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Gustave Caillebotte, un peintre parmi les hommes


(photo RMN Musée D’Orsay/Franck Raux)

Il est sûrement le plus méconnu et secret des peintres impressionnistes. Gustave Caillebotte est mis en lumière au musée d’Orsay, à travers son sujet favori : des hommes peints sans pudeur. Visite.

Des hommes rabotant un parquet, sortant du bain ou se promenant sous la pluie, peints comme s’ils s’étaient laissé surprendre par un ami photographe : c’est la prouesse réalisée par Gustave Caillebotte (1848-1894), auquel le musée d’Orsay consacre une exposition inédite. Environ 140 œuvres et documents, dont 65 peintures représentant «la majorité de ses chefs-d’œuvre», ainsi que nombre de dessins et d’études préparatoires sont présentés jusqu’en janvier, selon Paul Perrin, directeur des collections du musée et commissaire de l’exposition intitulée «Caillebotte, peindre les hommes».

Deux œuvres emblématiques de son travail en sont à l’origine : Partie de bateau, acquise en 2022 par Orsay, et Jeune Homme à la fenêtre, acquise en 2021 par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles, partenaire du musée d’Orsay avec l’Art Institute de Chicago, tous deux prêteurs et qui accueilleront l’exposition en 2025. On y voit deux hommes, peints avec un «cadrage de génie qui fait toute la singularité de Caillebotte», pour Paul Perrin. Le premier rame énergiquement, manches retroussées, face au «regardeur» qui semble assis dans la même barque. Le second observe les toits de Paris depuis sa fenêtre, de dos, observé de très près par le peintre.

Frères, amis, sportifs et passants

L’exposition, la toute première consacrée au peintre à Orsay depuis son ouverture en 1986, est construite chronologiquement, des années 1870 à 1894, autour de ces figures masculines : frères, amis, sportifs avec qui il rame et fait de la voile, ouvriers, passants qu’il croise en allant au café, près de la gare Saint-Lazare ou sur les Grands Boulevards. Ils représentent «deux tiers de sa peinture de figures, contrairement à Manet, Degas ou Renoir pour qui la modernité est plutôt incarnée par des figures de femmes» et composent «une sorte d’autofiction personnelle, reflet de sa propre identité», explique Paul Perrin.

Parmi les chefs-d’œuvre exposés, les Raboteurs de parquet (1875) et ses études préparatoires, montrant à quel point l’artiste a observé et travaillé chaque geste et posture avant de réaliser son tableau. Autre pépite de l’exposition : Le Pont de l’Europe dans sa version de 1876, représentant des passants et un chien longeant de lourdes structures en fer et balustrades au-dessus de la gare Saint-Lazare, et dans celle de 1877, zoomée, montrant trois hommes regardant au travers des structures métalliques d’où s’échappe la fumée d’un train.

Rue de Paris, temps de pluie (1877) et ses fameux parapluies bleus côtoie des scènes d’intérieur moins connues, comme l’un des trois frères du peintre, en gros plan, coupant sa viande lors d’un déjeuner familial, ou un homme et une femme lisant dans un salon, dont les rôles semblent inversés. Boulevard vu d’en haut (1880) ou Un refuge, boulevard Haussmann évoquent encore des perspectives dignes de drones. Gustave Caillebotte a longtemps été considéré, à tort, «comme un peintre amateur en raison de sa richesse», fortune familiale dont il a hérité et qui lui a permis de soutenir fortement le mouvement impressionniste, dont on célèbre les 150 ans cette année, tout en nourrissant d’autres passions : la voile, la philatélie et l’horticulture, selon le commissaire.

Une homosexualité jamais attestée

L’une des salles les plus étonnantes est celle consacrée à la nudité dont l’artiste déconstruit les codes sociaux : des hommes nus remplacent ainsi les traditionnelles baigneuses et n’ont rien en commun avec des naïades. Dans L’Homme au bain (1884), un homme de dos, légèrement penché en avant, s’essuie vigoureusement dans une posture peu avantageuse tandis que des traces d’eau imprègnent le plancher de la salle de bains. «C’est tellement radical, même Degas n’a jamais fait ça!», commente, enthousiaste, Gloria Groom, conservatrice en chef du département peinture et sculpture européenne de l’Art Institute de Chicago.

Si l’érotisation est évidente et s’impose aux yeux du public, «rien ne permet toutefois d’attester de l’homosexualité du peintre», selon Paul Perrin. Gustave Caillebotte ne s’est jamais marié et n’a pas eu d’enfants. Il a vécu avec une femme, Charlotte Berthier. Dans l’exposition, un Nu au divan représente d’ailleurs une jeune femme allongée sur un divan fleuri qui apparaît dans d’autres œuvres. Recouvrant son visage avec un bras, elle replie nonchalamment une jambe, ne semblant prêter aucune attention à celui qui la regarde.

«Caillebotte, peindre les hommes» Jusqu’au 19 janvier 2025. Musée d’Orsay – Paris.

 

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