Locations de terrains sportifs, achats de vins et de fleurs : en 2013, la Cour des comptes avait pointé des anomalies dans la gestion du Fonds du logement.
Selon la Cour des comptes, les attributions de logements n’ont pas eu lieu dans la transparence. (Photo : archives LQ)
En 2013, le rapport de la Cour des comptes, chargée du contrôle de la gestion financière des établissements publics, avait relevé des anomalies à dix endroits différents. Il y était notamment question de réserves d’argent accumulées par la Coque, l’abbaye de Neumunster et la Philharmonie. Vers la fin du rapport, la Cour s’était aussi exprimée sur le Fonds du logement « pour les exercices 2009 à 2011 ».
Il en ressort que dès 2011, la Cour des comptes avait pointé du doigt « jetons de présence », « primes uniques » et « dépenses inappropriées ». Le rapport de 2012 de la commission du Contrôle de l’exécution budgétaire (Comexbu), présidée par Anne Brasseur (DP), s’en était d’ailleurs fait l’écho, jugeant « inappropriés certaines dépenses telles que les frais de location de terrains de sport, achats de fleurs, achats de vins, achats de vêtements de sports, etc. », et ce « malgré l’argumentation du Fonds ».
La commission soutenait aussi « la recommandation de la Cour des comptes de limiter le paiement des indemnités aux seuls cas prévus par la loi ». En cause, une indemnité de fin de carrière versée à un architecte détaché au Fonds « depuis sa création (1979) » comme le précisera le Fonds par la suite.
> Procédures d’attribution de logement opaques
Mais évidemment la Cour des comptes avait aussi entrepris de contrôler la « location et la vente subventionnée », dont le Fonds du logement est chargé.
Elle s’est alors rendu compte que « les dossiers des locataires ne contiennent aucune information concernant la procédure d’attribution du logement et aucune motivation quant au choix du nouveau locataire ».
Autrement dit, la Cour ne pouvait pas se prononcer sur « le respect des critères de sélection prévus dans le règlement grand-ducal ». Elle a constaté la même chose concernant la vente subventionnée. Là encore, les informations sur la « décision d’attribution du logement », de même qu’un « rapport documentant la sélection du futur acquéreur » manquaient. Une nouvelle fois, la Cour ne pouvait pas se prononcer sur le « respect de la procédure interne du Fonds ».
Voilà pourquoi, dans son rapport de 2013, elle exige « des décisions écrites et dûment motivées renseignant sur le respect de la procédure en vigueur ».
Inclues à la fin du rapport, les « observations » du Fonds du logement à propos du rapport de la Cour des comptes paraissent aujourd’hui emplies d’une arrogance et d’une suffisance à peine cachées. Ainsi s’est-on borné à constater nonchalamment que dans son rapport la Cour « ne soulève pas de problème majeur ». Et d’expliquer que concernant les jetons de présence et les primes uniques, le Fonds du logement aurait « suivi les recommandations de la Cour en requérant formellement les autorisations requises ».
Et, à propos des dépenses inappropriées, que le Fonds aurait « supprimé les achats de fleurs qui agrémentaient l’espace d’accueil et de réception des clients » ainsi que « la location de terrains de sport ou les achats de vêtements de sport » dont le but était de « favoriser le contact et la bonne entente au sein de l’équipe du Fonds ». L’absence ostensible de l’achat de vins dans cette liste, pourtant mentionné dans le rapport de la « Comexbu », est significative.
> « Les résultats escomptés ayant été obtenus »
Quoi qu’il en soit, « ces dépenses ne sont effectivement plus nécessaires, comme le soulignait encore le Fonds du logement, les résultats escomptés ayant été obtenus ». Le Fonds aurait d’ailleurs entrepris un certain nombre d’améliorations depuis, notamment concernant la vente subventionnée.
Comment dès lors expliquer les soupçons qui pèsent aujourd’hui sur la personne de Daniel Miltgen ?
La mélodie d’attente du Fonds de logement, ces jours-ci, c’est la 9e Symphonie de Beethoven, celle qui se termine sur l’Hymne à la joie. Juste avant que décroche Daniel Miltgen débute le deuxième mouvement de la symphonie, tourmenté et tourmentant.
Daniel Miltgen, effacé, dit ne pas avoir le droit de s’exprimer avant l’envoi de sa lettre d’explication, exigée hier par la ministre du Logement Maggy Nagel, mais avoue ressentir un « urgent besoin de parler ». Autant parler du rapport de la Cour des comptes de 2013… Là-dessus, Miltgen : « Désolé, je ne l’ai plus en tête. »
De notre journaliste Frédéric Braun