Karl Lagerfeld a transporté mardi le show Chanel à Paris au cœur même de la haute couture: dans des ateliers recréés pour l’occasion au Grand Palais, les « petites mains » de la maison, pour une fois sous les projecteurs, s’affairaient tandis que défilaient les mannequins.
Une inspiration faisant écho à celle de Dior la veille, qui avait aussi dédié sa collection toute en noir et blanc aux « inimitables savoir-faire » de ses ateliers. Dans le décor des quatre ateliers de la maison, entre un miroir sur pied, des rouleaux de tissus et des portants, une couturière prend des mesures, une autre repasse, une troisième coud à la machine.
« S’il n’y avait pas ces dames, la haute couture n’existerait pas, pas comme cela en tout cas », a commenté Karl Lagerfeld après le show auquel assistaient entre autres les acteurs américains Jessica Chastain et Will Smith, accompagné de sa fille Willow, ou la Française Vanessa Paradis. Environ 80 couturières sur les 120 que compte la maison était présentes, notamment les quatre « premières d’atelier »: Olivia et Cécile (ateliers « flou », pour les robes), Jacqueline et Josette (ateliers tailleurs).
« On est dans le grand luxe et c’est amusant que les gens voient comment il se fabrique, c’est fait comme il y a cent ans », a expliqué le directeur artistique de Chanel. Mettre en avant ce travail permet de comprendre « pourquoi c’est si cher », selon Karl Lagerfeld. « C’est vraiment artisanal, ce n’est pas des pièces débitées comme ça. Je n’ai rien contre la fast fashion mais c’est une autre histoire! »
Dans cette collection automne-hiver 2016, la veste de tailleur Chanel a des épaules parfois biseautées pour une nouvelle silhouette. Elle se porte sur des pantalons larges et des jupes culottes. Et de grandes bottes noires drapées en tulle et en daim, avec des mitaines montantes assorties. Les cheveux sont ramassés en un volumineux chignon frisé, perché sur le haut de la tête. Un ruban noir et de faux cils complètent le look.
La mariée était en pantalon
Si les ateliers des métiers d’art appartenant à Chanel (plumassier, brodeur..) n’ont pas investi physiquement le Grand Palais, leur savoir-faire est aussi mis en valeur dans cette collection, avec une profusion de broderies, de perles, de fleurs. Sur un tailleur, un manteau, une robe, des plumes forment une collerette pour femme-paon. La mariée qui clôturait le show était en pantalon, incarnée par le mannequin britannique Edie Campbell.
« La prochaine fois je prends une mariée qui a plus de quarante ans! », a promis Karl Lagerfeld. Dans une autre galerie du Grand Palais était présentée la collection de Yacine Aouadi, jeune recrue de la haute couture. Ici pas de défilé-fleuve, mais 13 silhouettes sur des mannequins en bois suspendus à une structure aux airs d’échafaudage.
Le jeune homme, qui a grandi dans les quartiers populaires de Marseille (sud) dans une famille algérienne, s’est inspiré pour sa troisième collection d’un voyage à Cordoue, et de « l’émotion très forte » ressentie en visitant la mosquée-cathédrale. « Je suis parti de ce mélange de cultures et de religions. Je me suis dit pourquoi ne pas apporter à ma collection une mixité, un symbole de paix tout simplement », a expliqué le créateur. « Les événements récents rendent nostalgique d’une époque où les gens vivaient tous ensemble ».
Les influences arabo-andalouses marquent des robes aux broderies orientales, tandis qu’une combinaison rouge richement brodée évoque l’univers de la corrida. Une robe en panne de velours violet, parsemée de sortes d’écailles de la même matière, donne une allure de sirène.
Le Quotidien/AFP