Accueil | A la Une | Lara Bertemes sur la COP 30 : «Les pays européens doivent s’engager»

Lara Bertemes sur la COP 30 : «Les pays européens doivent s’engager»


À l'instar de Natasha Lepage, déléguée de la jeunesse pour la COP 29 à Bakou, Lara Bertemes souhaite que le Luxembourg privilégie le financement climatique dans ses engagements. (Photos : julien garroy)

Pour la deuxième année consécutive, le Luxembourg enverra deux jeunes délégués à la conférence des parties sur le climat de l’ONU. Rencontre avec Lara Bertemes, sélectionnée pour porter les préoccupations des jeunes Luxembourgeois à la COP 30.

Lara Bertemes, 26 ans, et l’étudiante en médecine Sarah Mackel formeront le duo de déléguées de la jeunesse pour le climat (Climate Youth Delegates Luxembourg) qui représentera le Luxembourg à la COP 30 à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre. Après Natasha Lepage et Frida Thorsteinsdottir l’an dernier à Bakou, c’est la deuxième fois que deux jeunes Luxembourgeois seront présents à une COP. Organisées par l’ONU, les conférences des parties sur les changements climatiques ont pour but principal d’évaluer les progrès de la lutte mondiale en la matière et de négocier les futurs engagements.

Votre tâche de déléguée de la jeunesse luxembourgeoise à la COP 30 a commencé bien avant votre mission à Belém.

Lara Bertemes : Le mandat a commencé en avril dernier. Pendant plusieurs mois, nous avons préparé le programme. Le but était d’aller à la rencontre des jeunes Luxembourgeois dans les écoles, lors d’ateliers ou dans des foires pour parler d’environnement. L’objectif est de les sensibiliser et de leur expliquer le fonctionnement d’une COP. On veut surtout les intéresser à la cause climatique et connaître leurs priorités. On ne peut pas se rendre dans toutes les écoles, mais chaque année, on a de plus en plus de demandes.

Les Brésiliens souhaitent que les pays s’engagent à des actions concrètes

Les jeunes sont-ils intéressés par ces sujets ?

Globalement, oui. Mais cela dépend aussi de l’école dans laquelle ils sont. Certaines informent davantage les élèves sur la cause climatique. Souvent, c’est aussi lié à l’engagement de leurs professeurs. Je trouve regrettable que la thématique de l’environnement ne fasse pas partie de leur programme scolaire. Cela devrait être un thème présent dans toutes les classes au Luxembourg.

Cette année, la COP se déroule au Brésil, à Belém, aux portes de l’Amazonie. C’est un vrai changement en comparaison avec les années précédentes.

C’est une vraie chance que la COP se déroule au Brésil et non pas dans un pays pétrolier, comme c’était le cas l’an dernier à Bakou en Azerbaïdjan ou à Dubaï aux Émirats arabes unis en 2023. Les Brésiliens sont très ambitieux et souhaitent que les pays s’engagent à des actions concrètes. Comme nous serons tout près de l’Amazonie, les discussions porteront sur la biodiversité. Je trouve que c’est important de combiner les thèmes du climat et de la biodiversité. J’espère que dans les années à venir, ces sujets seront toujours présents dans les négociations.

Quels thèmes ou enjeux souhaitez-vous mettre en avant pendant cette COP ?

Il y en a de nombreux. Tout comme l’année dernière, je pense que le Luxembourg peut avoir un vrai impact et un vrai rôle sur le financement climatique. Notre objectif est aussi d’inclure le plus possible les jeunes dans les textes en négociation. On dit souvent que c’est notre génération qui doit tout changer. En disant cela, cela ne veut pas dire que l’autre génération ne doit pas agir. Je pense que l’on doit, tous, travailler ensemble.

On voit maintenant ici en Europe de plus en plus de désastres environnementaux. On oublie souvent que l’Union européenne a aussi quelques États, par exemple avec des îles françaises ou néerlandaises, qui sont directement concernés par le changement climatique. Pourtant situées dans l’hémisphère sud, ces îles ne sont pas vraiment considérées comme des territoires du Sud et elles ne reçoivent pas l’aide dont elles auraient besoin. C’est absolument regrettable.

