Grâce à une amélioration de la météo, le Portugal a maîtrisé jeudi les principaux feux de forêt qui ont sévi ces derniers jours dans le nord et le centre du pays, tuant cinq personnes et ravageant presque 100.000 d’hectares de végétation.
Jeudi soir, il n’y avait plus que deux incendies importants encore actifs, mais les pompiers avaient bon espoir de les dominer vendredi, a indiqué en conférence de presse le commandant national de la protection civile, André Fernandes.
Après la chaleur étouffante et les vents violents qui ont frappé le pays depuis le weekend, les températures ont baissé et de la pluie était même attendue. Entre samedi et mercredi, les services de secours ont dû faire face à un millier de départs de feu et la surface brûlée s’élève à 94.000 hectares, soit dix fois plus que durant tout le reste de l’été, selon une estimation provisoire fournie par la ministre de l’Intérieur, Margarida Blasco.
Ces incendies ont battu « de loin » le record d’émissions carbone pour un mois de septembre au Portugal, a annoncé jeudi l’observatoire européen Copernicus, qui prévoit que les panaches de fumées atteignent l’Espagne et la France samedi et dimanche.
Le bilan des derniers jours s’élève à cinq morts, dont quatre pompiers, et 90 blessés dont 12 graves, poussant le gouvernement à décréter une journée de deuil national vendredi.
Forêts d’eucalyptus « abandonnées »
Des dizaines de maisons ont par ailleurs été détruites ou endommagées. Les drames des derniers jours au Portugal ont ravivé le souvenir des incendies meurtriers de 2017, qui avaient fait 119 morts.
Depuis, le pays ibérique a multiplié par dix l’investissement dans la prévention et doublé son budget de lutte contre les feux de forêt, parvenant à réduire de deux tiers la surface brûlée en moyenne chaque année. Jusqu’à la semaine dernière, cette tendance semblait se confirmer.
Mais, en matière d’aménagement des forêts, avec notamment de larges pans de territoire délaissés et recouverts d’eucalyptus, une espèce qui favorise la propagation du feu, aujourd’hui « la situation est pire qu’en 2017 », a affirmé à l’AFP l’ingénieur forestier Paulo Pimenta de Castro.
Selon cet expert, le Portugal compte quelque 900.000 ha de forêts d’eucalyptus, qui servent à produire de la pâte à papier, mais dont les deux tiers sont « soit abandonnés, soit mal entretenus ». Or, ajoute-t-il, les incendies de cette semaine ont touché « essentiellement des zones majoritairement peuplées d’eucalyptus ».
Dans son dernier rapport annuel, l’instance gouvernementale chargée après 2017 de coordonner les efforts de prévention et de lutte contre les feux avait déjà mis en garde contre un relâchement de la « détermination politique » en faveur des réformes jugées nécessaires.
Causes « criminelles »
« On ne peut pas encore dire que le pays soit à l’abri d’incendies ruraux graves », avait prévenu l’Agence pour la gestion intégrée des feux de forêt (Agif). Le Premier ministre Luis Montenegro a lui mis l’accent sur les causes « criminelles » des feux, en annonçant la création d’équipes d’enquêteurs « spécialisés », tandis que la gendarmerie a indiqué avoir arrêté sept incendiaires présumés entre samedi et mardi.
Certains maires des communes les plus touchées ont quant à eux dénoncé un manque de moyens pour faire face à l’ampleur des brasiers, tandis que le président de la Ligue des pompiers, Antonio Nunes, a mis au cause le commandement de la protection civile.
« Dimanche, quand l’état d’alerte a été décrété, il aurait fallu renforcer davantage les régions où l’on savait que le moindre incendie pouvait être catastrophique », a-t-il affirmé.
Les scientifiques considèrent que les canicules et sécheresses d’une intensité croissante favorisent les feux de forêt et sont des conséquences du changement climatique, qui touche particulièrement la péninsule ibérique.
« La crise climatique est un facteur multiplicateur de toutes les tragédies auxquelles nous assistons », a réagi le secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres, en référence aux incendies dans son pays mais aussi aux inondations qui ont récemment frappé l’Europe centrale et orientale.