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Luxembourg-Ville : vers un «bouchon» de tramways?


Des rails du tram ne sont pas prêts à être posées dans l'avenue de la Porte-Neuve. Un fait qui provoque l'ire de déi gréng. (Photo : hervé montaigu)

Déi gréng dénoncent la décision du collège échevinal de la capitale de recaler, au moins jusqu’en 2035, le deuxième tracé passant par l’avenue de la Porte-Neuve et le boulevard Royal. Il s’agit aux yeux de l’ancien ministre de la Mobilité François Bausch d’une erreur qui risque de mettre en péril l’histoire à succès du tram.

Après les voitures et les bus, est-ce que ce seront les rames du tram qui vont, à l’horizon de 2035, se joindre aux bouchons qui plombent au quotidien la mobilité dans et autour de Luxembourg-Ville ? Le risque est réel aux yeux de déi gréng, montés au créneau, vendredi dernier, pour fustiger les conclusions reprises dans le Plan de mobilité, présenté deux jours plus tôt par les édiles de la capitale.

Une cadence moins attractive

Ce qui provoque plus particulièrement l’ire du parti, renvoyé en octobre dernier dans l’opposition, est la décision de ne plus accorder de priorité à la construction d’un second axe du tram au cœur de la Ville.

Afin de délester le réseau et maintenir une cadence de 3 à 4 minutes aux heures de pointe, il resterait indispensable de réaliser le tracé, qui en partant du Rond-Point Schuman (Glacis), doit passer par l’avenue de la Porte-Neuve et le boulevard Royal, avant de rejoindre le tracé existant de la ligne déjà pleinement opérationnelle.

«Il est cocasse de constater que la Ville de Luxembourg s’attend à un doublement du nombre d’usagers du tram d’ici à 2035. Or, seulement le maintien d’une cadence de 4 minutes est nécessaire pour éviter que les rames soient saturées aux heures de pointe. Si en plus, vous ajoutez d’autres bras au tracé existant, non seulement la cadence va augmenter, mais vous risquez aussi un bouchon de tramways», développe François Bausch, l’ancien ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en poste de 2013 à 2023.

L’ancien ministre de la Mobilité François Bausch se montre très critique envers les édiles de la Ville de Luxembourg et sa successeur Yuriko Backes. (Photo : déi gréng)

Le risque d’un goulot d’étranglement

Il redoute l’effet d’un goulot d’étranglement sur la portion entre la Gare centrale et l’arrêt Hamilius. «Or, la Ville accorde la priorité à la portion entre le Kirchberg et l’Hamilius, en misant sur la réalisation prioritaire entre la Place de l’Étoile et la Cloche d’or, en passant par Hollerich», reprend François Bausch.

Le Plan de mobilité mise en effet sur l’aménagement d’un deuxième axe nord-sud performant, mise en premier lieu sur l’extension du réseau en direction du boulevard Grande-Duchesse Charlotte, de la route d’Esch et du nouveau pôle d’échange Hollerich, déviant le tram vers les futurs quartiers Nei Hollerich et Porte de Hollerich.

Le tracé Nord-Sud doit rejoindre en suite le Ban de Gasperich et le Stade de Luxembourg, terminus du tram sur le territoire de la capitale.

Priorité à un second axe Nord-Sud

Le deuxième autre projet d’extension prioritaire est le bras à travers le futur quartier d’habitation au Kirchberg (projet Laangfuer) avant de passer par le boulevard Konrad-Adenauer et rejoindre le tracé déjà existant à hauteur de l’arrêt Pont Rouge/Pfaffenthal.

Le sort du bras entre la Place de l’Étoile et la route d’Arlon, en direction du Centre hospitalier de Luxembourg, n’est pas encore très clair.

Comme évoqué, l’ancien ministre de la Mobilité estime que les priorités sont mal fixées. «Il faut savoir que les études à réaliser à Hollerich restent encore à mener. S’y ajoute le fait que les terrains nécessaires ne sont pas encore tous entre les mains de l’État et de la Ville.

C’est pourquoi cette extension n’est prévue qu’après 2035.  Le tracé traversant l’avenue de la Porte-Neuve est à réaliser bien plus vite. Bon nombre d’études sont déjà réalisées. Il faut juste avoir le courage politique nécessaire et décider combien de place on laisse aux voitures», résume François Bausch.

La ferme opposition de Polfer

La polémique autour de l’abattage d’arbres du parc longeant l’avenue aurait été dès le départ une tentative de saboter le projet d’un deuxième tracé. Mais, pourquoi alors ne pas avoir posé plus tôt les bases pour faire passer le tram par l’avenue de la Porte-Neuve?

