Le coliving et la location de courte durée redessinent le marché locatif luxembourgeois, posant de nouveaux défis de régulation aux communes, selon la dernière étude de l’Observatoire de l’habitat.
Chambres meublées gérées par des sociétés professionnelles, appartements loués pour quelques nuits via des plateformes en ligne, résidences combinant studios et espaces partagés : ces nouvelles formes de logement se multiplient au Luxembourg, comme dans beaucoup d’autres capitales européennes, soulevant des questions importantes en matière de régulation.
Dans sa Note 46 publiée le vendredi 24 octobre dernier, l’Observatoire de l’habitat identifie les enjeux liés à ces segments émergents du marché locatif privé, en particulier le coliving et la location de courte durée. L’étude s’appuie sur l’analyse des lois nationales et des règlements urbanistiques de onze communes luxembourgeoises.
Premier constat : «l’arrivée plus récente de projets de coliving, sans définition concertée de ce terme avant tout commercial et dont la diffusion et la gestion sont aujourd’hui largement portées par l’avancement des technologies digitales, a rendu de nombreuses communes luxembourgeoises démunies face aux sollicitations pour de tels projets», analyse Constance Uyttebrouck, en charge de l’étude.
Celle-ci souligne ainsi «une asymétrie croissante entre acteurs publics et privés quant à l’information relative au parc de logements et à son utilisation». Les autorités locales se retrouvent confrontées aux mêmes difficultés que d’autres villes européennes, «démunies face à l’asymétrie d’information liée à l’accumulation de données par les plateformes au cœur du développement de ces nouveaux types de logement et à la difficulté de contrôler le respect de la régulation».
Des «grappes» qui posent problème
Le coliving désigne des chambres meublées gérées par des sociétés professionnelles spécialisées qui offrent à chaque locataire un bail individuel pour quelques mois ou plus. Ces chambres sont organisées en «grappes», partageant cuisine, séjour et parfois salles de bains. L’offre s’accompagne généralement de services (nettoyage, espaces de co-working) et vise essentiellement les jeunes actifs et les travailleurs flexibles.
La location de courte durée correspond quant à elle à des logements meublés loués pour quelques nuits par des sociétés professionnelles via des plateformes en ligne, s’adressant aux travailleurs mobiles ou internationaux.
L’un des problèmes majeurs identifiés avec ces deux segments concerne le calcul de la densité de logements. Actuellement, «considérer comme une seule unité de logement des ‘grappes’ de chambres de coliving qui comprennent souvent cinq chambres, et jusqu’à dix dans certains cas, contribue à sous-estimer la densité d’occupants réelle de ces logements, chaque chambre étant occupée par un adulte (voire un couple), dont la chambre est le seul espace privatif, constituant un ménage séparé», souligne l’étude l’Observatoire de l’habitat.
Cette règle permet donc aux promoteurs de «contourner» les contraintes de densité en proposant de grandes unités regroupant plusieurs chambres, là où un projet résidentiel classique devrait compenser les studios par de grands logements.
Entre logement et hôtellerie
Autre zone de tension : certains développements «se situent à l’interface entre logement et hôtellerie, ce qui a des implications en termes de définitions d’usages au stade de la planification urbaine et de sécurité d’occupation, par rapport à la question de l’enregistrement», rapporte l’Observatoire de l’habitat.
L’étude révèle qu’«il existe des cas où la commune permettrait à des occupants de locations de courte durée et même de chambres d’hôtel de s’enregistrer, alors même que ces chambres d’hôtel pourraient très bien être développées dans une zone du PAG qui n’autorise pas le logement».
L’Observatoire met en garde contre le risque que ces nouveaux segments contribuent à aggraver la crise du logement. Si certains acteurs plaident «pour une convergence de leurs règlementations sur base du cadre règlementaire de l’hôtellerie», une telle évolution «conduirait néanmoins à une réduction du parc de logements locatifs disponibles pour de longues durées et pourrait, contrairement au discours dominant, contribuer à aggraver la pénurie de logements».
L’analyse révèle des disparités importantes entre communes. Les règlements des communes de la région Sud (Differdange, Dudelange, Esch-sur-Alzette, Sanem) «apparaissent plus détaillés sur la question des chambres meublées et du logement étudiant» et «affirment le besoin d’une autorisation pour la création de tels logements, y compris dans l’existant». Le réseau Resonord (neuf communes du Nord) a quant à lui mis en place un label de qualité pour les chambres meublées.
Un besoin d’action rapide
Face à ces enjeux, l’étude recommande de «revoir la définition d’un logement, au regard de toutes les typologies possibles et de leurs implications». Le projet de Registre National des Bâtiments et des Logements actuellement en préparation «offre l’opportunité de contribuer à la clarification de cette définition et à créer une base empirique plus solide».
L’Observatoire suggère également d’«organiser des échanges de bonnes pratiques entre communes afin de s’inspirer» des innovations développées par certaines d’entre elles en matière de gouvernance et de connaissance de leur marché locatif.
Sans action rapide, l’étude souligne que les communes risquent de se retrouver «dépendantes de grands acteurs internationaux privés (exploitants et/ou investisseurs) qui pénètrent souvent le marché local avec des cahiers des charges préétablis et des configurations spatiales standardisées qui ne sont pas nécessairement adaptés au contexte luxembourgeois».