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Réforme à la Cour de justice de l’UE :  » Ça va marcher ! »


En 2015, le juge luxembourgeois François Biltgen a rendu 63 arrêts et 13 ordonnances dont 15 arrêts et 6 ordonnances en tant que juge rapporteur. (Photo : Archives LQ)

Au total, 1 711 affaires ont été introduites auprès des trois juridictions de la Cour de justice de l’UE (CJUE) en 2015 et 1 755 affaires ont été clôturées. Un bilan exceptionnel avant l’arrivée des nouveaux juges.

Énorme activité et réforme en cours. L’année 2015 a été exceptionnelle pour l’institution du Kirchberg qui accueillera deux fois plus de juges et une tour supplémentaire en 2019.

D’une manière judicieuse mais peu élégante, le juge belge Franklin Dehousse a choisi de livrer un rapport très critique sur la réforme de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le jour où cette dernière rendait public son rapport annuel d’activité. Il fustige notamment le doublement du nombre de juges au Tribunal de l’Union européenne (TUE) qui passe de 28 à 56, pour satisfaire tous les États membres, invités chacun à envoyer désormais deux magistrats siéger à Luxembourg.

Et avec ce doublement, c’est le budget de fonctionnement de l’institution qui augmente de près de 7 %. Faire plus vite et moins cher tout en conservant la qualité des décisions rendues, c’était le but de la réforme. Hier, le président du TUE, le Luxembourgeois Marc Jaeger, a claironné au sujet de la réforme : «Ça va marcher!» Le même président avait pourtant critiqué lui aussi cette augmentation des juges, déclarant, dans un courrier à la présidence italienne en décembre 2014, qu’il existait «des méthodes plus appropriées, plus efficaces et moins onéreuses de renforcer le tribunal». Il songe alors à augmenter le nombre de référendaires (les assistants des juges) et renforcer le greffe, selon le journal français Libération qui avait eu accès au courrier.

Mais rien de tout cela hier. Le président Marc Jaeger et le juge luxembourgeois à la Cour, François Biltgen, qui ont tous deux abordé la réforme, ont laissé les critiques de côté. Ils se sont concentrés sur le travail abattu et son évolution. «L’année 2015 est une année clé dans l’histoire du Tribunal», indique d’emblée Marc Jaeger. En cinq ans, le nombre d’affaires réglées a quasiment doublé pour passer de 500 en 2010 à 800 en 2014 et finalement on frôle le millier d’affaires réglées en 2015. Notons que cette augmentation de l’activité a eu lieu avec le même nombre de juges, soit 28.

Le rythme va ralentir

La réduction de la durée de l’instance a été améliorée depuis 2013 pour passer d’un peu plus de 23 mois en 2014 à un peu plus de 20 mois en 2015. Mais le nombre d’affaires introduites est en constante augmentation avec 813 nouvelles affaires en 2015, soit 40 % de plus que la moyenne entre 2008 et 2010. Le doublement du nombre de juges interviendrait progressivement jusqu’en 2019 est donc une bonne nouvelle pour le justiciable : «Cette augmentation du nombre de juges va nous permettre de faire face à un contentieux qui ne cesse d’augmenter, de se diversifier et de se complexifier», se réjouit finalement Marc Jaeger devant la presse en gardant à l’esprit que ce renforcement des troupes permettra de poursuivre le travail de l’institution en conservant comme critères «la célérité, la cohérence et la qualité».

Pour la célérité, il ne faudra pas s’attendre à des miracles dans l’immédiat, car une vingtaine de nouveaux juges vont faire leur entrée dans la maison. En plus des 19 nouveaux magistrats attendus d’ici la fin de 2016 dans le cadre de l’augmentation des effectifs décidée par le Conseil, une poignée d’anciens vont quitter le TUE. «Si l’on doit travailler avec 47 juges dont la moitié sont nouveaux, cela va inexorablement ralentir le rythme que nous avons atteint cette année, mais une fois parvenu à la vitesse de croisière, ça passera comme une lettre à la poste», estime le président Jaeger.

Quant à François Biltgen, son activité à la Cour ne fut pas plus reposante. Il a rendu 63 arrêts et 13 ordonnances dont 15 arrêts et 6 ordonnances en tant que juge rapporteur. Les affaires impliquant le Luxembourg en 2015 se partagent entre les renvois préjudiciels avec cinq affaires en cours, ayant trait principalement à l’octroi des bourses pour les étudiants, et cinq recours en manquement d’État. Comme Marc Jaeger, le juge à la Cour a cité quelques arrêts marquants de l’année écoulée comme la décision concernant l’interdiction pour un homosexuel de donner son sang et qui peut être justifiée selon la situation prévalant dans l’État membre. François Biltgen choisira également, comme autre exemple, non pas un arrêt, mais les retentissantes conclusions de l’avocat général Bot à propos de la directive sur le traitement des données à caractère personnel avec l’affaire Maximilian Schrems qui s’oppose aux transferts de ses données Facebook aux États-Unis. L’avocat général estime invalide la décision de la Commission considérant que le degré de protection est assuré outre-Atlantique.

Geneviève Montaigu