Julien Lemmer Veloso et Maximilian de Pauw Gerlings étaient membres d’un groupe de six jeunes Luxembourgeois qui ont participé à la COP29 sur le changement climatique, à Bakou. Une expérience riche, mais parfois déprimante.
Écoutons les jeunes!
Les «vieux» tirent souvent sur les «jeunes» qui, c’est bien connu, étaient bien mieux avant. Ce discours est aussi ancien que le monde, mais il n’a jamais été vrai (lire le livre très éclairant de Salomé Saqué, Sois-jeune et tais-toi aux Éditions Payot). C’est heureux parce que si tel avait été le cas, nous n’aurions pas inventé grand-chose de bon aujourd’hui.
En cette fin d’année, nous avons donc souhaité donner la parole à deux jeunes engagés dans la défense du climat (et pas seulement), dont le discours posé et érudit est la meilleure réponse aux approximations des générations aux commandes. Et si l’on regardait cette jeunesse, tous ensemble, sans cette pointe de dédain (parfois plus) qu’elle encaisse avec beaucoup de maturité, finalement?
La deuxième partie de cette interview sera publiée le samedi 28 décembre.
D’où vient votre engagement ?
Julien Lemmer Veloso : Avec l’Actionteam4future du lycée Robert-Schuman, nous étions déjà à Dubaï pour la COP 28 l’année dernière. Et en 2023, nous avions participé en visioconférence à un évènement parallèle de la COP27 à Charm el-Cheikh (Égypte). Nous sommes membres du Parlement des jeunes. Je suis le coprésident de la Commission environnementale et Maximilian est le coprésident de la Commission économique.
Comment s’est déroulé votre séjour sur place ?
J. L. V : Nous sommes restés onze nuits et nous n’avons pas beaucoup dormi ! Les premiers évènements avaient lieu à 9 h et les derniers duraient jusqu’à 2 h du matin.
Maximilian de Pauw Gerlings : Observer les négociations pendant les séances plénières était les moments les plus intéressants. Nous avons participé à des conférences de presse, des événements parallèles, des tables rondes de haut niveau. Nous avons pu réaliser des interviews, par exemple avec le représentant du Panama Juan Carlos Monterrey, qui nous a beaucoup marqués.
Quels étaient vos rapports avec la délégation luxembourgeoise ?
J. L. V. : Nous étions indépendants (NDLR : la délégation officielle comprenait elle-même deux jeunes déléguées dans le cadre du programme Climate Youth Delegates), avec notre propre salle. Nos badges nous permettaient d’aller partout, mais sans porter de parole officielle. Nous pouvions accéder à la salle média, où nous filmions nos interviews avec des activistes et des officiels.
M. d. P. G. : Notre indépendance était réelle. Nous avons aussi critiqué notre gouvernement qui n’en fait pas assez, même si le Luxembourg donne 1 % du montant de l’accord, ce qui est beaucoup. Dans les COP, les pays européens ne parlent pas en leur nom. C’est l’Europe qui porte notre voix.
Cette COP a été très décevante. Comment l’avez-vous vécue ?
J. L. V. : Il y avait une grande nervosité. Les petits pays en développement étaient en colère contre les grands, particulièrement ceux de l’Alliance des petits pays insulaires. Il y a de quoi. Et la présidence azerbaïdjanaise était très chaotique. Le dernier jour, ils ont tout démonté alors que rien n’était bouclé. Il n’y avait plus rien à boire, il fallait passer par le Uber Eats local pour acheter les bouteilles d’eau…
M. d. P. G. : À un moment, on a pensé qu’un accord de 500 milliards de dollars pourrait être signé, ce qui restait très insuffisant. Mais l’Arabie saoudite et le Qatar n’ont accepté que 300 milliards. Quand le représentant saoudien a ri lors du vote, visiblement très content de lui, j’étais vraiment énervé. On ne parle pas d’argent, là, mais de vies humaines qu’on sacrifie. Quelle indécence.
