« Ni stigmatisation, ni instrumentalisation » jure le ministre délégué aux Comptes publics: Gabriel Attal a dévoilé lundi les mesures de son plan contre la fraude sociale, visant à doubler les redressements d’ici à 2027.
Trois semaines après un premier plan centré sur la lutte contre la fraude fiscale, et au moment où les comptes français sont scrutés par les agences de notation, le gouvernement veut aller piocher dans toutes les poches de fraude.
« Notre volonté est de regarder où sont les situations de fraude et y répondre, sans stigmatisation, sans instrumentalisation », a affirmé lundi le ministre à des journalistes, et « de n’être ni dans le déni d’une grande partie de la gauche ni dans les mensonges d’une grande partie de l’extrême droite ».
Très difficile à évaluer, la fraude sociale représente un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros. Rien que pour les prestations sociales, celle-ci est évaluée entre 6 et 8 milliards d’euros par an selon la Cour des comptes.
Trois milliards par an
Le ministre se donne dix ans pour mener le chantier de la fraude sociale, avec une première étape en 2027: « deux fois plus de résultats qu’en 2022 », soit un objectif de trois milliards d’euros de redressement par an, a affirmé M. Attal, rappelant que ces redressements ont déjà augmenté de 35% depuis cinq ans.
Il promet pour cela la création de mille postes supplémentaires durant ce quinquennat et un investissement d’un milliard d’euros dans les systèmes d’informations. Concernant les mesures, le ministre a dressé un long inventaire à plus ou moins brèves échéances.
Parmi les annonces symboliques, le gouvernement réfléchit à une fusion entre la carte Vitale et la carte d’identité afin de lutter contre le prêt et la location de carte Vitale pour profiter de soins gratuits.
« On peut imaginer un modèle où, à compter d’une certaine date, quand vous refaites votre carte d’identité cela devient automatiquement votre carte Vitale », a déclaré le ministre, ajoutant qu’une mission de préfiguration serait lancée d’ici à l’été et pourrait parvenir à des conclusions d’ici à la fin de l’année. Au passage, l’idée d’une carte Vitale biométrique semble abandonnée, notamment compte tenu de son coût.
Conditions de résidence
Le gouvernement veut aussi cibler les retraités vivant hors des frontières européennes afin de mieux identifier ceux qui sont décédés mais continuent à percevoir des allocations.
Cette annonce fait suite à une expérimentation menée depuis septembre en Algérie, au cours de laquelle 300 dossiers de retraités « quasi-centenaires » sur 1.000 dossiers étudiés ont été déclarés non conformes, a affirmé le ministre qui a rappelé que plus d’un million de pensions étaient versées à l’étranger, dont la moitié hors d’Europe et 300.000 en Algérie. L’élargissement de la mesure viserait les retraités de plus de 85 ans.
Egalement en lien avec l’étranger, M. Attal veut « renforcer » les conditions de résidence en France « pour bénéficier d’allocations sociales ». Il faudra désormais passer neuf mois de l’année dans le pays, contre six prévus actuellement, pour bénéficier des allocations familiales ou du minimum vieillesse, indique le ministre. De même pour les aides au logement (APL) qui ne nécessitent que huit mois de présence pour l’heure.
Concernant la fraude aux cotisations des employeurs, Gabriel Attal entend augmenter les moyens des Urssaf pour limiter la fraude, à travers des embauches et un meilleur croisement des données.
En outre, le plan prévoit le paiement à la source des cotisations des micro-entrepreneurs par les plateformes qui les font travailler, à l’instar de Uber ou Deliveroo, car un certain nombre sous-déclarent, ce qui représente selon le ministre « une bombe sociale à retardement » dans la mesure où ils ne cotisent pas assez.