L’homme d’affaires Donald Trump et la démocrate Hillary Clinton se retrouvaient mercredi favoris des primaires pour la Maison Blanche après un « super mardi » à succès, journée charnière qui présage un duel entre les deux candidats aux personnalités très opposées.
Donald Trump a depuis le 1er février gagné 10 des 14 premières primaires, et Hillary Clinton 11 sur 16 contre Bernie Sanders. Ils ont chacun démontré leur popularité de l’est à l’ouest et du nord au sud du pays. Avec le résultat des caucus républicains de l’Alaska tombés aux premières heures de mercredi et remportés de justesse par le sénateur du Texas Ted Cruz, selon les télévisions américaines, Trump a engrangé sept victoires dans 11 Etats.
Sur le papier, et selon les sondages, Hillary Clinton partirait favorite contre un personnage aussi clivant que Donald Trump. Mais les démocrates ne veulent pas sous-estimer un homme qui a humilié tous les pronostiqueurs. « Nous avons toujours pris Donald Trump au sérieux », a souligné sur CNN le directeur de campagne de Mme Clinton, John Podesta.
Populiste sans intégrité idéologique, au verbe incendiaire, Donald Trump pourrait surprendre une femme d’Etat rodée mais dont la discipline tourne parfois à la rigidité. Sans compter les affaires qui la poursuivent: les attaques contre la mission diplomatique de Benghazi, en Libye, en 2012 (quatre morts), et la controverse sur sa messagerie privée quand elle dirigeait la diplomatie (2009-2013). « Ça va être assez rude, je ne vais pas lâcher l’histoire des emails », a annoncé Donald Trump mardi soir sur Fox News.
Selon le New York Times, les stratèges de l’équipe Clinton envisagent de confier le sale boulot de répliquer à Donald Trump à Bill Clinton, épargnant autant que possible à la candidate le combat de boue.
Trump flexible
Mais Donald Trump a un avantage: sa flexibilité idéologique, qui pourra lui permettre d’aller chercher les voix des électeurs indépendants, au centre. « Nous allons rassembler le parti et nous allons agrandir le parti », a-t-il promis dans son discours de victoire. Dans le passé, il a fait preuve d’un remarquable opportunisme, passant de la gauche à la droite en fonction de ses intérêts d’homme d’affaires, sur le droit à l’avortement ou les armes à feu.
Aujourd’hui encore, il n’épouse pas complètement l’orthodoxie républicaine, envoyant des signaux mitigés sur l’immigration, la santé, le libre-échange et la relation avec Israël. Il a même défendu mardi le rôle du réseau de planning familial et de cliniques d’avortement Planned Parenthood, que les républicains attaquent avec une extrême virulence. « Il est déjà allé au centre », argue Cary Covington, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Iowa. « Je ne pense même pas qu’il ait à changer », dit-il.
Donald Trump répète qu’il pourrait gagner en novembre dans des Etats démocrates comme le Michigan, où la population blanche ouvrière pourrait être sensible à son discours antisystème et protectionniste. Le rejet de plus en plus public de Donald Trump par des élus conservateurs ne ferait que renforcer sa cote. « Plus les élites du parti protestent contre Donald Trump, plus ça l’aide, car ce ne sont pas des gens que la base respecte », dit Norman Ornstein, de l’American Enterprise Institute.
Trump intolérant
Mais Hillary Clinton a déjà commencé à transformer la campagne en référendum sur l’intolérance supposée du parti républicain et de son favori. Elle dépeint Donald Trump comme un homme xénophobe et sexiste qui déchirera l’Amérique. Comme avec Barack Obama en 2008 et 2012, sa stratégie repose sur la mobilisation des minorités noires et hispaniques. « Je vais continuer à dénoncer l’intolérance et le harcèlement », a-t-elle lâché à des journalistes mardi à Minneapolis.
Dans ses discours, elle parle désormais « amour » et « gentillesse ». Mais l’ex-Première dame, ex-sénatrice et ex-secrétaire d’Etat représente l’establishment par excellence, dans une année marquée par la colère anti-élites. « Il y a énormément de gens qui veulent mettre leur poing dans la tête du système, et Donald Trump est ce poing », a dit David Axelrod, ancien stratège de Barack Obama, au site Vox.
Un consultant républicain du Massachusetts, Brad Marston, abonde. Il admet s’être trompé l’été dernier sur les chances de Donald Trump et prévient que l’homme pourrait être redoutable. « Il est très probable qu’il soit sous-estimé. La plupart des gens qui estiment (Trump) sont des gens qui ne l’aiment pas depuis le début », dit-il.
Le Quotidien / AFP