Un nouveau projet est lancé pour rendre les établissements du secteur Horeca encore plus accessibles aux clients en situation de handicap, même lorsque celui-ci ne se voit pas.

«Bewosst», «conscient» en français. Le choix du nom de ce nouveau projet collaboratif, impulsé par le ministre Max Hahn (Famille, Solidarités, Vivre ensemble et Accueil), Info-Handicap – Conseil national des personnes handicapées asbl et l’Horesca, n’est pas anodin.

Il veut inciter chacun d’entre nous à prendre conscience des difficultés rencontrées au quotidien par les 15% d’habitants du Luxembourg vivant avec un handicap (voir l’encadré ci-dessous). Objectif : changer nos attitudes et mieux prendre en compte leurs besoins, pour construire une société où tout le monde a une place.

En effet, malgré des avancées notables sur l’accessibilité des lieux ouverts au public (loi du 7 janvier 2022) et l’accessibilité des produits et services (loi du 8 mars 2023), l’inclusion se heurte encore à de sérieux obstacles, que nous pouvons tous contribuer à gommer.

«Les bases légales sont là. Maintenant, c’est dans les esprits qu’il faut faire tomber les barrières», résume le ministre.

Savoir quels comportements adopter

«On sait que beaucoup de gens sont mal à l’aise à l’idée d’interagir avec des personnes handicapées. Donc l’idée, c’est de leur donner des pistes pour savoir quels comportements adopter, et en finir avec ces craintes.»

S’il compte bien mobiliser à terme l’ensemble des secteurs économiques, en cette rentrée, ça commence avec l’Horeca.

«On s’est rapproché des hôtels, cafés et restaurants, car ils jouent un rôle important dans la vie sociale. On veut sensibiliser patrons et salariés aux différents handicaps et besoins de leurs clients.»

Une conférence lundi prochain

C’est pourquoi, lundi 22 septembre, Info-Handicap tiendra à la Chambre de commerce une conférence dédiée, afin de fournir des outils pratiques à ces professionnels – les représentants d’une quarantaine d’entreprises sont attendus – et leur permettre de mieux accueillir les personnes handicapées dans leurs établissements.

Accessibilité, heures silencieuses, service inclusif : toutes ces thématiques seront abordées, notamment à travers des témoignages. Des ateliers immersifs sont aussi assurés par l’association, dont certains consacrés aux handicaps invisibles.

Car, contrairement aux idées reçues et au célèbre pictogramme bleu et blanc représentant un fauteuil roulant, 80% des handicaps ne se voient pas. Ce qui pose de nombreux soucis à Joanne Theisen, jeune femme autiste, engagée en faveur de l’inclusion.

«J’ai toujours un plan B, voire C!» 

«Quand je prévois une sortie dans un café ou au restaurant avec des amis, je me renseigne beaucoup en amont, en consultant des photos de l’endroit, en lisant les commentaires des clients. Le lieu n’est-il pas trop bruyant? Les tables sont-elles suffisamment séparées?»

Au moment de la réservation, elle veille aussi à s’informer sur l’affluence et demande toujours une table dans un coin calme, loin des hauts parleurs. Et quand tout ça ne suffit pas : «J’ai toujours un plan B, voire C!»

En parallèle de sa plateforme de ressources en ligne Hasilux.lu consacrée aux troubles du spectre autistique, Joanne Theisen assure la mission d’experte et consultante, en démarchant en ce moment les membres de l’Horesca.

«Qu’ils réalisent ce qu’on vit»

Ainsi, concernant l’autisme, des mesures simples peuvent tout changer au restaurant : «Encourager le personnel en salle à parler clairement et pas trop vite, à être patient aussi, parce qu’on peut avoir besoin de plus de temps pour choisir un plat dans le menu, ce genre de choses.»

Expliquer et montrer, c’est ce qu’elle fait dans ses ateliers, un moyen pour favoriser l’empathie des participants. «En plein échange, je peux monter le son de la musique pour montrer comme c’est gênant. Je peux aussi m’approcher très près et demander s’ils se sentent à l’aise, ou poser une question et les presser de répondre», décrit-elle.

«Je ne veux pas les choquer, mais leur faire vivre l’expérience, pour qu’ils réalisent ce qu’on vit.»

Heures silencieuses : dans les cafés aussi

L’initiative des heures silencieuses, lancée au Luxembourg il y a deux ans dans certaines grandes surfaces et qui consiste à tamiser les lumières et mettre en sourdine la musique dans les rayons des commerces quelques heures par semaine, pourrait bientôt être élargie aux cafés et restaurants, à travers le projet «Bewosst».

Pour commencer, le 3 décembre prochain – Journée mondiale des personnes handicapées – une trentaine d’établissements devraient jouer le jeu, le but étant de pérenniser ces plages horaires plus apaisées.

Une idée bien accueillie

Dans un contexte économique difficile, entre pénurie de main d’œuvre et risque de fermeture, ce concept reste bien accueilli, affirme Steve Martellini, secrétaire général de l’Horesca.

«C’est notre responsabilité en tant que fédération de nous impliquer pour garantir l’inclusion de tous.»

«Notre secteur doit être sensibilisé, que ce soit au niveau de l’accueil des clients avec handicap, ou en ce qui concerne l’emploi de ces personnes. Les premiers échos par rapport à ce nouveau projet sont positifs.»

L’inclusion, une opportunité

D’autant que l’inclusion peut aussi, stratégiquement, constituer une opportunité pour faire connaître son établissement, et un levier pour attirer de nouveaux clients.

Les échanges initiés entre le ministère, ses partenaires, et les membres de l’Horesca, vont désormais se poursuivre dans les années à venir, pour avancer ensemble sur ces chantiers.