Le projet d’accord UE-Turquie sur la question migratoire qui doit être finalisé les 17 et 18 mars à Bruxelles laisse plus que songeur tant les intentions des deux parties semblent obscures, particulièrement du côté turc. En échange de l’ouverture de nouveaux chapitres de négociation d’adhésion à l’UE, de plusieurs milliards d’aides et de la levée de l’obligation des visas pour les ressortissants turcs dans l’espace Schengen, Ankara s’engagerait à reprendre sur son territoire les migrants et les réfugiés syriens arrivés en Grèce depuis la Turquie.
Les desseins des Européens sont plutôt clairs : ils ne veulent pas de réfugiés sur leur sol, ayant fait de l’inhospitalité une des valeurs fondamentales de l’UE. Bien sûr, l’UE a promis, pour chaque réfugié syrien entré illégalement en Grèce et repris par Ankara, d’accorder l’asile par voie légale à un Syrien installé en Turquie, ce qui ne comprend pas évidemment les «migrants économiques». Mais il s’agit là d’un joli boniment.
Les Européens ne reprendront pas de Syriens, puisque personne n’en veut. L’échec total de l’accord de réinstallation de 160 000 réfugiés d’Italie et de Grèce de septembre en est la preuve flagrante. L’ouverture de nouveaux chapitres de négociation d’adhésion relève également du pur bluff. Dans le climat politique actuel en Europe et en Turquie, une adhésion turque à l’UE tient du conte pour enfants.
Difficile de penser que les autorités d’Ankara soient naïves au point de croire aux promesses des Européens. Certes, la levée de l’obligation des visas peut être un argument électoral pour le président Recep Tayyip Erdogan et les sommes d’argent en jeu ne sont pas négligeables.
Mais pour un pays qui accueille déjà 2,7 millions de réfugiés, qui subit de plein fouet l’onde de choc du conflit en Syrie voisine, qui est le théâtre d’une guerre sur son sol dans le Sud-Est contre les rebelles kurdes, qui est la proie de tensions politiques du fait de la dérive autoritaire d’Erdogan, l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés et migrants supplémentaires ne peut être qu’un nouveau facteur de déstabilisation.
On se demande donc bien ce que les Turcs ont à gagner. Nous en saurons sans doute plus d’ici la semaine prochaine…
Nicolas Klein