Le Premier ministre a défendu les mesures de sécurité actées par son gouvernement et déposé, mardi, un projet de loi visant à les graver dans le marbre, ou du moins dans le Code d’instruction criminelle. Xavier Bettel ne veut surtout pas entendre parler d’«État policier», mais plutôt de juste milieu entre liberté et sécurité des citoyens.
Perquisitions possibles 24 h sur 24, gardes à vue prolongées de 24 à 48 heures, fin de l’anonymat des cartes prépayées pour téléphones portables, contrôles d’identité et fouilles autorisées en toutes circonstances par les forces de l’ordre, blanc-seing pour la police qui pourra ainsi utiliser de fausses identités afin de surveiller les réseaux sociaux, ou encore utilisation de mouchards pour réaliser des surveillances informatiques ou des écoutes téléphoniques : le chef du gouvernement, Xavier Bettel, a défendu bec et ongles ses mesures antiterroristes, mardi, devant la Chambre des députés.
« À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles », a-t-il justifié. Le Premier ministre s’est en effet montré catégorique vis-à-vis du projet de loi qu’il a déposé au Parlement : « Les mesures qu’il contient concernent la lutte contre le terrorisme et la sécurité de l’État, en cas de soupçons fondés d’actes terroristes .» Ce faisant, il a voulu mettre un terme aux spéculations décrivant ces mesures comme visant à surveiller et à sanctionner indirectement toute la population, dont une partie les perçoit comme étant une atteinte à leurs libertés.
« Le Grand-Duché n’est pas un État policier et ce texte législatif n’est pas une « loi fourre-tout ». Ces allégations sont fausses », s’est insurgé un Xavier Bettel qui s’est évertué à convaincre les parlementaires du bien-fondé de sa loi. « Ces mesures sont efficaces, proportionnées, limitées, contrôlées et réglementées, aussi bien a priori qu’a posteriori, par le parquet ou un juge d’instruction », a-t-il poursuivi. Concrètement, cette loi vise à adapter les Codes d’instruction criminelle et pénal, aux « réalités d’aujourd’hui ».
Fausses alertes sévèrement réprimées
Dans ce cadre, le Premier ministre a également tenu à mettre en garde les auteurs de fausses alertes à la bombe : « Cela constitue un délit grave et là, notre tolérance sera nulle (…) L’État se portera partie civile le cas échéant, et tous les frais engendrés seront à la charge du contrevenant », a prévenu Xavier Bettel.
Au sujet de la fin de l’anonymat des cartes prépayées, le Premier ministre a informé que 200 000 d’entre elles étaient en circulation à l’heure actuelle et que 17 000 à 20 000 n’étaient pas utilisées. « Je ne veux pas que des cartes luxembourgeoises se retrouvent impliquées au centre d’affaires (terroristes) à l’international. Je n’accepterai pas ça », a-t-il tapé du poing. Puis le chef de gouvernement d’inviter les détenteurs de telles cartes à se régulariser, en se faisant connaître. Enfin, Xavier Bettel a rappelé que ce type de cartes n’était plus vendu anonymement, depuis mardi, et que les quatre opérateurs de téléphonie du pays lui avaient assuré se conformer à cette mesure.
Parmi les autres mesures contenues dans le projet de loi déposé, le Premier ministre a encore évoqué la nouvelle possibilité offerte au Procureur d’État d’ouvrir une enquête sur-le-champ, soit sans attendre le début d’une instruction judiciaire, mais dans l’unique cas de flagrants délits.
Enfin et notamment en réponse aux doléances du parti d’opposition CSV, le Premier ministre s’est dit favorable à la révision de l’article 32 de la Constitution (soumis à une majorité des 2/3 des députés) qui stipule que «(…) toutefois, en cas de crise internationale, le Grand-Duc peut, s’il y a urgence, prendre en toute matière des règlements, même dérogatoires à des dispositions légales existantes». Sur ce point, un large consensus s’est manifesté afin de compléter l’article par la notion «de crise nationale».
Claude Damiani
« On ne veut pas de Molenbeek à la luxembourgeoise ! »
L’opposition n’a , bien évidemment, pas été avare de commentaires à la suite du discours du Premier ministre. Si le principal parti d’opposition, le CSV, a par exemple estimé qu’il n’était «pas évident de discuter d’une telle loi à un moment où les émotions s’invitent dans l’analyse», déi Lénk a appelé les députés à prendre le temps de la réflexion et à inévitablement lier le projet de loi déposé hier réformant le service de renseignement (SREL). L’ADR, enfin, a déclaré ne pas vouloir de «Molenbeek à la luxembourgeoise», en plaidant pour le devoir d’intégration des étrangers, nécessairement lié à l’apprentissage de la langue luxembourgeoise.