Qu’attendez-vous de cette COP ?

J’ai déjà plus d’espoir qu’à Bakou et à Dubaï. Parce que le Brésil n’est pas un État pétrolier. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de représentants de ces pays ou des lobbyistes. Je pense que cette COP sera l’occasion d’inclure le rôle des pays du Sud dans les discussions. Mais, aujourd’hui, les pays européens doivent au plus vite s’engager. Car pour l’instant, aucun d’entre eux n’a publié ses indices de mise en œuvre des NDC (NDLR : National Determined Contribution, en français, contributions déterminées au niveau national, c’est-à-dire les plans d’action climatique nationaux, issus de l’accord de Paris, qui définissent comment chaque pays s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre).

Aujourd’hui, alors que les États-Unis ont annoncé leur retrait de l’accord de Paris, la société ne semble plus très encline à parler d’environnement.

C’est un sujet que nous avons abordé avec les autres délégués de la jeunesse pour le climat. C’est vrai qu’ils sont vraiment déçus par le fait que les États-Unis ne fassent plus partie du processus. Cela étant dit, on doit quand même continuer à avoir la même ambition. Ce n’est pas parce que ce pays s’est retiré que l’industrie ou la société civile américaines ne veulent plus rien faire (….). Malheureusement, on voit aussi de plus en plus de désinformation autour du changement climatique, notamment dans les partis d’extrême droite. C’est quelque chose d’assez inquiétant.

Pourtant, on ne cesse de le répéter, il y a urgence.

Il y a des choses qui se mettent en place, mais pas aussi rapidement que l’on voudrait. On a besoin de dialogue, parce que ce n’est pas un problème national, mais bien international. Aujourd’hui, nous avons les moyens financiers pour avancer plus vite. Mais beaucoup de pays ne fixent pas leurs priorités dans l’environnement, mais davantage dans la défense, entre autres.

C’est un privilège et une fierté d’avoir cette position en tant que jeunes engagés pour le climat

Allez-vous interagir avec la délégation luxembourgeoise présente sur place ?

Nous avons une bonne interaction avec eux. Ils sont très ouverts pour écouter nos conseils, et même au niveau national. Ils nous aident beaucoup dans le partage des informations. Nous sommes également en contact avec le ministre de l’Environnement, qui nous recevra avant et après la COP.

L’an dernier, c’est l’activiste Natasha Lepage qui s’apprêtait à rejoindre la COP. Son parcours vous a-t-il inspirée ?

Nous échangeons très régulièrement. Voir les expériences passées est une très bonne chose pour le processus. Tout comme elle l’année dernière, c’est un vrai privilège et une fierté d’occuper cette position en tant que jeunes engagés pour le climat.

Croyez-vous encore au rôle des conférences des parties sur le climat ?

Je pense que, oui, elles sont toujours nécessaires. Ayant fait mes études sur le financement climatique, je vois quand même qu’il y a des changements. Au niveau global, c’est parfois difficile de voir du progrès, mais au niveau local, on voit tout de même des projets qui marchent. Parce qu’il n’y a pas que les pays qui font des choses, il y a aussi les communes et les régions qui ont des projets financés par l’argent de la COP.

Lara Bertemes souhaite que les nations européennes définissent des promesses précises en matière de protection de l'environnement.

Quelles mesures concrètes le Luxembourg devrait-il mettre en place pour être perçu comme un vrai leader climatique en Europe ?

À la COP, les négociations sont menées au nom de l’Union européenne et non par chaque pays à titre individuel. L’impact que le Luxembourg peut avoir, c’est d’être ambitieux et de montrer aux autres pays qu’il utilise ses moyens financiers pour être un leader en climat. Je dois dire que le pays donne déjà beaucoup d’argent pour le changement climatique. Évidemment, ce n’est pas toujours suffisant. On doit toujours faire plus, parce qu’au Luxembourg, nous avons énormément d’émissions de dioxyde de carbone. Beaucoup de personnes ont deux voitures. C’est une vie de luxe que moi aussi, je vis. Malheureusement, ce sont souvent les pays pauvres ou du Sud qui souffrent des conséquences de nos actions.

