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Politique : «Député, c’est un CDD de cinq ans»


La séance d’assermentation est un moment solennel. Les députés savent que le mandat peut leur échapper au bout de cinq ans. 

Après les élections, certains députés non réélus doivent penser à leur avenir professionnel, que ce soit dans le secteur public ou privé. Les autres peuvent prétendre à une retraite.

Avec l’ancienne cité inca de Machu Picchu comme toile de fond, Dan Kersch pose avec son épouse, Dany Hardt, sur un tendre cliché qu’il offre à la communauté Facebook. L’ancien ministre et ancien député savoure une retraite forcée après son échec aux élections législatives. Il avait d’ailleurs annoncé, dès le lendemain du scrutin, la fin de sa carrière politique à l’aube de ses 62 ans qu’il fêtera le 3 décembre prochain. «Il n’a pas vraiment participé à la campagne électorale», murmurait une petite voix lors de la soirée du 8 octobre au Melusina, où le LSAP avait établi son quartier général.

Comme lui, d’autres députés vont quitter le Parlement pour apprécier leur retraite s’ils ont atteint l’âge légal, mais pour d’autres, ce sera le retour à la vie active. Parmi ceux qui peuvent prétendre à «une pension bien méritée», selon la formule consacrée, il n’y a pas que Dan Kersch dans les rangs du LSAP. À 67 ans, Cécile Hemmen n’a pas été réélue dans la circonscription Centre. L’ancienne bourgmestre de Weiler-la-Tour, journaliste radio et télé et communicante de profession, a perdu son siège à 80 voix près au profit de la jeune Claire Delcourt, 29 ans, membre du LSAP depuis 2016 et biologiste auprès de la police judiciaire.

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Cécile Hemmen, coprésidente de la circonscription Centre du parti socialiste, encaisse plutôt bien son résultat personnel, tout en se disant «profondément triste» pour son parti.  «Je ne peux pas prendre une retraite politique complète dans la mesure où je vais accompagner le passage de flambeau à Claire Delcourt qui va me succéder à la tête de la circonscription», nous déclare-t-elle. «Je vais rester présente à ses côtés et je continue la présidence de ma section locale de Weiler-la-Tour en plus de soutenir le parti partout où je le peux», poursuit-elle. «En tant qu’ancienne, j’ai certaines obligations morales envers les jeunes», ajoute encore la députée qui s’apprête à consacrer plus de temps à ses petits-enfants. «J’ai aussi des activités dans des associations que j’avais reléguées au deuxième plan pendant mon mandat et je vais bien sûr suivre de près ce que va faire le prochain gouvernement, surtout dans les domaines de la santé, de l’environnement et de la mobilité», conclut-elle.

Lydia Mutsch fait également partie, à 62 ans, des députés socialistes non réélus en âge de profiter de la pension. La défaite est d’autant plus cruelle pour l’ancienne ministre de la Santé sous l’ère Juncker qu’elle avait mené une campagne très active sur les réseaux sociaux. L’ancienne bourgmestre d’Esch-sur-Alzette avait toujours été élue à la Chambre des députés depuis l’âge de 27 ans.

En revanche, il y a ceux, jeunes et moins jeunes, qui doivent accomplir encore quelques années avant la retraite. C’est le cas de Simone Asselborn-Bintz, 57 ans, éducatrice diplômée auprès de la commune d’Esch-sur-Alzette, mais toujours à la tête de la commune de Sanem et qui, à ce titre, peut profiter d’un congé politique. Reste Carlo Weber, 57 ans également, conseiller communal de Winkrange et ancien ouvrier des Ponts & Chaussées, actif dans le monde associatif et sportif et futur jeune retraité.

Puis, il y a le cas du président du groupe parlementaire socialiste, Yves Cruchten, qui, comme tous les autres présidents de fraction de la majorité, n’a pas été réélu. Il doit retrouver un poste de secrétaire communal, à moins que Jean Asselborn, en âge de prendre sa retraite, lui cède sa place.

Digérer la défaite

Du côté des verts, ils sont plus nombreux à quitter les rangs de la Chambre des députés après la débâcle qu’ils ont connue le 8 octobre. Il y a d’abord Josée Lorsché, présidente de fraction, toujours «sous le choc», dix jours plus tard. «C’est difficile de décrire ce que l’on vit actuellement», confie-t-elle. Pour l’instant, ce n’est pas à son avenir qu’elle pense en premier lieu, mais à celui des collaborateurs de la fraction, qui redevient une sensibilité politique de quatre députés avec beaucoup moins de moyens financiers à sa disposition.

