Luc Holtz : «La Géorgie, c’est sans doute le match le plus excitant et j’arrêterais juste avant ça ?»

Déclaré (encore) meilleur entraîneur de l’année, tout juste prolongé de deux ans, Luc Holtz est déjà dans l’après. Mars en Géorgie, juin en Allemagne?

Pourquoi rester ?

Luc Holtz : Parce que je me suis pas mal tracassé la tête pour savoir si on pouvait encore continuer à grimper la montagne, après des années à monter en puissance. Ma conclusion : on n’est pas encore au sommet, il y a encore moyen de surpasser sportivement et d’un point de vue comptable, ce qu’on a déjà fait toute cette année 2023.

Cela sous-entend-il se qualifier, pour cette génération dorée et…

(Il coupe) Attendez, je voudrais clarifier quelque chose.

Allez-y !

Cette histoire de génération dorée, c’est du blabla. Ce n’est pas une génération dorée, c’est du n’importe quoi. On a des joueurs de 18-19 ans, d’autres de 23 ans, d’autres de 26, d’autres qui ont passé les 30. C’est juste une équipe bien équilibrée. C’est un sujet que j’ai abordé avec le président et mon staff : ma philosophie, c’est qu’on ne doit jamais arriver, un jour, à ce constat qu’on est arrivé en fin de cycle et que désormais, il faut reconstruire. On ne doit jamais avoir à reconstruire, il faut anticiper. Bien entendu, je sais qu’un Maxime Chanot, un Laurent Jans, un Lars Gerson, ont passé les 30 ans et que biologiquement, à un moment, ils seront obligés d’arrêter. Mais j’espère les avoir encore pour quelques années. Il n’empêche qu’à un moment, on aura sans dote besoin de quelques matches de flottement pour installer aussi un Seid Korac parce qu’à un moment, oui, il y aura un rôle de patron à prendre parce que l’un de ces trois-là est parti.

Chanot, Jans, Gerson, j’espère encore les avoir pour quelques années

Minuscule parenthèse juste pour être sûr, même si ce serait extrêmement surprenant : aucun de ces garçons que vous venez de citer ne vous a annoncé son désir d’arrêter ?

Ah non, ça non. Je peux vous dire que la plupart ne pensent déjà plus qu’à la Géorgie et à une éventuelle finale derrière. Celui qui annoncerait sa retraite internationale là, maintenant, alors qu’à on s’apprête tous à jouer sans doute le match le plus excitant de nos carrières, ce serait comme se tirer une balle en pleine tête.

Pour vous aussi, cela a joué un rôle dans la décision de prolonger ?

Bien sûr! C’est sans doute le match le plus important que je disputerai et j’arrêterais juste avant ça ?

Question au passage : existe-t-il une clause entre vous et la FLF, dans un sens ou dans l’autre, en cas de non-qualification ?

Pas du tout ! Sinon, je n’aurais pas signé deux ans, mais six mois. Et signer six mois, je ne l’aurais jamais fait. Je me rends juste compte qu’on ne s’est jamais retrouvé dans cette situation, assis au tirage des groupes de l’Euro, pour la phase finale! Mais derrière, qu’on y aille ou pas – et il ne faut pas que cela devienne un drame si l’on n’y va pas parce qu’on n’est de toute façon pas favoris –, il y a des mois très excitants qui arrivent, avec notamment une campagne de Nations League lors de laquelle, si on n’hérite pas de la Suède au tirage et qu’on conserve notre niveau actuel, on peut très concrètement jouer la première place et envisager de monter en Ligue B. Vous imaginez le Luxembourg en Ligue B, nous qui étions il n’y a pas si longtemps du niveau du Liechtenstein?

Mais faut-il entendre que la prochaine étape pour cette «équipe équilibrée» serait une qualification pour une grande compétition internationale ?

Oui, on peut? Rien n’est impossible. Même si, vu la configuration des qualifications, ce sera toujours plus compliqué, voire impossible, de postuler pour un Mondial avec un seul qualifié par groupe.

Si vous aviez estimé qu’on avait atteint le sommet de la montagne et que vous n’aviez pas continué, estimez-vous qu’il aurait été impossible à un autre coach de faire mieux parce que le matériel à disposition est insuffisant? Ou une autre approche aurait-elle pu fonctionner ?

