Les auditions de deux des cinq prévenus n’ont pas éclairé davantage les faits dans cette vaste affaire de graffitis illégaux. Les tagueurs entretiennent l’ambiguïté propre à cet art de la rue.
Je sais pourquoi je suis face à vous et je sais que ce que j’ai fait n’était pas malin. J’en ai pris conscience avec l’âge», a reconnu lundi après-midi celui qui se cachait derrière le tag Boze. Le jeune homme de 29 ans est accusé de 18 faits dans cette affaire de graffitis illégaux qui occupe la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg depuis une semaine.
Il en reconnaît une dizaine, accuse un copieur pour les tags restants ou ne se souvient plus en être l’auteur. Une infime quantité en comparaison à la somme d’œuvres reprochée à deux de ses coprévenus qui ont préféré faire usage de leur droit au silence.
Boze aurait mieux fait de les imiter. Pendant deux heures, le président de la chambre correctionnelle a tenté de lui arracher des aveux sur Seck et Sior et l’a acculé dos au mur au point que son avocate, Me Frank, a dû réagir en demandant une suspension d’audience pour lui permettre de se reprendre.
Le jeune homme insiste pour s’exprimer, mais il se décompose et s’enfonce à la barre. Il essaie tant bien que mal d’entretenir la confusion, mais le juge ne lui en laisse pas l’occasion.
Boze se tourne sans arrêt vers son avocate pour trouver du soutien. «Il faut jouer cartes sur table», lui conseille le juge qui pense qu’il veut protéger ses amis. «Vous devez penser à vous maintenant. Il se peut que votre tarif soit en train d’augmenter.» «Avez-vous été menacé de représailles?», veut savoir la représentante du parquet. «D’autres personnes du milieu l’ont été dans le cadre de cette affaire.»
Skiz aime la calligraphie
Le juge passe en revue les différents faits imputés au prévenu et l’interroge sur les différentes personnes présentes avec lui sur les lieux au moment de leur commission. «J’utilisais les tags Boze et Size. J’ai commencé par Boze et puis j’ai voulu changer», explique le prévenu qui a pris goût à cet art urbain lors d’un atelier organisé dans sa maison des jeunes.
Comme ses coprévenus, il a commencé à taguer aux abattoirs de Hollerich avant de s’aventurer dans l’illégalité «de manière spontanée». «J’avais toujours des bombes de peinture dans ma voiture.»
Avec qui exactement? Boze prétend ne jamais avoir vu Sior. Il laisse planer le doute et les incohérences. Il sait que si Seck est reconnu comme étant le chef des groupes BFT et OTC, son ami risque gros et tente d’en dire le moins possible sur l’organisation de ses expéditions le long des autoroutes et des voies ferrées du Luxembourg.
«Vos graffitis étaient souvent accompagnés de ceux de Seck», lui fait remarquer la représentante du ministère public, sous-entendant qu’il en sait plus qu’il veut bien en dire sur celui qui est considéré comme le leader d’une équipe de tagueurs à laquelle les cinq prévenus auraient appartenu. «La nuit porte conseil», conclut le président.
Skiz, interrogé ensuite, «assume tout», mais prend également des pincettes en ce qui concerne Seck et ses équipes de tagueurs. «Je ne l’ai rencontré que trois ou quatre fois par l’intermédiaire de Tame» avec qui il traînait le week-end sous la bannière du collectif BDR pour «Balafre de rue».
Dix faits lui sont reprochés. «J’aime la lettre, la calligraphie. J’aime travailler la lettre», explique celui qui se défend sans avocat. «Heureusement, j’ai été arrêté à temps.»
Les signatures de Seck et de Sior étaient apparues dans le paysage urbain depuis un certain temps déjà quand une patrouille de police a croisé la route de Tame qui fumait un joint sur un banc. Dans son sac, les agents trouvent des bombes de peinture. Ils y voient l’opportunité de découvrir qui se cache derrière ces tags.
Tame les met sur la piste et l’enquête démarre. Les policiers ont enquêté jusqu’à Vienne, en Autriche, pour mettre la main sur les cinq jeunes hommes. Plus de 300 tags leur sont imputés et les dégâts causés s’élèvent à plusieurs centaines de milliers d’euros.
Le prévenu soupçonné d’être Seck livrera ce mardi après-midi une prise de position écrite sur chacun des faits qui lui sont reprochés. Son voisin, assis lui aussi à côté de son avocat, jure ne pas être Sior.