«J’espère que les gens ont au moins compris que nous avions travaillé d’arrache-pied et, en ce qui me concerne, je vais continuer le travail dans ma commune», déclare l’échevine de Bettembourg. «J’ai 62 ans, je peux travailler jusqu’à 65 ans, mais je dois m’informer à cause de mon congé politique à la commune et il n’est pas facile d’obtenir une place avec le peu d’heures qu’il me reste», poursuit Josée Lorsché qui doit d’abord «digérer» la défaite.  Elle envisage de se consacrer pleinement à sa fonction d’échevine. «C’est la commune de Bettembourg qui compte ainsi que ma famille. Je ne pense pas retravailler jusqu’à 65 ans», confie l’institutrice de métier, membre du parti écolo depuis 1984.

Pour François Benoy, le retour à la vie active est inéluctable. «Je viens d’avoir un rendez-vous chez mon ancien employeur», nous annonce l’ancien coordinateur de l’ASBL Natur&Ëmwelt (La Maison de la nature à Kockelscheuer). «Pour moi, il était clair qu’il s’agissait d’un mandat et que cela pouvait capoter», déclare le député qui dit s’être préparé à ne plus disposer de ce mandat. «Mon engagement chez les verts continue, je suis membre depuis plus de dix ans et je siège au conseil communal de Luxembourg, où nous avons eu un bon résultat en comparaison avec la moyenne nationale des dernières élections communales», rappelle-t-il. «Une chose est sûre, je ne vais pas entrer au conseil d’administration d’une banque!», lâche-t-il non sans humour en envoyant une pique au passage à Luc Frieden qui avait opté pour cette voie après les élections de 2013.

«Je continue dans la protection de la nature et du climat et je compte profiter pendant quelques mois de mes enfants de 6 et 8 ans», confie François Benoy, un des rares employés privés de la Chambre des députés qui bénéficiait, comme ses pairs, d’un congé politique de vingt heures. «C’est un peu injuste parce que ceux qui travaillent dans le secteur public disposent de six mois pour prendre une décision, alors que moi, j’ai une semaine pour faire un choix», explique-t-il.

Les indécis

La nouvelle Chambre sera installée le 23 octobre, François Benoy reprendra officiellement son travail le 1er novembre. De son côté, la jeune Djuna Bernard, 31 ans, employée privée elle aussi, n’a pas encore de «réponse définitive» à la question concernant son avenir professionnel. Avant de rejoindre la Chambre des députés en 2018, elle était directrice du département jeunesse de la fondation Elisabeth. «Je vais retourner dans le secteur social, enfance et jeunesse et je suis en train de voir avec mon employeur dans quelle fonction exactement», conclut la députée sortante qui, pour l’instant, s’octroie «deux jours de pause».

Quant au CSV, la question ne se pose pas. Ceux qui n’ont pas été réélus directement sont dores et déjà assurés d’être repêchés, comme Laurent Mosar ou encore Jean-Paul Schaaf.

Les autres députés non réélus sont en majorité issus de la fonction publique et ceux qui ne prennent pas leur retraite professionnelle vont y retourner. Les autres reprendront leurs activités, comme l’avocat Pim Knaff (DP), le pharmacien Marc Hansen (déi gréng) ou la commerçante Tess Burton (LSAP). Comme le dit très bien Cécile Hemmen, «le mandat de député n’est qu’un CDD de cinq ans».

Congé politique et salaires

Le mandat de parlementaire est incompatible avec une fonction dans le secteur public. Les députés sont libérés de leur activité habituelle et perçoivent 66 % de leur ancien salaire.

Les employés privés continuent à percevoir leur salaire et sont libérés pendant 86,5 heures par mois de leur travail (congé politique). Leur employeur est compensé à hauteur maximale de 5 284,64 euros par mois.

Pendant l’exercice de leur mandat, les indépendants et les personnes sans profession reçoivent une indemnité (congé politique) mensuelle allant jusqu’à 5 284,64 euros également. Toutes ces sommes sont des montants bruts. Les cotisations sociales et les impôts sont perçus uniquement sur 50 % du salaire brut.

Si un député n’est pas réélu ou démissionne, il perçoit son salaire pendant encore trois mois.