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Le grand saut de C’est Karma


Dernière lauréate du Global Project Grant, C’est Karma enchaîne avec un concert à l’Eurosonic avant la sortie prochaine de son premier album. Autant dire que 2024 est une année charnière pour elle. Entretien.

Depuis ses débuts en 2017, elle a plusieurs fois changé d’identité. D’abord chanteuse folk à guitare, C’est Karma s’est doucement mutée en une créature pop hybride, dans la lignée de ses modèles que sont Björk, Arca, SOPHIE ou Caroline Polachek.

Une flopée de singles et trois EP plus tard, la jeune femme compte valider sa métamorphose cette année, sur scène comme en studio, à travers un double rendez-vous d’importance : celui de Groningue (Pays-Bas) au festival Eurosonic dès la semaine prochaine, et après l’été avec la sortie de son premier long format.

Soutenu par la généreuse bourse et l’appui logistique du Global Project Grant, elle espère alors mettre sa carrière sur de bons rails. Avec un premier test grandeur nature dès lundi au Rocas.

Ces dernières années, vous avez assidûment travaillé à votre identité artistique. Où en êtes-vous dans ce processus? 

C’est Karma : Je suis très à l’aise là où je suis, ce que je représente aujourd’hui, même si c’est un processus qui ne se conclut jamais vraiment. Selon moi, il faut toujours rester flexible, aller vers ce qui vous donne envie. Le confort et l’immobilisme, ça peut être dangereux… Mais oui, je suis là où je voulais être quand je me suis embarquée dans ce projet.

C’est un changement assez radical par rapport à vos débuts. Comment cette transformation est-elle aujourd’hui perçue au Luxembourg? 

(Elle réfléchit) Depuis mon dernier EP (NRLR : Amuse Bouche, sorti en mai 2022), je recherche mon public. C’est une évidence mais la musique que je fais maintenant n’a plus rien à voir avec la folk d’il y a six ans, avec la guitare acoustique et toute la palette qui va avec. Mais je pense avoir trouvé ma petite niche de gens qui me comprennent et apprécient mon nouvel univers artistique.

Avez-vous perdu des fans avec votre métamorphose? 

Il y a toujours des fidèles de la première heure, et d’autres qui ont pris leur distance. C’est qu’on ne peut pas satisfaire tout le monde! En même temps, j’aime l’idée de faire des choses radicales et de voir, en fin de course, ceux qui restent, qui s’accrochent (elle rit).

Pensez-vous que votre orientation puisse séduire un plus large public qu’auparavant? 

Pas forcément, non. La folk de mes débuts avait quelque chose de direct, d’instantané, qui pouvait plaire dès la première écoute. La pop que je fais désormais, par contre, se tourne vers des gens plus ouverts à l’expérience. Il faut avoir envie de la découvrir!

Sans oublier qu’il y a toujours de profondes aversions envers cette musique, qu’elles soient motivées par une certaine misogynie ou une position anti-« mainstream ». C‘est encore très présent dans la tête du public. Alors oui, la pop peut attirer plus de monde, mais ça n’a rien d’une évidence.

Diriez-vous que votre musique est exigeante?

Oui, et c’est voulu. J’étais arrivée à un moment dans ma carrière où je devais tester mes limites, les pousser le plus loin possible. C’est un challenge que je me suis fixé, pour moi, pour ma musique et par prolongement, pour mon public.

L’année dernière n’a pas été riche en sortie pour vous. Il y a tout de même eu cette chanson, sortie début décembre, Hearts on Windows, qui parle d’idéal. Quel est le vôtre? 

Sûrement un monde plein d’amour. Avec beaucoup d’honnêteté, de sincérité et de transparence.

Et artistiquement partant?

Une carrière qui explose! Ça me plairait bien.

Cette relative distance en 2023 est surtout due au premier album que vous préparez, prévu de sortir après l’été. Où en est-il et à quoi va-t-il ressembler? 

