La Banque centrale européenne (BCE) devrait laisser ses taux inchangés jeudi lors d’une réunion délocalisée à Athènes, une première après dix hausses d’affilée, l’inflation en net recul en zone euro ne lui laissant guère d’autre choix.
En septembre, la BCE avait de nouveau relevé tous ses taux directeurs au terme d’une discussion serrée jusqu’au bout, sur fond d’économie souffrant du prix élevé du loyer de l’argent et d’inflation marquant un repli.
Le principal taux directeur rémunérant les dépôts, référence pour le crédit en zone euro, a été porté à son niveau historiquement haut de 4 %.
Mais il n’y a peu de doute que les gardiens de l’euro, quittant pour l’occasion leur tour de verre francfortoise, vont cette fois décider le statu quo sur leur arme principale de lutte contre l’inflation élevée, selon les économistes.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a certes refusé de dire en septembre si le « pic » avait été atteint dans cette trajectoire de hausse des taux sans précédent, enclenchée en juillet 2022.
Mais elle a laissé entendre que le cycle touchait à sa fin. Le niveau des taux est désormais tel que, « maintenus pendant une période suffisamment longue », ils contribueront « de manière décisive » au retour « le plus tôt » possible de l’inflation à l’objectif de 2 %, a réitéré la Française dans une récente interview.
Le risque Proche-Orient
Les données économiques publiées ces dernières semaines plaident pour laisser les taux inchangés, avec une activité faible qui pointe vers une contraction du produit intérieur brut de la zone euro au troisième trimestre.
L’inflation a de son côté surpris à la baisse, passant de 5,2 % en août à 4,3 % en septembre, en glissement annuel, pour revenir à son niveau d’octobre 2021.
L’agrégat a été plus que divisé par plus de deux depuis le record de 10,6 % en octobre 2022, quand les effets de la guerre en Ukraine sur les prix du gaz et du pétrole se faisaient sentir à plein.
Preuve que les effets des hausses de taux, qui renchérissent le coût du crédit pour les ménages et les entreprises, se transmettent progressivement à l’activité économique.
Cependant, « les risques de regain d’inflation demeurent et ont augmenté » en raison de la crise au Proche-Orient qui poussent déjà les prix du pétrole et du gaz à la hausse, note Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste à la KfW. La question des hausses futures de salaires susceptibles d’alimenter l’inflation est aussi primordiale.
Une autre raison de ne pas en rajouter sur les taux : la forte hausse des rendements obligataires qui participe au durcissement des conditions financières pour l’économie.
Christine Lagarde pourrait profiter de l’occasion pour exhorter les États à adopter une politique budgétaire plus stricte, afin d’aider à la baisse des taux d’intérêt et alléger les tensions sur les rendements des obligations souveraines, notamment sur l’emprunt italien.
De la pause au plateau
Avec toutes les nouvelles incertitudes sur la table, « il n’y a pas eu de meilleur moment au cours des seize derniers mois pour que la BCE marque une pause » jeudi, résume Carsten Brzeski, économiste chez ING.
La communication d’octobre de la BCE restera cependant « axée sur la nécessité de maintenir des taux élevés pendant une longue période », résume Fabio Balboni, économiste chez HSBC.
Cela signifie que Christine Lagarde laissera « ouverte l’option de futures nouvelles hausses de taux », croit Jack Allen-Reynolds, chez Capital Economics.
L’institution pourra préciser ses intentions lors de sa réunion de décembre, en fonction des derniers chiffres d’inflation et d’un nouveau jeu de projections économiques prolongé à l’horizon 2026.
Si l’inflation poursuit lentement son recul, la « pause » pourrait alors se transformer en « plateau », selon l’expression naissante chez des économistes, avec une première baisse des taux attendue au plus tôt dans la seconde moitié de 2024.