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[Football] Adrien Ferino : «La différence entre Glasgow et Marseille ? L’engouement du public»


Formé à Metz, l’ex-Niederkornois Adrien Ferino foulera enfin la pelouse de Saint-Symphorien dimanche, à 31 ans. (Photo : archives gerry schmit)

Opposé deux fois aux Glasgow Rangers avec le Progrès en Coupe d’Europe, Adrien Ferino va vivre un nouveau sommet avec les amateurs de l’US Thionville dimanche en 32es de finale de la Coupe de France : la réception de Marseille dans un stade Saint-Symphorien comble.

Formé au FC Metz, avec qui il a notamment remporté la Coupe Gambardella (l’équivalent français de la Coupe du Prince) en 2010 mais qu’il a quitté en 2012 après deux saisons en équipe réserve, Adrien Ferino va enfin, à 31 ans, fouler la pelouse du stade Saint-Symphorien, l’antre des Grenats.

Cela valait le coup d’attendre : figure de proue, du haut de ses neuf saisons (2013-2022) et 210 matches avec le Progrès, de la douzaine d’anciens joueurs de BGL Ligue (Maxime De Taddeo, Vincent Collet, Valentin Poinsignon, Thibaut Jacquel, Ryad Habbas, Ibrahim Baradji) ou de Promotion d’honneur (Théo Junker, Adedeji Adebayo, Joris Belgacem, Jérémy Lauratet, Houssine Yousfi) peuplant aujourd’hui l’effectif de l’US Thionville, le défenseur défiera dimanche avec son club de National 3 un monument du foot français en 32es de finale de la Coupe de France : l’Olympique de Marseille.

Une échéance qui n’a bouleversé ni les habitudes des Lusitanos ni les siennes : kiné salarié au Luxembourg, l’ancien Niedekornois a travaillé chaque jour depuis mardi. Tout juste est-il parvenu à refiler sa garde de samedi à un collègue pour pouvoir, avec ses équipiers, effectuer la reconnaissance du terrain et prendre ses marques dans ce qu’il espère être le théâtre d’un immense exploit.

Comment se sent-on, à la veille d’affronter un club comme Marseille ? 

Adrien Ferino : C’était très spécial au moment du tirage et les quelques jours suivants, mais depuis la reprise de l’entraînement, le 26 décembre, on est vraiment focus sur le football. Ce match a une dimension particulière car il y a beaucoup de points presse, des photographes et journalistes en permanence autour du terrain, mais on essaie de le préparer peut-être pas comme chaque match, mais en mettant tous les ingrédients pour trouver des solutions et les mettre en difficulté.

En termes de pression, en quoi ce match diffère-t-il d’un match de Coupe d’Europe comme vous avez pu en disputer avec le Progrès ?

Au Luxembourg, on n’est pas vraiment pros mais quand on se déplace en Europe, on est souvent inférieurs sur le papier et rarement favoris mais les adversaires, dans leur tête, affrontent tout de même une équipe car on fait partie des meilleures équipes de notre pays et qu’on a parfois éliminé d’autres équipes étrangères pour arriver là. Là, la différence de niveau (cinq divisions) est actée, d’autant qu’on affronte une équipe habituée à l’Europe. Autant en Coupe d’Europe, la forme du moment peut influer, autant là, il n’y a aucune discussion possible : l’OM est ultra-favori. On doit préparer un match exceptionnel, dont on sait qu’il ne se reproduira pas.

Jouer l’OM, en tant que Français, c’est quelque chose quand même : c’est notre seul club vainqueur de la Ligue des champions (en 1993). Ce qui diffère, et je n’ai jamais connu ça, c’est qu’on va jouer à domicile dans un stade plein, devant 28 000 personnes. Quand on avait affronté les Glasgow Rangers en Ligue Europa avec le Progrès (en 2017 et 2019), le Josy-Barthel n’était pas plein. L’engouement n’est pas le même, et c’est le plus délicat à gérer. Si le club avait eu 50 000 places à vendre, il aurait tout vendu! Moi-même, si j’avais eu 1 000 billets, ils auraient tous trouvé preneur! La demande est incomparable.

La différence avec un match de N3? La presse, l’engouement et la reconnaissance du terrain

Vous le comprenez, ce fol emballement autour de Thionville ?

Oui, car le projet du club commence à être mis en lumière, à travers notre récent voyage en Nouvelle-Calédonie (pour le 7e tour de la Coupe de France), notre victoire (2-1, 8e tour) contre Annecy (Ligue 2), nos deux montées successives (du Régional 2 au National 3), le fait qu’on soit leader de N3 avec trois matches en moins… la réception de l’OM, c’est la cerise sur le gâteau. Tout le monde commence à prendre ce projet au sérieux. C’est aussi culturel : en France, il y a plus d’engouement autour du foot qu’au Luxembourg.

En parlant du projet, comment expliquer que celui-ci ait séduit autant de joueurs de BGL Ligue* ces deux dernières années ? 

Pour beaucoup de joueurs, c’était un choix de vie. S’entraîner quatre à cinq fois par semaine et concilier ça avec une activité pro, qui plus est quand on est frontalier, comme moi, et confronté aux bouchons, à un moment on ne peut plus si on veut fonder une famille. Pour moi, la raison principale était là. J’avais parfois des coachs qui ne comprenaient pas trop que je sois fatigué, alors que je travaille 40 heures/semaine. Jouer à Niederkorn, un club qui se développe, se professionnalise, même si j’y ai vécu des choses exceptionnelles, ce n’était plus possible.