Pendant et après votre retour de la COP, allez-vous continuer à sensibiliser les jeunes à la question environnementale ?

Nous serons en contact direct avec une classe luxembourgeoise lorsque nous serons à Belém. Bien sûr, notre rôle est d’informer et d’expliquer, mais nous devons aussi faire un retour sur les résultats de la COP. Les élèves luxembourgeois nous donneront également leur avis sur le processus de la conférence des parties.

Selon vous, quelles sont les compétences les plus importantes pour être une représentante de la jeunesse efficace à cet événement d’envergure mondiale ?

On ne peut d’un jour à l’autre être un négociateur parfait. C’est de l’expérience qui s’accumule. On doit vraiment y consacrer beaucoup de temps et d’énergie. Car c’est un sujet très technique. Sur les trois derniers mois, je me suis entièrement dédiée à cette fonction pour bien me préparer à la COP. Alors, forcément, cela prend beaucoup de temps.

Des plans climatiques à la traîne

Les plans climatiques élaborés par les pays du monde devraient réduire les émissions de gaz à effet de serre de seulement «environ 10 % d’ici à 2035», selon une estimation de l’ONU publiée la semaine dernière. Le GIEC, les scientifiques mandatés par les Nations unies sur le climat, estiment que les émissions doivent baisser à cet horizon de 60 % par rapport à 2019 pour avoir une bonne chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Le rapport de synthèse des engagements climatiques des pays à l’horizon 2035, publié à quelques jours de la COP 30, montre que le monde n’est pas du tout sur la bonne trajectoire. «Nous ne parviendrons pas à contenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C dans les prochaines années», a déclaré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, la semaine dernière.

L’ONU a évalué les plans nationaux déposés par les pays du monde entier. Plus d’une centaine manquent à l’appel, dont celui de l’Union européenne (UE), qui n’a fourni qu’une fourchette indicative. Les données compilées, qui reflètent les engagements de pays représentant moins d’un tiers des émissions mondiales, «donnent une image assez limitée», reconnaît Simon Stiell, le secrétaire exécutif de l’ONU Climat.

Avec un climat déjà en moyenne 1,4 °C plus chaud aujourd’hui, de nombreux scientifiques estiment désormais que le seuil de 1,5 °C sera très probablement atteint avant la fin de cette décennie.
E. D. (avec AFP)

Repères

État civil. Lara Bertemes est née le 26 septembre 1999 à Wiltz. Elle est âgée de 26 ans.

Formation. La jeune femme fréquente le lycée Ermesinde à Mersch, où elle choisit la spécialisation en sciences naturelles. À Maastricht, elle décroche un bachelor en sciences sociales et environnementales, puis, toujours aux Pays-Bas, elle conclut sa formation à Leiden avec un master de gouvernance du développement durable.

Engagement. À l’âge de 15 ans, Lara Bertemes rejoint le Parlement des jeunes au Luxembourg. Elle s’intéresse alors aux affaires étrangères. «C’était une opportunité d’apprendre le fonctionnement du système politique aux niveaux national et européen», confie-t-elle.

Nations unies. Durant sa période universitaire, Lara Bertemes est déléguée de la jeunesse auprès des Nations unies durant un an. Elle travaille alors sur le thème des droits humains, notamment.

COP 30. Dans le cadre du programme Climate Youth Delegates Luxembourg, Lara Bertemes portera la voix de la jeunesse à la conférence sur la climat à Belém, au Brésil, avec Sarah Mackel, 21 ans, étudiante en médecine qui a par ailleurs à son actif d’avoir été finaliste du concours scientifique Regeneron ISEF en Californie.

Newsletter du Quotidien

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez tous les jours notre sélection de l'actualité.

En cliquant sur "Je m'inscris" vous acceptez de recevoir les newsletters du Quotidien ainsi que les conditions d'utilisation et la politique de protection des données personnelles conformément au RGPD.