J. L. V. : 300 milliards, c’est 48 000 fois le prix de la banane de Maurizio Cattelan. À l’échelle du globe, pour sauver des personnes que le changement climatique met en danger, ce n’est vraiment pas grand-chose.
Il faut en finir avec cette condescendance envers les pays pauvres
Alors que nous observons déjà les effets de l’urgence climatique, comment comprenez-vous le manque d’implication de beaucoup de décideurs ?
M. d. P. G. : C’est très décevant. S’ils ne font rien, ce sera à nous de le faire. Je suis déjà membre du DP et je veux que l’on aille encore plus loin sur le climat. C’est ce qu’il y a de plus important aujourd’hui.
J. L. V. : Ce qui m’a marqué, c’est l’extrême tension entre les pays du Nord et les pays en développement. J’étais choqué par l’attitude des pays riches. On sait que les pays en développement ont besoin d’argent pour survivre et qu’ils n’en ont pas. Dans de nombreuses régions du monde avec la montée des eaux ou la désertification, c’est l’exil ou la mort. Ces familles n’ont plus le temps d’attendre deux ou trois COP, c’est maintenant qu’elles ont besoin de nous. Alors oui, un accord a été signé, mais son montant est une blague. Et le pire, c’est qu’avec Trump aux États-Unis, c’est peut-être le dernier.
Comment faire pour sortir de ces ornières ?
M. d. P. G. : Il faut en finir avec cette condescendance envers les pays pauvres. Nous les avons colonisés et détruits. Ils n’ont pas pu se développer à cause de nous et les riches se demandent pourquoi les pauvres demandent de l’argent? On ne leur doit pas la charité, nous devons rembourser notre dette envers eux.
J. L. V. : De toute façon, on parle beaucoup trop. Il y aura toujours des climatosceptiques malsains, il ne faut plus qu’ils nous empêchent d’agir. Nous avons perdu trop de temps avec eux.
M. d. P. G. : Lorsque Luc Frieden est venu au lycée Robert-Schuman (NDLR : le 5 décembre dans le cadre du LRSL_Actionteam4future), il nous a dit que pour l’écologie, il fallait une politique de petits pas. Mais ça ne marche pas, ce n’est plus possible de tenir ce discours!
Malgré tout, assister à un tel évènement doit être instructif… notamment pour préparer le futur.
J. L. V. : Nous avons beaucoup appris, cette expérience va nous servir. On ne peut se rendre compte de la complexité de ces rendez-vous qu’en y assistant.
M. d. P. G. : Il était aussi très important pour nous de partager ce que l’on vivait tous les six en réalisant chaque jour des vidéos que nous partagions sur les réseaux. Ce n’était pas une expérience personnelle, mais collective.
Carte d’identité
NOM : Julien Lemmer Veloso
ÂGE : 17 ans
FONCTIONS : lycéen en 3e au lycée Robert-Schuman, président du LRSL_Actionteam4future et du comité de durabilité du lycée, coprésident de la commission Environnement au Parlement des jeunes, organisateur principal du projet Youth4Climate Action, membre de la commission du Pacte climat de Sandweiler, ambassadeur du Pacte européen pour le climat, ambassadeur de l’Unicef Jeunesse, ambassadeur d’Earthday – My Future, My Voice.
Carte d’identité
NOM : Maximilian de Pauw Gerlings
ÂGE : 17 ans
FONCTIONS : lycéen en 1re à l’Athénée de Luxembourg, membre du conseil d’administration du DP Junglinster, membre et volontaire de campagne DP, coprésident de la commission Économie du Parlement des jeunes, conseiller auprès du conseil d’administration de la LUXMUN (Luxembourg International Model United Nations), président du Club de débat de Luxembourg, membre et responsable contenu de Change for Luxembourg, volontaire pour la campagne Harris for President, président du MUNOG 2023 (Model United Nation of Goldberg).