La France se prépare mardi à commencer à évacuer dans la journée ses ressortissants au Niger, où un putsch a renversé le président Mohamed Bazoum, tandis que le Burkina Faso et le Mali, pays voisins également dirigés par des militaires, ont mis en garde contre toute intervention armée.
« Face à la dégradation de la situation sécuritaire au Niger, et profitant du calme relatif dans Niamey, une opération d’évacuation par voie aérienne est en cours de préparation », a écrit mardi l’ambassade de France aux Français du Niger, soulignant qu’elle fait l’objet « d’une coordination avec les forces nigériennes ».
« Cette évacuation débutera dès aujourd’hui », a précisé le ministère des Affaires étrangères, ajoutant que la France pourrait évacuer également « des ressortissants européens qui souhaiteraient quitter le pays ».
Il justifie cette décision par les « violences qui ont eu lieu contre notre ambassade avant-hier et la fermeture de l’espace aérien qui laisse nos compatriotes sans possibilité de quitter le pays par leurs propres moyens ».
Quelque 600 Français se trouvent actuellement au Niger. Le gouvernement français n’était pas en mesure de dire si l’opération se déroulerait sur plusieurs jours, ne sachant pas encore combien de ressortissants souhaitaient partir du pays.
L’évacuation va se dérouler sur une base du volontariat, et via des petits avions de transport de personnels, semblables à des avions de ligne mais appartenant à l’armée, a indiqué une source informée de l’opération. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’avions de transport de troupe de type A400M.
Le ministre italien des Affaires étrangères a annoncé avoir affrété un avion spécial pour ses ressortissants souhaitant quitter le pays.
A Niamey, les rues sont désertes mardi en raison d’une pluie battante, ont constaté des journalistes.
Plusieurs Français ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas quitter pour le moment le Niger. « Pour l’instant, je reste ! », indiquait par message l’un d’eux, anonymement car tenu au silence par l’organisation humanitaire pour laquelle il travaille.
D’autres, en mission ponctuelle au Niger, sont déjà en train de faire leurs valises. Beaucoup de ressortissants résidents permanents au Niger sont également en dehors du territoire, notamment ceux avec enfants, en cette période de vacances scolaires.
« Déclaration de guerre »
La France, ex-puissance coloniale dans la région et soutien indéfectible du président Bazoum, apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui l’ont renversé.
Ils l’ont accusée lundi de vouloir « intervenir militairement », ce qu’a démenti la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna.
« C’est faux », a-t-elle déclaré sur la chaîne BFMTV. « Il faut démonter les intox et ne pas tomber dans le panneau », a-t-elle également déclaré à propos des slogans anti-français qui ont notamment fleuri lors d’une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey dimanche.
Des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont voulu entrer dans l’ambassade, avant d’être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes.
Les putschistes nigériens ont affirmé que les tirs de gaz lacrymogène avaient fait « six blessés, pris en charge par les hôpitaux » de la capitale.
Le président français Emmanuel Macron avait menacé dimanche de répliquer « de manière immédiate et intraitable » à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger.
Lundi soir, Ouagadougou et Bamako ont affirmé que toute intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum serait considérée « comme une déclaration de guerre » à leurs deux pays et « entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger ».
Lutte anti-jihadiste
Ils ont ajouté, dans un communiqué commun, qu’ils « refusent d’appliquer » les « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériennes » décidées par la Cédéao à Abuja.
Cette mise en garde survient au lendemain de la menace d’usage de « la force » proférée par les dirigeants ouest-africains, soutenus par leurs partenaires occidentaux, dont la France.
Dimanche, les dirigeants de la Cédéao réunis à Abuja ont fixé un ultimatum d’une semaine à la junte militaire au Niger pour un « retour complet à l’ordre constitutionnel », affirmant ne pas exclure un « recours à la force » si ce n’était pas le cas.
Ils ont également décidé de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses États membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d’État.
Les pressions pour pousser les auteurs du coup d’État du 26 juillet à rétablir rapidement « l’ordre constitutionnel » s’accumulent, venant de l’ensemble des partenaires occidentaux et africains du Niger, pays jugé essentiel dans la lutte contre les groupes jihadistes qui ravagent certaines parties des pays du Sahel depuis des années.
La France et les Etats-Unis, notamment, y déploient respectivement 1.500 et 1.100 soldats qui participent à la lutte anti-jihadiste.
Le dirigeant tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, dont le pays n’est pas membre de la Cédéao mais qui a participé à la réunion au Nigeria de l’organisation ouest-africaine, s’est ensuite rendu à Niamey où il s’est entretenu avec Mohamed Bazoum, retenu depuis le 26 juillet dans sa résidence présidentielle, et avec le général Abdourahamane Tiani, le chef de la junte.
Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde, en dépit de ses ressources en uranium. Miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à Al-Qaïda, il est le troisième pays de la région à subir un coup d’État depuis 2020 après le Mali et le Burkina Faso.