Il est prêt depuis quelque temps. Je ne vais pas tout dévoiler, mais il prend une nouvelle direction. Disons que je m’éloigne un peu des extrêmes sans trahir mon évolution. Il sera dans une sorte d’entre-deux : ni dans la folie de l’hyperpop, ni dans la facilité de la folk. Ça restera, bien sûr, alternatif et expérimental.

Peut-on lui mettre facilement une référence?

Il aura des accents nostalgiques de la pop des années 1990. Selon moi, il sera plaisant à écouter. Mais mon avis ne compte pas : je ne suis pas vraiment neutre dans l’histoire (elle rit).

Dans quel état d’esprit êtes-vous, avant ce bond en avant?

Ça fait deux ans que je travaille sur ce disque, alors oui, j’ai hâte qu’il sorte, même si ça va être une torture d’attendre jusque-là! Au moins, d’ici l’été, je vais régulièrement divulguer des chansons. Je suis très curieuse d’ailleurs de voir comment elles vont être reçues. Rendez-vous le 9 février pour la première!

Avant la sortie de votre premier album, il y a un autre rendez-vous de poids : le concert la semaine prochaine à l’Eurosonic, aux Pays-Bas, festival de renom pour les artistes émergents. Qu’en attendez-vous?

J’essaye de ne pas trop me monter la tête, ni de me mettre une pression folle, même si des gens importants de l’industrie musicale vont être à mon concert. À moi de saisir ma chance, car je joue dans une des salles principales du festival (NDLR : le Vera, l’un des clubs phares de Groningue) et au meilleur moment, à 20 h. C’est une belle reconnaissance. Il est alors temps de se lancer. J’espère que mon travail va payer!

On vous sent pleine de confiance, non?

Ça fait déjà deux ans que je lorgne ce festival, mais j’ai décidé d’attendre avant de m’embarquer dans cette aventure. Il fallait que je me sente prête, plus mature. C’est le cas.

Vous avez préparé pour l’occasion un live voulu « mémorable« , peut-on lire. C’est-à-dire? 

Avec mon équipe, j’ai passé une semaine au mois de décembre à développer une nouvelle mise en scène, à passer tous les détails en revue, même les plus infimes, pour perfectionner l’ensemble. Alors oui, j’espère que ça va être mémorable!

La scène, est-ce l’élément qui reste le plus compliqué à gérer pour vous? 

Clairement. Mais ces derniers temps, j’ai cherché à trouver une personnalité qui me correspond bien sur scène, un endroit où je ne suis pas toujours à l’aise. Pour le coup, je me suis posé une double question : qui je veux être, et comment dois-je me présenter? L’idée derrière ça n’était pas de perfectionner le show, d’en mettre plein la vue mais bien de proposer quelque chose de captivant.

D’où aussi ces deux dates préalables pour vous préparer, dont une au Rocas (et une autre à Amsterdam, où elle vit). Une sorte de retour aux sources, non? 

(Elle rit) Tout à fait. J’y ai donné l’un de mes premiers concerts il y a six ans. Ce café correspond bien à l’esprit DIY (Do it yourself) dans lequel j’ai commencé. Y retourner dans des dispositions différentes et avant le grand saut me plaisait bien.

Pour finir, vous êtes la lauréate du Global Project Grant 2024 qui, par l’entremise de Kultur | lx, soutient les artistes dans le développement de leur carrière. Qu’est-ce que cette aide logistique et financière va débloquer chez vous? 

Ça soulage! Dans le monde artistique, l’argent manque. Là, je vais pouvoir accompagner l’album avec une stratégie que j’espère efficace, et également rémunérer mon équipe avec un salaire juste. Car quand on est bien entouré, on peut se concentrer sur la musique.

Pour toutes ces raisons, 2024 est-elle une année charnière?

Oui, c’est certain. J’espère qu’elle va me permettre de me lancer, même si ça reste difficile à prédire. Car si mon album à venir est sûrement la meilleure chose que j’ai jamais faite, on ne peut jamais savoir à l’avance comment il va être reçu. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai tout donné pour que ce soit mon année!

«C’est Karma live» Lundi à partir de 20 h. Rocas – Luxembourg.