Près de neuf ans après les faits, les protagonistes de l’affaire Lunghi s’affrontent toujours face aux juges. Cette fois, ils comptent sur la Cour d’appel pour laver leur réputation.
En décembre 2023, Marc Thoma et Sophie Schram ont été condamnés à 1 000 euros d’amende pour diffamation ainsi qu’à l’euro symbolique au civil. Alain Berwick et Steve Schmit, l’ancien directeur de RTL et le directeur des programmes, ont été acquittés.
Les deux premiers ont fait appel de cette décision de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Enrico Lunghi et le parquet ont suivi.
Un nouveau procès a débuté lundi par la diffusion du reportage incriminé : l’initial, avec le coup de sang de l’ancien directeur du Mudam, celui qui a finalement été diffusé à l’antenne ainsi que les rushs.
Il s’agit d’une interview dans le cadre d’un sujet sur les artistes luxembourgeois qui se sentent délaissés par les canaux institutionnels. Le reportage mêle l’interview de Doris Drescher, la réponse d’Enrico Lunghi et les images de son geste «vif». La rédaction en chef du journal télévisé s’oppose alors à sa diffusion tel quel. Neuf jours après le tournage, Sophie Schram se rend aux urgences pour faire examiner son bras, qu’elle dit douloureux.
Le lendemain, il est décidé de diffuser le reportage avec les images montrant les faits si la journaliste dépose plainte contre Enrico Lunghi. Le reportage est diffusé, mais la plainte n’est pas déposée au moment de la diffusion des images.
L’affaire s’emballe : Xavier Bettel lance une instruction disciplinaire contre l’ancien directeur du Mudam. Enrico Lunghi, qui a démissionné de ses fonctions, est accusé de coups et blessures volontaires, Sophie Schram et Marc Thoma, d’avoir manipulé le reportage pour monter l’affaire en épingle.
Les rushs diffusés une nouvelle fois lundi montrent que, calmé, Enrico Lunghi a accepté de poursuivre l’interview. Pourtant, les esprits ne se sont pas apaisés depuis. «Rencontrer feu monsieur Vogel a été la seule chose positive de ce calvaire», a commencé Sophie Schram, avant de se positionner en tant que victime d’Enrico Lunghi qui l’a «agressée physiquement et moralement» avec l’aide «de son lobby». La journaliste explique nerveusement, mais de manière décidée, à la barre ne pas comprendre pourquoi sa «pauvre question» a mis Enrico Lunghi «en rage».
La journaliste indépendante a expliqué tout ce qui lui avait traversé l’esprit après «l’agression». «Il m’a demandé de ne pas diffuser son geste. Il devait donc avoir conscience qu’il était en tort.» Le président de la Cour doute de la gravité de l’agression. L’avocat général apporte de l’eau à son moulin en citant les témoignages des personnes présentes. Sophie Schram se défend bec et ongles. Elle n’est pas une «paysanne», une «poupée» ou «une mauvaise journaliste», comme certains ont pu l’affirmer, et son certificat médical n’était pas faux.
«Panique à RTL»
Marc Thoma a raconté les décisions internes à RTL, les implications des divers journalistes, les enquêtes internes, la citation directe à l’encontre d’Enrico Lunghi, le remaniement du reportage, la procédure technique de montage – «pas un trucage» – et la disparition de 28 secondes d’images «en un bloc», «en faveur de l’ancien directeur du Mudam». Marc Thoma prétend avoir voulu améliorer la qualité technique du reportage.
Alain Berwick n’a pas vu le reportage qui a mis le feu aux poudres avant sa diffusion. Entendu lundi, il a estimé «qu’aucun journaliste, qu’il pose une question bête ou pas, ne doit être violenté par qui que ce soit» dans le cadre de son travail. «On peut être énervé, mais une agression n’est pas une réponse.»
Enrico Lunghi se serait senti piégé par l’acharnement de la journaliste. «J’ai essayé de sortir du cadre. Elle m’a suivi avec son micro et la caméra s’est braquée sur moi.» Le plaignant a livré sa version des faits : «Je n’ai pas essayé de lui arracher le micro des mains. J’ai juste voulu l’abaisser. Elle a changé de main et n’a pas manifesté de douleur. Ensuite, elle affichait un grand sourire, toute contente de m’avoir mis hors de moi.»
Il accuse Sophie Schram de mise en scène. «Elle n’était pas préparée. Elle ne savait pas de quoi elle parlait», a noté Enrico Lunghi, persuadé que sa démission a déclenché «la panique à RTL» et toute l’affaire.
Le procès se poursuivra ce mardi après-midi avec les plaidoiries. L’avocat général a d’ores et déjà annoncé son intention de demander la confirmation du premier jugement.