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[Gardiens de la nature] Le diplomate de l’écologie


Pour Tom Van den Bossche, beaucoup de frictions pourraient être évitées avec davantage de communication. (photos DR)

En tant que conseiller agricole écologique, Tom Van den Bossche (Oekozenter Paffendal) fait le lien entre les exploitants et les administrations, deux univers qui ont parfois du mal à se comprendre.

Depuis son bureau à l’Oekozenter Pafendall, Tom Van den Bossche occupe une position atypique, mais particulièrement intéressante. Conseiller agricole écologique, il est employé à la fois par le Mouvement Écologique (Méco) et les Landjugend a Jongbaueren (l’organisation des jeunes agriculteurs). A priori, cette association étonne, mais cela fait 35 ans que cette collaboration fonctionne.

«Mon rôle est de faire le lien entre ceux qui s’investissent dans la protection de la nature et de l’environnement d’une part, et les jeunes agriculteurs d’autre part, explique le conseiller. C’est un endroit rare, où se rencontrent deux catégories de personnes qui n’ont pas l’habitude d’échanger. Ma mission est d’aider à passer outre les barrières, pour que l’on puisse combiner les pratiques agricoles avec la protection de la nature.»

Si, dans sa position, il doit faire preuve de tact et de diplomatie, Tom Van den Bossche défend aussi avec conviction les agriculteurs qui prennent de plus en plus conscience de la nécessité d’intégrer de nouvelles pratiques. «Les jeunes sont vraiment ouverts, sûrement plus que la génération qui les précédait. Non seulement ils sont mieux formés parce que les écoles évoquent maintenant les questions de la protection de l’environnement et du changement climatique, mais aussi parce qu’ils peuvent constater eux-mêmes les effets du réchauffement. Ils savent bien qu’ils ne pourront pas continuer à travailler comme le faisaient leurs parents et qu’ils vont devoir s’adapter.»

Le conseiller regrette souvent qu’ils soient un peu facilement montrés du doigt. «On les présente comme les mauvais élèves, mais ils n’ont jamais utilisé aussi peu d’herbicides, de pesticides ou de fertilisants. Il reste du travail à faire, bien sûr, les efforts ne sont pas suffisants, mais ils existent. Depuis 20 ans, ce secteur est l’un des seuls qui ait diminué ses émissions de CO2

Le travail de Tom Van den Bossche consiste donc à tisser des liens entre deux mondes qui ont parfois du mal à échanger, mais qui, pourtant, sont de plus en plus mis en relation. Dans les zones à haute valeur biologique, par exemple, le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable incite les agriculteurs à signer des contrats de biodiversité. En changeant leurs pratiques, ils peuvent ainsi toucher des subventions. «Mais les exploitants n’ont pas beaucoup de retours de la part des scientifiques, le monitoring des espèces protégées n’est pas suffisamment expliqué. C’est dommage parce que les agriculteurs en viennent à se demander si ce qu’ils font est réellement utile. Il faut respecter leurs efforts, d’autant que les subventions permettent à peine de compenser les baisses de rendement.»

Les agriculteurs se heurtent aussi régulièrement à la rigidité de la législation. Certains usages, par exemple, sont interdits chaque année, à partir d’une date fixe, sans que soit prise en compte la météo. Autre cas de figure, des sols peuvent très vite changer de statut et imposer de nouvelles contraintes drastiques. «Bien sûr qu’il faut protéger ces endroits, notamment les zones autours des sources d’eau potable, mais des classements ont été décrétés avant que l’on mette en place des structures de conseil, regrette Tom Van den Bossche. On a dit à des exploitants qu’ils devaient changer leur façon de travailler d’une année sur l’autre, sans leur expliquer comment y parvenir. Trop peu a été préparé en amont pour les aider, c’est un gros problème. Autour du lac de la Haute-Sûre, des agriculteurs avaient jusqu’à 80 % de leurs terres concernées par un reclassement.»

Au-delà des querelles idéologiques, il apparaît au conseiller écologique que les difficultés entre agriculteurs et protecteurs de l’environnement relèvent surtout d’un manque de communication. La rupture entre le pragmatisme terrien des uns et le jusqu’au-boutisme environnemental des autres est, selon Tom Van den Bossche, une vision simpliste qui n’illustre que très imparfaitement la réalité.

Les messages doivent également se fluidifier et s’harmoniser au sein même des différents services de l’État. «Pour construire un nouveau bâtiment agricole, il faut parfois l’accord de trois administrations différentes dont les avis se contredisent souvent, souligne le conseiller. Avec un conseil intégré et un guichet unique, nous gagnerions beaucoup de temps et d’énergie.»

L’an dernier, plus d’une centaine d’agriculteurs ont répondu à un grand questionnaire qui leur a permis de mettre en avant les points de blocage entre leur vision du métier et la transition écologique. Un catalogue recensant leurs propositions a ensuite été remis aux ministres Joëlle Welfring (Environnement, Climat et Développement durable) et Claude Haagen (Agriculture, Viticulture et Développement rural). Une preuve que la volonté de dialogue existe bel et bien.

La question Où en est l’agriculture bio au Luxembourg ?

Elle est toujours très marginale et ne représente que 5 % des surfaces, une proportion qui stagne. Problème : l’Union européenne a un plan qui prévoit que chaque pays membre atteigne les 30 % d’ici 2030. On peut donc prédire sans prendre trop de risques que le Grand-Duché n’y parviendra pas.

Un secteur, pourtant, connaît une importante croissance des surfaces converties : la viticulture. En 10 ans, la Moselle (3 000 hectares de vignes en tout) est passée de 24 hectares bio (2013) à 63,7 (2023). Et la dynamique promet de s’accélérer encore puisque les surfaces en cours de conversion sont passées de 11,4 hectares (2013) à 107,7 cette année.
«Il est plus simple de convertir une exploitation en monoculture, comme la vigne, qu’une exploitation qui intègre plusieurs productions différentes, relève Tom Van den Bossche. Chaque type de culture ou d’élevage nécessite la mise en place d’un processus différent, c’est loin d’être simple…»

Carte d’identité

Nom : Tom Van den Bossche
Âge : 26 ans
Poste : Conseiller agricole écologique à l’Oekozenter Pafendall
Profil : Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur agricole à Gembloux (Belgique), Tom Van den Bossche a été directement embauché à l’Oekozenter.