimestre», pointe l’institut statistique.

Si les branches du commerce et de l’Horesca sont en souffrance, avec de nombreux emplois supprimés, c’est dans la construction que le tableau se noircit sérieusement.

Alors que le secteur encaisse le plus grand nombre de faillites depuis 2023, cette situation critique s’accentue au 1er trimestre 2024, aussi bien en nombre absolu – 71 faillites, une hausse de 18 % par rapport au 1er trimestre 2023 – qu’en pertes d’emplois salariés. Celles-ci sont estimées à 660 environ : c’est 244 % de plus qu’au premier trimestre de l’année passée. «Le secteur de la construction représente à lui seul plus de la moitié des pertes d’emplois liées aux faillites», souligne le Statec.

Voilà deux ans maintenant que ce pilier de l’économie nationale se fissure. La crise, déclenchée par l’inflation et la remontée des taux des prêts immobiliers, s’est étalée tout au long de 2023, et ces nouvelles données montrent qu’elle se poursuit. L’an passé, le déclin des surfaces et des logements autorisés a continué comme en 2022. Et en à peine quatre ans, la surface à bâtir a chuté de 44 %, passant de 2 millions de m2 en 2019 à seulement 1,1 million en 2023.

Pas étonnant, dans ce contexte, que les 4 500 entreprises du pays actives dans la construction peinent à garder la tête hors de l’eau. Certaines n’y sont pas parvenues, parmi lesquelles des poids lourds : l’année 2023 a ainsi vu s’effondrer des colosses tels que Cenaro Group, Manuel Cardoso SARL, Decorlux SARL ou plus récemment Carvalho Constructions Générales et MaçonLux, pour ne citer que ceux-là.

Des écroulements en cascade avec leur lot de licenciements qui ont fait réagir le gouvernement, trop tardivement peut-être, alors que les fédérations de professionnels et les syndicats sonnaient l’alerte depuis des mois. Dès août dernier, le patronat s’alarmait après avoir fait les comptes : «4 600 emplois seront directement menacés», annonçaient le Groupement des entreprises et la Fédération des entreprises de construction, projetant que chaque corps de métier serait frappé «à un moment ou à un autre», à la suite du plongeon des autorisations de bâtir.

Du jamais vu depuis la crise de 2009

Après un ralentissement généralisé difficilement tenable, c’est sans surprise qu’en octobre dernier, l’emploi dans la construction était en recul de 2,7 % sur un an : du jamais vu depuis la crise financière de 2009. Et la situation s’est particulièrement dégradée sur la fin de l’année, le dernier trimestre 2023 affichant deux fois plus de licenciements pour cause de faillite dans la construction (près de 450) que le trimestre antérieur», notait le Statec en janvier.

Dans la foulée, sous la pression patronale et syndicale, les ministres du Travail et de l’Économie déclaraient l’état de crise d’une partie du secteur, ouvrant la voie au recours au chômage partiel pour le personnel dédié au terrassement, à la démolition et à la construction, soit 600 entreprises concernées et 15 400 salariés – dans la limite de 20 % des effectifs et pour une durée de six mois.

Une mesure accueillie favorablement, en parallèle d’un plan de soutien, mais insuffisante aux yeux de la Fédération des artisans, qui craint que cette crise fasse tache d’huile ces prochains mois et nécessite rapidement l’élargissement du dispositif. Sur les 149 demandes de chômage partiel déposées auprès du Comité de conjoncture pour le mois de mars, un tiers provenait de la construction.

Le chiffre

1 860. C’est le nombre de pertes d’emplois engendrées par les 233 faillites d’entreprises de la construction prononcées entre janvier 2023 et mars 2024 au Luxembourg. Un chiffre qui ne tient donc pas compte des licenciements survenus hors contexte de faillite. Rappelons que ce secteur représente environ 4 500 sociétés – une sur dix dans l’économie nationale – et compte près de 55 000 employés, tous corps de métiers confondus.