Et puis, la Coupe de France me faisait rêver : à part à Amnéville (2012/2013), je l’ai très peu jouée et je voulais avoir ce dernier challenge, d’autant que je suis venu habiter à Thionville. Sur les 20 joueurs de l’effectif, beaucoup ont le même parcours que moi : on est 17 ou 18 à être passés par un centre de formation, à avoir eu l’ambition d’être pro, à avoir connu l’échec de ne pas signer de contrat et avoir dû rebondir.

Par rapport à un match de N3, en quoi votre préparation a-t-elle été différente ?

Elle ne l’a pas été du tout, parce qu’on a des coachs qui sont hyper-pros (les ex-Messins Julien François et Stéphane Borbiconi, respectivement entraîneur principal et adjoint), qui ont fait très grande carrière et doivent cette longévité à un sérieux, une rigueur extraordinaire, et mettent ça en place aussi en N3 ou pour les premiers tours de Coupe de France contre Saint-Dié (Régional 2), ou Longlaville (Départemental 1), à ceci près qu’on n’avait pas d’analyse vidéo pour ces matches.

Mais sinon, on fait de la vidéo tous les vendredis, on met en place des choses spécifiques à l’entraînement, on travaille à fond les coups de pied arrêtés… on avait plus d’images sur Marseille mais à part ça, les seules différences, c’est la presse, l’engouement et la reconnaissance du terrain car c’est particulier de jouer dans un grand stade : arriver sur le terrain sans y avoir mis les pieds, ça peut être préjudiciable. Sinon, on devait déjà reprendre le 26 car sans la Coupe, on aurait de toute façon joué en championnat; on s’est entraîné trois fois, comme chaque semaine; et on s’est fait un resto en équipe mercredi soir comme on le fait à chaque début d’année, et on l’aurait aussi fait si on avait affronté Reims B.

Au niveau des analyses, avez-vous décelé un quelconque point faible chez cette équipe de Marseille ?

À ce niveau, on ne peut pas parler de points faibles, mais on peut se dire que nous, on a des qualités, des atouts, des principes de jeu qui nous font croire qu’on peut se créer des occasions.

Quand on est leader invaincu de N3 et qu’on vient d’éliminer une Ligue 2, existe-t-il la tentation de prendre le jeu à son compte plutôt que se contenter de défendre et contrer ?

De toute façon, défendre à onze, garer le bus, on ne sait pas faire. Nos principes ne vont pas évoluer, ils vont simplement être adaptés. On sait qu’on aura moins le ballon que d’habitude, que notre bloc sera sans doute cinq mètres plus bas, mais on reste une équipe joueuse, qui aime mettre la pression. D’habitude, on le fait pendant une heure voire 70 minutes, là on la mettra sûrement moins longtemps car l’intensité sera tout autre, mais il est hors de question de passer à cinq derrière et de passer notre temps à défendre. On va faire notre match, et l’OM aussi a son match à faire.

C’est à se demander si la pression n’est pas plutôt sur les épaules de Marseille, qui s’est fait éliminer trois fois par des équipes amateurs ces cinq dernières années.

Ça reste des joueurs pros, c’est leur travail, ils sont conscients de leurs qualités, de venir dans un stade plein, et je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils auront préparé le match avec sérieux et seront prêts pour gagner. On ne compte pas sur le fait qu’ils arriveront en dilettante ou qu’ils vont nous sous-estimer.

Jouer à Saint-Symphorien devant tous ses proches, pour un joueur formé à Metz, c’est très particulier

Vous avez disputé 20 rencontres européennes. S’agit-il du plus gros match de votre carrière ? 

Bonne question (il réfléchit)… Ce qui est sûr, c’est que jouer un 32e de finale dans un Saint-Symphorien plein, qui plus est face à un très grand club, je ne l’ai jamais fait. Au niveau de l’enjeu, c’est différent : après 12 ou 13 ans en seniors, je prends ce match comme du bonus. J’ai joué des matches à enjeu, une finale de Gambardella, des matches pour le titre, celui-ci est important par le prestige mais en soi, notre priorité reste le championnat. Si dimanche, on doit s’arrêter, on n’aura aucun regret. Mais jouer ici devant tous ses proches, pour un joueur formé au FC Metz, j’avoue que c’est très particulier.

Y a-t-il un petit sentiment de revanche personnelle ?

Pas du tout. Je n’ai aucun regret sur ce que j’ai fait. Même si, au départ, je faisais ça pour être pro, je reste très satisfait de mon parcours. Et c’est déjà très bien d’être là, à 31 ans, dans une équipe qui me ressemble dans la mentalité, à laquelle je suis fier d’appartenir. Ce n’est ni une revanche ni un accomplissement car ce n’est pas la fin de quelque chose et qu’on espère encore se qualifier, c’est juste une récompense.

* Olivier Cassan, Grégory Adler et Poinsignon en 2021, Ferino, Collet, Jacquel et Baradji en 2022, De Taddeo et Habbas en 2023.