À six mois du prochain scrutin, les eurodéputés luxembourgeois louent la gestion de la pandémie de covid, suivie des répercussions de la guerre contre l’Ukraine. D’autres défis attendent l’UE.
Mise dos au mur par le Brexit d’abord, par la pandémie de covid ensuite, puis par les déclenchements de la guerre en Ukraine et, plus récemment, au Proche-Orient, l’Union européenne est toujours debout.
Le mérite reviendrait à des institutions qui auraient réussi à prendre leurs responsabilités. «L’UE a livré des réponses. Elle a grandi au fil des crises. Les mesures nécessaires ont été prises, ce qui n’était pas forcément envisageable avant», souligne Isabel Wiseler-Lima, eurodéputée du CSV.
Hier matin, au moment de faire un point avant la dernière ligne droite de cette législature, les six élus luxembourgeois au Parlement européen ont pu tirer un bilan global plutôt positif, en dépit du très lourd contexte.
Ont été mis en avant l’achat communautaire des vaccins contre le covid ainsi que le programme de relance post-covid, dont l’enveloppe de plus de 750 milliards d’euros débloquée pour le programme «Next Generation EU». Le fait d’avoir contracté à 27 États membres une dette aurait non seulement eu «une importance budgétaire, mais aussi un énorme effet politique», renchérit Charles Goerens (DP).
«Orban, un cheval de Troie»
L’unité affichée au moment de l’agression de l’Ukraine par la Russie est considérée comme un autre succès majeur. Près de deux ans plus tard, l’UE se voit toutefois confrontée à une Hongrie dont le Premier ministre, Viktor Orban, ne cesse de semer la zizanie.
«Viktor Orban est en fait un cheval de Troie, qui permet à Vladimir Poutine d’être assis à la table de l’OTAN et de l’UE», fustige Charles Goerens. Lors du sommet européen en fin de semaine, la Hongrie pourrait à nouveau paralyser l’UE dans son ensemble, en maintenant son veto à l’entame des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, voire au feu vert d’un nouveau paquet d’aides financières pour Kiev.
Le «chantage» pratiqué par Viktor Orban est ainsi un des points négatifs mis en avant, hier, par les eurodéputés luxembourgeois. La stratégie du chef de gouvernement hongrois s’inscrit dans la logique des partis d’extrême droite qui pourraient sortir encore une fois renforcés des prochaines élections européennes, fixées à début juin 2024. L’autre inquiétude concerne le possible retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis (lire également ci-dessous).
Les élus du CSV, du LSAP, du DP et de déi gréng plaident pour que leurs familles politiques européennes s’unissent davantage pour contrer la vague extrémiste et populiste. Les forces progressistes et démocrates devraient unir leurs forces.
«Il faut prendre au sérieux les peurs des gens, sans tomber dans les pièges que tendent les populistes», avance Tilly Metz. Dans ce contexte, il est encourageant de noter que 70 % des citoyens européens interrogés lors du dernier Eurobaromètre se disent conscients de l’impact positif qu’a le travail du Parlement européen sur leur quotidien.
Tous au rendez-vous le 9 juin?
Officiellement, les partis décideront en début d’année prochaine seulement de leurs listes de candidats pour les élections européennes du 9 juin. Le Luxembourg sera toujours représenté par 6 eurodéputés. Les six élus sortants vont-ils se représenter?
La probabilité est très grande, du moins pour cinq d’entre eux : Isabelle Wiseler-Lima (CSV), Martine Kemp (CSV), Tilly Metz (déi gréng), Marc Angel (LSAP) et Charles Goerens (DP). Ce dernier se donne toutefois encore le temps de la réflexion, tout en indiquant rester motivé à exercer un mandat européen.
Monica Semedo, qui n’est plus membre du DP après deux affaires pour harcèlement de collaborateurs, a affirmé hier disposer de plusieurs options, mais que rien n’était encore tranché. Verra-t-on l’élue indépendante sur la liste d’un autre parti?
Monica Semedo – Cap sur l’inclusion au sens large
Malmenée par deux procédures disciplinaires pour harcèlement de collaborateurs, Monica Semedo sort un brin amère de son premier mandat d’eurodéputée, entamé sous la bannière du DP. Après la première réprimande interne, la jeune élue a décidé de claquer la porte de son parti. Hier, elle a tenu à souligner que «l’inclusion au sens large a été dès le début» sa grande priorité. La députée met en avant l’égalité des chances pour les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les victimes de racisme ou encore les membres de la communauté LGBTIQ+.
La promotion de la culture tout comme la politique sociale ont été deux autres grands domaines d’action de Monica Semedo. À l’instar du socialiste Marc Angel, elle souligne l’importance de la directive sur la rémunération obligatoire des stages. «Il faut compter un millier d’euros de dépenses pour un jeune effectuant un stage. Ce n’est pas forcément le cas au Luxembourg, mais dans d’autres pays plus grands. D’où l’importance d’une rémunération», martèle l’élue.
