Le secteur agricole est ressorti satisfait et confiant de la première réunion du Landwirtschaftsdësch, organisée ce lundi à Senningen. Un «changement de paradigme» est mis en avant.
Mener une politique agricole et environnementale «pragmatique» en dégageant, avec les acteurs de terrain, des solutions «proches de la réalité du terrain». Telle est la devise des ministres de tutelle Martine Hansen et Serge Wilmes soumise à la première réunion nationale de l’agriculture aux représentants d’un secteur en crise.
Les discussions avec les différents syndicats et associations ont duré plus longtemps que prévu. Pas un signe de discordances. «Mener de longues discussions est important et nécessaire pour trouver, ensemble, des solutions pragmatiques. Nous avons travaillé tout au long de la journée pour avancer dans cette direction, et nous nous quittons sur du concret», se félicite Martine Hansen à la sortie des échanges.
Quatre thèmes majeurs ont été abordés : les constructions en zone verte, la protection des eaux, les émissions d’ammoniac et les adaptations du plan stratégique national, qui constitue la base de la politique agricole nationale.
Une mauvaise note pour déi gréng
Un énorme soulagement était palpable au moment où les acteurs de la réunion se sont présentés devant la presse afin de dresser le bilan de cette première réunion bilatérale gouvernement-agriculture, qui doit désormais avoir lieu deux fois par an. Guy Feyder, le président de la Chambre d’agriculture, a donné l’impression d’être libéré d’un joug qui lui aurait été imposé par le précédent gouvernement, avec en tête le parti des verts. «Ces dernières années, la politique agricole a clairement manqué de pragmatisme et de solutions orientées selon la réalité pratique du terrain. Désormais, nous constatons un changement de paradigme autour de l’agriculture. Et j’ai bon espoir que le processus ambitieux entamé pourra continuer à l’avenir», avance ainsi le représentant du secteur agricole.
Le fait que le nouveau ministre de l’Environnement ait participé aux échanges semble avoir apaisé les tensions, même si les bonnes intentions soulignées hier devront encore être mises en pratique, notamment pour trouver le fameux équilibre entre protection de l’environnement et développement d’une agriculture «avec des contraintes réduites au minimum», comme le résume Serge Wilmes.
Guy Feyder voit en tout cas le secteur engagé dans une toute nouvelle voie, notamment en ce qui concerne la construction d’installations agricoles en zone verte. «La culture du blocage qui a prévalu se transforme en culture de l’action», clame-t-il.
Le gouvernement se dit, lui, décidé à avancer vite sur des soulagements très techniques pour des agriculteurs sous haute tension. Des groupes de travail et une «task force» doivent produire d’ici à l’été des solutions concrètes, en attendant des révisions plus globales de la loi agricole et de la loi sur la protection de la nature.
Le parti aux manettes du ministère de l’Environnement lors de la décennie écoulée a déploré hier dans un communiqué le fait que le Landwirtschaftsdësch – qualifié de bonne initiative du nouveau gouvernement – n’ait pas été composé d’un panel d’interlocuteurs plus large. L’ancienne ministre Joëlle Welfring, qui siège désormais à la Chambre des députés, affirme dans ce texte que «le fait que la ministre de l’Agriculture n’a convié ni les agriculteurs biologiques ni les représentants des associations de protection de l’environnement constitue une chance ratée» Elle ajoute : «Une discussion plus large est pourtant nécessaire pour assurer une production agricole nationale équitable, respectueuse de l’environnement et tournée vers l’avenir.»
Déi Gréng appellent le gouvernement CSV-DP à «développer des solutions holistiques» pour l’agriculture. «Pour y parvenir, il est indispensable de ne pas se passer des expériences et de l’expertise des acteurs de l’agriculture biologique, des associations environnementales et de la recherche», insiste Joëlle Welfring, tout en mettant en garde contre une trop importante remise en question de la protection de l’environnement.
Les élections sociales du 12 mars ne sont pas les seules qui auront lieu en ce tout début de printemps. Deux jours après que l’ensemble des salariés et pensionnés du secteur privé sont appelés aux urnes (élections de la Chambre des salariés et des délégations du personnel), ce sera au tour du secteur agricole de désigner ses représentants à la Chambre d’agriculture (LWK).
En amont de cette élection, des tensions entre les syndicats agricoles sont apparues. L’élément déclencheur fut un commentaire de Laurent Schüssler, le directeur de la Centrale paysanne (CPL), publié dans le journal Lëtzebuerger Bauer. Ce dernier faisait suite à la manifestation des jeunes agriculteurs de la Grande Région à Schengen. Le chef de file du premier syndicat agricole du pays s’était échauffé contre la participation de la Lëtzebuerger Landjugend a Jongbaueren (LLJ) venant, selon lui, briser la trêve décrétée afin de ne pas plomber le dialogue constructif engagé avec le nouveau gouvernement.
Laurent Schüssler avait affirmé ne pas croire le narratif expliquant que la manifestation «s’adressait exclusivement à la politique européenne». «Mais ce n’est pas si simple. Quiconque participe à une manifestation (…) exprime également un certain mécontentement à l’égard de son propre gouvernement», avait accusé le président de la CPL.
Très remontés, les jeunes agriculteurs luxembourgeois avaient estimé que le commentaire acerbe se trouvait en relation avec les élections pour renouveler la Chambre d’agriculture. D’ailleurs, la CPL a aussi été contrée, dans un communiqué, par les deux autres syndicats agricoles, la Bauerenallianz et le FLB, qui abordent le scrutin avec une liste commune.
Avec la LLJ également, la nouvelle alliance agricole déplore que l’idée d’une plus forte union n’ait pas été partagée par la CPL. Au vu des futurs défis du secteur, il ne serait plus concevable que les syndicats continuent à «s’affronter». «Il n’est plus possible que chaque sujet abordé soit débattu dans trois lieux différents et que trois organisations se rendent ensuite dans les ministères pour s’affronter. L’agriculture luxembourgeoise serait plus forte si nous disposions d’une Chambre forte et fonctionnelle», est-il souligné dans un communiqué publié dimanche sur Facebook.
En fin de compte, ce sont trois listes (CPL, Allianz-FLB et Indépendants) qui seront en lice pour représenter les agriculteurs dans la prochaine LWK.