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La lutte contre la pauvreté, nouvelle priorité pour l’UE ? 


Étaient réunis sur le MS Marie-Astrid les candidats Charles Goerens (DP), Alija Suljic (déi Lénk), Tilly Metz (déi gréng), Raymond Remakel (Parti pirate), Christophe Hansen (CSV), Fernand Kartheiser (ADR) et Marc Angel (LSAP). (Photos : julien garroy)

Comment tacler la pauvreté à l’échelle de l’UE ? Mercredi soir, sept partis en lice pour le scrutin du 9 juin ont soumis leurs propositions, à l’occasion d’un débat organisé par nos confrères du Tageblatt.

Le lieu choisi n’aurait pas pu être plus symbolique. C’est à bord du MS Marie-Astrid que l’avenir de l’UE a été débattu par des représentants du DP, du CSV, du LSAP, de déi gréng, de l’ADR, du Parti pirate et de déi Lénk. Le nom de ce navire reste étroitement lié à l’accord de Schengen, signé en 1985 sur un des prédécesseurs de ce bateau de plaisance. «À l’image de l’UE, on est tous assis dans un même bateau, qui va d’ailleurs nous emmener de Remich à Schengen», introduit Armand Back, le rédacteur en chef du Tageblatt.

La suppression des frontières est un des acquis majeurs de la construction européenne. Quel sera le prochain? Une large partie du débat, organisé mercredi soir, a porté sur la lutte contre la pauvreté, qui constitue une préoccupation majeure pour 41 % des citoyens luxembourgeois (lire ci-contre). Quels sont les remèdes que proposent les partis en lice pour le scrutin du 9 juin pour venir en aide aux plus démunis?

Du «Green Deal» au «Social Deal?»

Marc Angel (LSAP) répond qu’après le «Green Deal», l’UE doit se donner un «Social Deal» visant à poursuivre les efforts pour renforcer sa dimension sociale. «Les voyants passent au rouge si un État membre enfreint les règles budgétaires. Il faudrait avoir un mécanisme semblable si un pays présente un taux de pauvreté et de chômage qui dérape», développe l’eurodéputé sortant. Jusqu’à 95 millions de citoyens européens risquent de tomber dans la pauvreté. «Chaque quatrième enfant et chaque cinquième pensionné sont concernés», fait remarquer Alija Suljic, venu représenter déi Lénk.

Au Luxembourg, la mise en application de la directive européenne «amènerait une hausse de 300 euros du salaire social minimum», avance encore le jeune candidat. Il a obtenu le plein soutien de Tilly Metz (déi gréng) pour revendiquer une taxation plus importante des entreprises et investisseurs générant «des milliards d’euros de bénéfices». «On vise les ultra-riches afin de dégager les fonds devant permettre à l’UE de renforcer l’équité sociale», souligne l’eurodéputée verte. Charles Goerens (DP) n’est pas opposé à l’idée de répartir autrement la richesse créée, mais «il faut aussi réfléchir à la façon de remplir le panier avant de procéder à une redistribution généreuse».

L’idée d’une augmentation du budget de l’UE, alimenté par les États membres, est une autre option. L’ADR de Fernand Kartheiser y est opposé, car «mobiliser de nouvelles ressources se répercute toujours sur les consommateurs, frappés par de nouvelles taxes». Sa préoccupation est davantage la «pauvreté énergétique». «Il faut faire attention à ce qu’une idéologie ne pousse pas les personnes encore davantage vers la pauvreté», met en garde la tête de liste d’un parti qui est vent debout contre le développement renforcé d’énergies renouvelables.

Le dumping social,
l’autre facteur qui pèse

Un autre fléau identifié est le dumping social, notamment encouragé par une politique commerciale «trop naïve» de l’UE, comme l’affirme Christophe Hansen (CSV). «On a trop longtemps cherché à acheter au prix le plus bas. La perte d’emplois est le résultat d’une concurrence déloyale chinoise. Désormais, il nous faut investir massivement dans l’implantation de nouvelles entreprises en Europe pour assurer des emplois de qualité», développe l’actuel député luxembourgeois.

Au Grand-Duché, tout comme dans d’autres pays européens, le manque de logements à prix abordable est un autre facteur qui fait augmenter le risque de pauvreté. «Nous avons aussi besoin d’une offensive sur le logement avec une UE qui peut devenir un acteur supplémentaire pour la réalisation de logements abordables. L’objectif sera de renforcer la cohésion sociale», lance Raymond Remakel, la tête de liste du Parti pirate.

Le résultat qui sortira des urnes le 9 juin donnera une première indication quant à la possibilité que l’Europe devienne plus sociale.

Quelles sont les préoccupations majeures des Luxembourgeois?