«Une priorité était accordée à la Place de l’Étoile au très grand potentiel de développement. Mais, il me faut aussi rappeler que la bourgmestre était déjà opposé à ce tracé via l’avenue de la Porte-Neuve. Et elle l’est toujours, pour des raisons idéologiques, ce que l’on nous reproche sans cesse», se justifie l’ancien ministre, ayant déposé sur la fin de son mandat les projets de loin pour financer les extensions au Kirchberg et en direction de Strassen.

«On comprend désormais qui a le lead du DP sur ce dossier. Et ce n’est pas la ministre de la Mobilité, mais bien de la bourgmestre Lydie Polfer. Or, il est tout à fait dans l’intérêt des Libéraux de continuer à développer un réseau de tram performant, ce qui constitue aussi un point d’attraction pour les investisseurs», fait remarquer de son côté le coprésident de déi gréng, Meris Sehovic.

Les navetteurs seraient les perdants

Ce serait sur le dos de centaines de milliers de navetteurs que les édiles de la Ville de Luxembourg enverrait aux oubliettes une pièce de puzzle déterminante du Plan national de mobilité 2035, qui constituerait un ensemble cohérent pour éviter la paralysie totale au Grand-Duché. «La capitale n’est pas une île», martèle le parti d’opposition.

Patrick Goldschmidt, l’échevin à la Mobilité, assume d’ailleurs le choix de ne pas réaliser le tracé traversant l’avenue de la Porte-Neuve au profit du trafic motorisé individuel. «Je ne peux pas faire transiter un habitant du Limpertsberg par le boulevard Grande-Duchesse Charlotte et l’avenue Marie-Thérèse pour se rendre dans le centre-ville», a-t-il clamé en marge de la présentation du Plan de la mobilité de la capitale.

Sens-unique pour sauver les voitures?

Un dangereux retour dans les années 1990, selon François Bausch. Pour lui, la voiture, le tram, le cycliste et le piéton peuvent parfaitement garder une place dans l’avenue de la Porte-Neuve. Avec toutefois le choix de transformer la voie réservée aux véhicules dans un sens unique, en direction du Limpertsberg.

Finalement, la question des virages trop compliqués à prendre par le tram, à la fois à hauteur du Rond-Point Schuman et du Boulevard Royal, ne constituerait également pas de problème majeur. «Rien que sur le tracé du tram rapide dans les rues d’Esch-sur-Alzette, des virages bien plus compliqués seront à négocier par les rames», renseigne Meris Sehovic.

La ministre Backes soutient sa collègue Polfer

C’est en marge d’une réunion de la commission parlementaire que la ministre de la Mobilité et des Travaux publics, Yuriko Backes (DP), a pris position à la polémique naissante sur l’extension du réseau du tram dans les rues de la capitale. La successeure de François Bausch effectue elle aussi un virage de 18o degrés, venant ainsi soutenir ses collègues de parti, la bourgmestre Lydie Polfer et l’échevin Patrick Goldschmidt.

La ministre libérale s’appuie sur des dires de Luxtram pour affirmer que «jusqu’en 2035, on n’a pas besoin de tracé passant par l’avenue de la Porte-Neuve. Nous avons donc ensemble pris la décision d’accorder la priorité à d’autres projets d’extension».

Yuriko Backes cite, elle aussi, le second tracé Nord-Sud, de Luxexpo en passant par le Kirchberg, le Pont-Rouge, la Place de l’Étoile avant de s’élancer en direction de Hollerich et de la Cloche d’or.

Une cadence réduite et donc moins attractive ne sont également pas redoutées par la ministre, pour laquelle «l’extension du tram reste une priorité absolue». Yuriko Backes évoque toutefois des «contraintes» pour faire circuler les rames par l’avenue de la Porte-Neuve.

«Il y a le virage très étroit mais aussi le besoin de laisser de la place aux bus, voitures ainsi qu’aux vélos, sans abattre des arbres. On va analyser ces contraintes en toute sérénité. Je ne dispose pas encore de toutes les réponses, mais on va ensemble prendre les décisions pour assurer le fonctionnement optimal du tram», précise-t-elle. Une porte resterait ouverte?

Déi gréng comptent porter le débat sur le tram à la Chambre des députés. La demande pour mener heure d’actualité en séance plénière a été soumise au président du Parlement, Claude Wiseler.