Je ne peux pas répondre à cette question. Tactiquement, ce qu’on produit aujourd’hui, avec pressing haut, contre-pressing, certitudes dans la possession de balle, cela n’a plus rien à voir avec ce qu’on faisait avant. Après, si un autre coach était arrivé, ou si un autre coach arrive, je ne pense pas qu’il faudrait qu’il joue plus bas. Ce serait désormais évoluer contre nature, avec des garçons forts dans la possession et les espaces réduits. Il faudrait d’autres profils sur le terrain. Plus puissants.

Dany Mota tient un rôle dans ma tête en Géorgie

Comme Dany Mota? Sera-t-il là en mars ?

Je l’espère. En tout cas, c’est dans mon idée. Les dernières nouvelles qu’on a restent positives. Il tient un rôle dans ma tête en Géorgie et j’espère bien le voir avec nous. C’est LÀ, aujourd’hui, qu’il doit prendre la décision de venir nous aider. Vous imaginez si on se qualifie et qu’il marque contre le Portugal à l’Euro, leur prouvant qu’ils ont eu tort à son sujet (il sourit). Il n’y a que le football qui puisse écrire des histoires comme ça.

Info cruciale en vue du 21 mars : Kvaratskhelia, la star napolitaine de la Géorgie, ne sera donc pas là…

Quand on a reçu les textes de l’UEFA, pour les suspensions, ce n’était pas très clair. On a compris après que les annulations de cartons ne visaient que le tournoi final et que les barrages de la Nations League ne donnaient pas lieu à une annulation.Et donc, je vous mentirais si je vous disais que ça ne fait pas une énorme différence concernant un joueur du top mondial. Sans lui, oui, j’ai moins de tracas en tête. Mais nous, on n’aura pas Danel Sinani et je m’inquiète de savoir combien de matches il manquerait? Un ou deux? J’espère que l’UEFA retiendra le fait qu’il jouait le ballon (NDLR : sur la semelle qui lui a coûté une expulsion au Liechtenstein).

Le président Philipp disait vouloir donner la chance à un maximum de gens de venir supporter l’équipe à Tbilissi…

Et ce serait très important. On a bien vu à Vaduz comment cela transcendait les joueurs. Beaucoup de gens autour de moi commencent déjà à se renseigner et je ne sais pas combien de supporters nous aurons là-bas, mais je sais qu’en interne, à Mondercange, on est déjà en train de voir pour organiser des vols spéciaux pour transporter plus de supporters.

La FLF est en train de voir pour organiser des vols spéciaux (pour Tbilissi)

Puisqu’on parle d’organisation : le rôle d’un sélectionneur n’est-il pas, d’ores et déjà, de se renseigner sur les modalités d’hébergement en Allemagne ?

Ce serait amateur de ne pas le faire. Il faut prévoir le scénario d’une qualification et donc penser d’ores et déjà à un camp de base, mais aussi d’un éventuel hôtel à Hambourg et un transport qui se ferait vraisemblablement en train. On va recevoir sous peu des dossiers de l’UEFA, qui aide les fédérations dans ces démarches, même si la FLF aussi a beaucoup évolué de son côté ces derniers mois. Une aventure comme ça nécessiterait énormément de monde.

Votre staff serait-il forcément étoffé pour une telle aventure ?

Nous sommes une quinzaine sur un stage normal. On partirait à plus. Mais je ne suis pas partisan de dire qu’il faille beaucoup de monde non plus. Je ne voudrais pas quatre ou cinq adjoints et une flopée d’analystes. Pour le moment, on a un analyste et deux ou trois personnes de confiance que je peux envoyer «scouter» les adversaires. Je veux travailler dans la confiance!

Pas mal de coaches de clubs passent des coups de fil aux sélectionneurs pour réclamer des aménagements quand ils estiment que leur joueur, payé par leurs dirigeants, doit revenir frais et dispos. Vous qui n’aurez aucune marge avant la Géorgie, envisagez-vous de leur rendre la pareille en demandant un traitement de faveur vu l’importance de ce match ?

C’est vrai que le match contre les Géorgiens est jeudi et que certains garçons joueront peut-être encore le dimanche, quatre jours plus tôt… Mais non, je ne passerais pas de coups de fil. Il faut respecter le fait que dans les clubs, la pression sur les coaches est énorme. Je me refuse à leur demander de ménager mes joueurs.

Avez-vous reçu beaucoup de messages après votre prolongation ?

Un paquet. Et chacun m’a touché. Ça fait du bien de voir que des gens sont derrière toi, qu’ils t’apprécient! Ceux-là me confirment que j’ai fait le bon choix en restant, tandis que ce que peuvent dire mes détracteurs, cela, c’est une motivation!