Contrairement à ce que d’aucuns veulent faire croire, ce n’est pas la migration et l’asile qui constituent une préoccupation majeure des électeurs potentiels. Selon le dernier sondage Eurobaromètre, cette thématique arrive en 7e position, avec 22 % des personnes sondées au Luxembourg et 24 % dans l’UE qui la considèrent comme une priorité à aborder lors de la campagne électorale.

En tête arrive de loin la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, qui est placée en haut des préoccupations par 41 % des citoyens luxembourgeois et 33 % des citoyens de l’UE dans son ensemble.

Le top 3 est complété par la santé publique (24 % et 32 %) ainsi que le soutien à l’économie et la création de nouveaux emplois (20 % et 31 %).

Dans le top 10, on retrouve en outre la défense et la sécurité de l’UE (31 % pour les deux), la lutte contre le changement climatique (27 % tous les deux), l’avenir de l’Europe (32 % et 26 %), la démocratie et l’État de droit (23 % pour les deux), la politique agricole (21 % et 23 %) et la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée (15 % et 19 %).

Querelle sur le Pacte migratoire

Le ton est monté au moment d’évoquer la nouvelle réglementation européenne cherchant à mieux gérer les flux migratoires. Les avis des candidats présents ont fortement divergé.

En 2013, l’Italie a demandé de l’aide pour gérer l’afflux de migrants. En 2015, lorsque l’Allemagne a vu débarquer 1 million de réfugiés, la chancelière Angela Merkel a aussi appelé à l’aide les partenaires européens. Quel est le résultat de l’absence de solidarité? Les post-fascistes sont arrivés au pouvoir en Italie et en Allemagne, les nazis de l’AfD sont plébiscités dans les sondages.» C’est notamment avec ces mots que Charles Goerens (DP) a défendu, mercredi soir, son soutien apporté au Pacte migratoire de l’UE, adopté dans la douleur, après une décennie de tractations. «Au moins, ceux qui se sont jusqu’à présent royalement foutus de la migration seront mis financièrement à contribution», renchérit le doyen des eurodéputés luxembourgeois.

Marc Angel (LSAP) répète avoir voté en ayant «mal au ventre» en faveur du très contesté pacte, qui prévoit une solidarité obligatoire entre les États membres de l’UE, en accueillant des migrants ou en aidant financièrement les pays d’accueil. Mais le même cadre réglementaire va mettre en application un filtrage des migrants aux frontières extérieures de l’UE, afin d’identifier les personnes qui sont éligibles pour bénéficier de la protection internationale. Les autres sans perspective de séjour sont censées être renvoyées vers leurs pays d’origine. «La dignité et la solidarité doivent prévaloir», insiste l’élu socialiste.

Pour Fernand Kartheiser (ADR), le pacte va enfin permettre de lutter contre l’«immigration illégale pour raisons économiques». Seules les personnes fuyant la guerre ou qui sont persécutées doivent pouvoir être accueillies en Europe, en plus de celles arrivant par des voies de migration légales. «On vient de voter cette semaine à la Chambre une loi introduisant la carte bleue européenne, permettant à des personnes hautement qualifiées, issues d’États tiers, de venir travailler en Europe», avance le député.

«Si jamais l’Ukraine venait à perdre la guerre…»

«Il faut donner une chance aux migrants arrivant en Europe. Il faut les former, car nous avons une pénurie de main-d’œuvre. L’immigration constitue une chance pour procéder à un rééquilibrage», plaide de son côté Raymond Remakel (Parti pirate).

Le cadre réglementaire renforcé doit au moins contribuer, selon Christophe Hansen (CSV), à éviter que «des parents mettent leur vie et celle de leurs enfants en danger en prenant place dans un bateau de fortune pour traverser la Méditerranée».

Parmi les quatre partis luxembourgeois siégeant au Parlement européen, seuls déi gréng ont rejeté le nouveau Pacte migratoire. Les arguments livrés par ses pairs provoquent l’ire de Tilly Metz. «Ce n’est pas un traitement moins humain qui va empêcher les migrants de venir. Mes collègues plaident pour des voies de migration légales et des sauvetages en mer. Or rien de tout cela n’est inclus dans ce pacte, qui ne va également en rien renforcer la solidarité», fustige l’eurodéputée sortante.

Charles Goerens revient une dernière fois à la charge, en lançant une mise en garde : «Si jamais l’Ukraine venait à perdre la guerre, entre 15 et 20 millions de réfugiés vont affluer. Nous avons besoin de ce mécanisme de solidarité». Face à ces sombres perspectives, on peut plus facilement comprendre qu’Alija Suljic a eu du mal à trouver les mots justes, mercredi soir.

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