Un nouveau marché porteur commence à voir le jour, celui des produits s’adressant aux personnes de confession musulmane.
Loin des polémiques qui agitent la France, de jeunes entrepreneurs comme de grandes entreprises britanniques s’adressent directement aux musulmans avec des produits ciblés qui vont des vêtements aux cartes de vœux, en passant par les cours de gym en ligne.
Des marques célèbres comme le Japonais Uniqlo ou le Britannique Marks and Spencer proposent aujourd’hui des habits conformes à une certaine mode islamique «pudique», ce qui a dernièrement déclenché une vive polémique en France. Des responsables politiques et personnalités de la mode ont fustigé cette tendance, y voyant la promotion d’un mode de vie contraire à la liberté et au féminisme.
Au Royaume-Uni, où des femmes voilées travaillent dans les services publics ou apparaissent sur les émissions à succès de la BBC, le sujet fait moins débat. Et l’économie musulmane se décline dans de nombreux domaines. « Le concept de halal ne s’applique pas seulement à la nourriture, mais aussi à l’éthique des affaires ou encore aux vêtements », souligne Rauf Mirza, responsable marketing de The Muslim Lifestyle Expo (MLE), qui organise des expositions consacrées aux modes de vie musulmans en Angleterre.
Cette semaine, MLE a pour la première fois réuni 150 entrepreneurs, experts et cadres de grandes entreprises dans le centre de Londres pour échanger des conseils sur la meilleure manière de profiter de ce marché en pleine expansion.
Combler un manque sur le marché
Faaezah Qureshi, une jeune femme vivant dans le Yorkshire, un comté du nord de l’Angleterre, raconte avoir fondé une société de fabrication de cartes de vœux par frustration vis-à-vis de l’offre existante. « Sur les cartes de vœux pour les mariages, il y avait toujours des coupes de champagne ou des églises », explique-t-elle.
Du coup, elle a lancé sa propre collection de cartes sous la marque Elaara pour célébrer tous les grands événements de la vie – naissance, mariage ou obtention d’un permis de conduire… – avec une touche musulmane. Zahra Pedersen a pour sa part lancé des cours de fitness sur internet sous la marque «The Healthy Hijab». « Il y avait un manque sur le marché », estime la jeune femme, qui n’est elle-même pas voilée, mais dont les clientes le sont pour la plupart. « C’est souvent des femmes qui portent le hijab et qui ne vont pas à la salle de sport, qui ne se sentent pas à l’aise pour s’entraîner à côté des hommes », explique-t-elle. Le marché juteux de l’économie musulmane suscite convoitise et intérêt bien au-delà de la communauté elle-même.
David Horne, un Canadien non musulman, a ainsi cofondé la société Alchemiya, un « Netflix pour musulmans » présent dans 39 pays, dont la France. Au programme, pas de prêche ou de débats théologiques, mais des films et documentaires sur le skateboard à Kaboul ou un concours de muezzins turcs.
Un pragmatisme anglais
Au-delà de ces jeunes pousses qui tentent de se faire une place au soleil, nombre de grands groupes occidentaux n’hésitent plus à s’adresser directement aux clients musulmans. « Si vous êtes une marque mondiale, comment pouvez-vous vous permettre d’ignorer 1,6 milliard de personnes? », interroge Rauf Mirza.
Au Royaume-Uni, qui compte une importante communauté musulmane principalement originaire du sous-continent indien, la chaîne de supermarchés Tesco a ainsi lancé des promotions et publicités pour le Ramadan. Et les entrepreneurs français en quête de croissance sur ces nouveaux marchés viennent à Londres trouver des idées et échanger.
« En traversant la Manche, on a un pragmatisme sur ces sujets-là, qui sont vus au prisme économique uniquement, on n’y voit que l’opportunité de marché. Alors qu’en France, on a cette faculté de politiser tout de suite les débats », regrette Ali Djedid, le patron de Zeynara, une plateforme d’e-commerce dédiée à la mode dite «modeste» ou pudique, basée à Paris. « Il ne fait aucun doute qu’il y a un marché, qu’il est en croissance et qu’il a besoin aussi de s’adapter aux modes de consommation modernes », souligne cet ancien analyste financier dans une grande entreprise informatique, de passage à Londres cette semaine.
Le Quotidien/AFP