Mock Media
Mock Media II
Sorti le 17 novembre
Label Meat Machine
Genre rock
Un petit test s’impose : d’abord, fermez les yeux. Non, rouvrez-les afin de lancer un album des Clash, de préférence Sandinista! ou le suivant, Combat Rock. Ça y est? Bon, maintenant que les voix de Joe Strummer et ses acolytes sont gravées en mémoire, lancez le nouvel album de Mock Media, en insistant notamment sur les titres Louis Won’t Break, Rambo, Madness ou encore The Weight is On. D’emblée, la ressemblance frappe à l’oreille, avec cette impression de repartir à Londres au début des années 1980, quand le punk-rock nerveux s’attendrissait au contact de mélodies, de cuivres et d’accents universalistes. Mais il y a aussi (et surtout) ces voix qui se mêlent à l’envi, un véritable atout pour leur son et pour cette étonnante parenté avec le légendaire groupe anglais.
Mais restreindre Mock Media à cette flatteuse filiation serait réducteur. Il y a bien plus dans ce groupe. C’est d’ailleurs pourquoi on le qualifie de «supergroupe», en tout cas au Canada et pas au-delà de la scène dite «underground» d’où est issu ce quatuor. Ainsi, Garnet Aronyk vient du collectif Crack Cloud, Bennett Smith de son ersatz N0V3L, Austin Boylan de Pottery et Evan Aesen des encore moins connus Painted Fruits. Quatre potes qui se connaissent depuis petits, tous originaires de Vernon (en Colombie-Britannique), petite ville agricole entourée de lacs bleus et de chaînes de montagnes. Un isolement et une vie saine qui, indique Bandcamp, ont naturellement suscité chez eux «une soif d’aventure et un esprit de bricolage» dans le pur esprit DIY (Do It Yourself).
C’est donc loin des rocheuses natales que les quatre garçons se sont émancipés, d’abord sous différentes bannières et désormais ensemble, réunis comme avant, «à la vie, à la mort». C’est l’effet que donnait leur concert, donné la semaine dernière aux Rotondes, où le groupe s’échangeait volontiers la basse et les guitares, dans un esprit de franche camaraderie. Cinq jours avant venait de sortir leur second album, sobrement intitulé Mock Media II. Mais derrière l’appellation banale se cachent dix titres qui partent dans tous les sens, à l’éclectisme décoiffant : sur une base rock sous tension s’enchaînent en effet les styles et humeurs : post-punk, country, pop, électronique et musique folklorique sans frontières.
Oui, il y a également du Talking Heads (période Fear of Music) dans ce que propose aujourd’hui Mock Media, décidément à des années-lumière de son premier disque en 2019, certes prometteur mais d’une moindre qualité en termes de production. Ce n’est donc pas le cas de celui-ci, rafraîchissant à souhait, mais aussi dansant avec ses rythmes percutants et sa folie communicative. En un mot, accrocheur. Mais la joie qu’essaye de propager le groupe cache toutefois, en son creux, une profonde tristesse à la vue d’un monde qui s’effiloche. Les paroles en témoignent, avec des histoires avançant dans les coins les plus sombres de l’humanité.
On y parle ainsi des camps de prisonniers de guerre au Japon, de la mafia, des sectes ou de la prison, mais avec le sourire et parfois sur un air de flûte (Rambo). «Il s’agit d’une réflexion sur la manière de comprendre la violence et le chaos dans les différents coins du monde, sans se laisser envahir par le nihilisme», confie l’un d’eux, rapidement prolongé par l’un de ses camarades de jeu : «On est toujours au bord du gouffre et on peut toucher le fond assez rapidement. Mais on peut aussi persévérer». Une éthique de vie qui, chez Mock Media, se matérialise par une énergie de tous les instants et une envie cathartique de n’en faire qu’à sa tête. Grand bien leur en a pris. Les temps l’exigent.