Charles Goerens – Une menace qui s’appelle Trump
Charles Goerens, le doyen des eurodéputés luxembourgeois, attire l’attention sur l’année électorale 2024. Or ce ne serait pas le scrutin européen de juin, mais bien plus la présidentielle américaine de novembre qui aura la plus grande importance pour l’avenir de l’UE. «Nous avons eu plus de 4 ans et demi pour nous préparer à un éventuel retour au pouvoir de Donald Trump. Malgré la crainte qui existe, nous n’avons malheureusement pas assez fait pour solidifier et rendre plus autonome l’UE», déplore l’élue du DP.
S’il loue la réactivité des 27 aux crises récentes, Charles Goerens se montre déçu que l’UE ne parvienne pas à agir avec la même détermination dans un contexte plus serein. «Les moyens que l’on s’est donnés sont largement insuffisants pour faire face aux problèmes qui pourraient nous attendre», renchérit le député.
Dans ce contexte, Charles Goerens renvoie vers l’importance de lever le principe de l’unanimité pour les décisions stratégiques, même si la «perspective n’est pas brillante».
Tilly Metz – Engagement pour un climat sain
En tant qu’eurodéputée déi gréng, il n’est pas surprenant de voir Tilly Metz saluer le pacte vert pour l’Europe (Green Deal), initié par la Commission européenne d’Ursula von der Leyen. «Malheureusement, les majorités ont changé au fil de la législature. Beaucoup d’initiatives telles que la loi sur la restauration de la nature ont été diluées. D’autres ont été avortées, à l’image de la directive sur les pesticides», déplore l’élue.
Au-delà de la politique environnementale, Tilly Metz s’est concentrée sur trois autres volets. Dans le domaine de la santé, elle a accompagné de près la mise en œuvre d’une politique mieux coordonnée entre les États membres, sur la base des enseignements tirés de la pandémie de covid. Elle est également satisfaite d’avoir obtenu un renforcement du bien-être dans le cadre du transport d’animaux. Enfin, Tilly Metz promet de continuer à s’engager pleinement pour une densification du trafic ferroviaire à travers l’UE. «Nous avons besoin d’un changement de mentalité», clame-t-elle.
Martine Kemp – Entre commerce et mobilité
Martine Kemp vient de succéder il y a 50 jours à peine à Christophe Hansen, le second élu du CSV au Parlement européen, qui siège désormais à la Chambre des députés. Pas question donc de tirer un bilan exhaustif pour la toute jeune eurodéputée. Elle préfère se focaliser sur les six mois qui restent avant les élections européennes de juin. D’ici là, Martine Kemp veut peser dans le domaine du commerce international, en travaillant notamment sur le code de consommation européen ainsi que sur une harmonisation du système de protection des consommateurs. «Surtout dans le domaine du commerce électronique, il nous faut trouver un bon équilibre entre ambition et réalisme», fait-elle remarquer. Les traités de libre-échange, encore en négociation, notamment avec la Nouvelle-Zélande, le Chili ou le Mexique, sont d’autres dossiers auxquelles l’élue chrétienne-sociale compte s’attaquer.
Elle n’oublie également pas la combinaison entre environnement et mobilité, tout en restant à l’écoute de la jeune génération.
Isabel Wiseler-Lima – Les droits de l’homme en priorité
Dans sa fraction, l’eurodéputée chrétienne-sociale Isabel Wiseler-Lima est la porte-parole pour la politique liée à la protection des droits de l’homme, la protection de la démocratie et la sécurité. «Il faut être conscient que de plus en plus de pays s’éloignent de la démocratie», fait-elle remarquer dans ce contexte. La lutte contre la désinformation mais aussi les cyberattaques devraient continuer à être renforcées, plaide l’élue du CSV. «Il faut faire face aux guerres hybrides qui sont aujourd’hui menées. L’investissement dans la cybersécurité doit être au moins aussi important que dans la défense traditionnelle», insiste Isabel Wiseler-Lima.
Toujours dans le même contexte, la députée européenne ne manque pas de fustiger le gouvernement hongrois, qui ne manque pas de remettre en cause l’État de droit. «La Hongrie va continuer à nous causer beaucoup de problèmes. On a trop longtemps été passifs», ne cache pas Isabel Wiseler-Lima, également membre du Bureau du Parlement (questeur).
Le pilier social comme fil rouge
Le socialiste Marc Angel place, sans surprise, la politique sociale au cœur de son action au Parlement européen. «Il nous faut démontrer aux citoyens ce que l’UE leur apporte au quotidien», souligne l’eurodéputé, renvoyant notamment vers l’introduction d’un salaire social minimum à l’échelle de l’UE, un renforcement du cadre pour les conventions collectives ou la lutte contre les discriminations en tout genre.
L’élu du LSAP espère que le commissaire européen luxembourgeois, Nicolas Schmit, parviendra à boucler les travaux sur la législation devant réguler le travail de plateforme ainsi que la directive pour imposer des stages rémunérés. Dans son ensemble, le pilier des droits sociaux devrait être plus solidement ancré dans le travail de l’UE, clame Marc Angel.
Il souligne en outre la grande importance «d’entraîner et d’accompagner au mieux les citoyens dans la double transition écologique et digitale», l’une des autres priorités de son travail de député européen.