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Mendicité : le procureur général fustige la mobilisation de la PJ


Martine Solovieff indique que des enquêteurs de la PJ, en charge d'autres dossiers pénaux, ont prestés - entre le 29 janvier et 29 février - 880 heures de travail pour partir à la «chasse» aux mendiants. (Photo : julien garroy)

Vendredi, nos confrères du Wort ont obtenu copie d’une lettre adressée par le procureur général d’État aux ministres des Affaires intérieure et de la Justice. Martine Solovieff y fustige l’importante mobilisation d’enquêteurs de la police judiciaire dans le cadre de la répression de la mendicité à Luxembourg-Ville. La conséquence serait que des centaines de dossiers pénaux ne peuvent pas être traités.

L’étau se resserre encore sur Léon Gloden (CSV), mais aussi sur la députée-maire de Luxembourg, Lydie Polfer (DP).

Déjà lourdement fustigés sur la légalité et la proportion de l’interdiction de la mendicité dans certaines rues de la capitale, les deux politiciens – assez esseulés dans la promotion et la défense de cette mesure contestée – se voient désormais exposés à une nouvelle fronde.

Nos confrères du Wort ont ainsi obtenu la copie d’une lettre dans laquelle le procureur général d’État, Martine Solovieff, vient fustiger la décision du ministre Gloden de mobiliser également, aux côtés de policiers retirés d’autres communes, des agents de la police judiciaire. Leur tâche? Identifier des personnes faisant la manche dans les zones interdites, dans les quartiers Ville-Haute et Gare.

110 agents de la PJ mobilisés, 880 heures de travail

Selon la haute magistrate, le détachement de la police judiciaire constituerait l’équivalent de 880 heures de travail entre le 29 janvier et le 29 février. Le Wort avait avancé que ce sont deux agents de ce service qui doivent patrouiller huit heures par jour en Ville.

«110 agents de pratiquement tous les services de la police judiciaire ont été mobilisés pour mener des opérations contre la mendicité dite  »organisée »» – et les autorités judiciaires, qui ont la tutelle sur ces enquêteurs spécialisés, ont appris ce détachement par voie de presse», relate le Wort.

Résultat des courses ? À peine deux procès-verbaux dressés contre des mendiants, dont celui concernant Christian Kmiotek, l’ancien président de déi gréng, qui s’était autodénoncé pour obtenir clarification par la justice sur la légalité de la mesure répressive décidée par la Ville de Luxembourg et validée par le nouveau ministre des Affaires intérieures.

L’argumentation du ministre de Gloden suscite l’ire

«L’objectif n’était pas d’émettre un maximum de procès-verbaux», avait précisé Léon Gloden, dans une prise de position sollicitée par Le Quotidien.

Un argument qui n’est pas du tout cautionné par le procureur général. Martine Solovieff dénonce ainsi dans sa lettre – envoyée en copie à la ministre de la Justice, Elisabeth Margue – le fait que la mobilisation d’agents de la police judiciaire pour réprimander des mendiants commence à avoir de graves conséquences sur le «vrai» travail de la PJ.

108 cas de délinquance générale et 43 cas d’abus sexuels mis en suspens

Les chiffres livrés par Martine Solovieff ont de quoi interpeller. Seraient mis en suspens 108 cas de délinquance générale, 43 cas d’abus sexuels, 283 cas de délinquance juvénile, 72 cas de blanchiment d’argent, 320 cas de délinquance économique et financière et 465 enquêtes prises en main par le département «Formation, appui et méthodologie, rattachée au Service Criminalité économique et financière.

«Force est de constater que la majorité de ces dossiers ne seront jamais traités», fustige la haute magistrate, rappelant au passage son opposition à la méthode choisie par les édiles de la Ville de Luxembourg et le ministre des Affaires intérieures. «Poursuivre les victimes de mendicité n’est certainement pas une réponse adéquate à cette forme de criminalité», avance le procureur général d’État.

Déi Gréng, LSAP et pirates montent au front

L’opposition parlementaire n’a pas tardé, ce samedi, à charger, à son tour, le ministre Léon Gloden, ayant déjà multiplié les faux pas dans ce dossier.

«Est-ce là la fameuse nouvelle politique du  »law and order » du gouvernement et du collège échevinal (de Luxembourg) ?», s’interroge ainsi, sur X, l’ancienne ministre de la Justice Sam Tanson (déi gréng), fustigeant que des «dossiers importants restent en suspens pour chasser (des) fantômes».

Taina Bofferding, la cheffe de fraction du LSAP, se contente, toujours sur X, de relater les chiffres avancés par le procureur général d’État. Son collègue député Yves Cruchten constate toutefois que «CSV & DP ne rendent pas le pays plus, mais moins sûr !».

Finalement, le chef de file des pirates à la Chambre, Sven Clement, balance un simple «Honi soit qui mal y pense».

Le dispositif maintenu jusqu’à nouvel ordre

En attendant une réaction des ministres Gloden et Margue, le dispositif policier renforcé reste, jusqu’à nouvel ordre, en place à Luxembourg-Ville.

Cette décision est notamment critiquée par le conseil de communal de Dudelange, qui fut le premier à interpeler le ministre en charge de la Sécurité intérieure sur le retrait d’agents pour venir soutenir leurs collègues en Ville.

Un commentaire

  1. Patrick Hurst

    « Seraient mis en suspens 108 cas de délinquance générale, 43 cas d’abus sexuels, 283 cas de délinquance juvénile, 72 cas de blanchiment d’argent, 320 cas de délinquance économique et financière et 465 enquêtes prises en main par le département «Formation, appui et méthodologie, rattachée au Service Criminalité économique et financière. »
    En d’autre termes: Nous avons là un gouvernement qui fait de la chasse aux paurres sa priorité première et laisse impuni les crimes financiers et économiques (365), les abus sexuels (108), etc. et qui mélange dangereusement pouvoirs exécutif et judiciaires!