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Arnaque aux diamants : «Les fonds placés ont été dilapidés pour un usage privé»


Selon l’enquête, 4,4 millions d’euros, soit 19 % des dépenses de RBH, ont été remboursés aux investisseurs. (photo archives LQ)

L’argent des souscripteurs aurait servi à couvrir les frais du principal prévenu, les enquêteurs en sont convaincus. Le seul diamant dont ils ont retrouvé la trace était en verre.

Plus de deux cents personnes ont confié leurs économies à l’entreprise Rawstone Business Holding (RBH) pour des emprunts obligataires rémunérés à 9,9 %. L’offre était alléchante, mais ces victimes présumées n’ont jamais revu la couleur de leur argent. Certaines ont été ruinées pour avoir fait confiance à un soi-disant diamantaire, accusé dans l’affaire d’escroquerie traitée cette semaine par la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Emmanuel Abramczyk, un ancien forain décédé en janvier dernier, aurait amassé plus de 25 millions d’euros au total. Une manne qui aurait, entre autres, profité à son épouse, sa maîtresse ainsi qu’à un ami. Ils sont notamment suspectés d’avoir occupé des emplois fictifs au sein de la société rémunérée grâce à l’argent des investisseurs. «Les entrées de fonds ont servi à couvrir leurs frais et pas au commerce de diamants», a noté un des enquêteurs de la police judiciaire. «Nous n’avons pas trouvé une seule facture d’achat ou de taillage de diamants.»

Aucun diamant n’a d’ailleurs été retrouvé. Sauf un, en verre. Le policier doute qu’il n’y en ait jamais eu d’autre. «Monsieur Abramczyk est devenu diamantaire en une nuit», lance-t-il. La première souscription remonte au 18 octobre 2012 et la dernière au 24 avril 2018. Les sommes versées par les investisseurs allaient de 50 000 à 500 000 euros. «Le total des intérêts à payer était de 5,4 millions d’euros. 31,3 millions d’euros auraient donc dû être remboursés aux investisseurs», a calculé un deuxième enquêteur qui a épluché les comptes de la société RBH. En parallèle, une société nommée Applestone aurait été créée dans le but d’émettre des obligations pour acheter des terrains.

Les recherches de la police n’ont pas permis de retrouver les diamants malgré les affirmations du défunt qui «nous a dit avoir un stock couvrant deux à trois fois les investissements», a indiqué le policier. Selon l’enquête, 4,4 millions d’euros, soit 19 % des dépenses de RBH, ont été remboursés aux investisseurs. Les dépenses restantes de la société seraient composées de retraits en espèces (12 %), ainsi que de frais de fonctionnement de la société, de loyers, de rémunérations des apporteurs d’affaires, d’injections de capital dans des sociétés appartenant aux prévenus, de voitures ou encore de voyages et autres achats de luxe pour les différents protagonistes de l’affaire. Des œuvres de Gustav Klimt et de Romero Britto ont notamment été saisis lors des perquisitions. Il apparaît que les malfrats menaient grand train. Pourtant, sur les quarante montres de luxe saisies par la police, seules deux n’étaient pas des contrefaçons.

Un diamant était en toc

Tout, jusqu’aux frais de nettoyage de l’appartement de la maîtresse du défunt, paraît suspect, selon le policier qui a analysé en détail la comptabilité de RBH. Les enquêteurs sont persuadés que les protagonistes de l’affaire encore en vie ont «pleinement profité des fonds souscrits» en toute connaissance de cause. «L’argent a été utilisé pour couvrir les besoins personnels d’Abramczyk», a conclu le deuxième enquêteur. «Nous avons constaté une confusion de patrimoine au niveau de ses différentes sociétés, des bilans publiés en retard» ainsi que des faux.

La curatrice de la faillite confirme cette hypothèse : «Les fonds placés ont été dilapidés pour un usage privé. Vers mars 2018, un an avant la faillite de RBH, ils n’arrivaient plus à rembourser.» Dans son inventaire, elle n’a, elle non plus, pas retrouvé de diamants.

Les quatre prévenus – ils étaient cinq, mais l’affaire a été disjointe pour l’un d’entre eux – doivent notamment répondre d’escroquerie, de blanchiment, d’abus de confiance, de faux et usage de faux, ainsi que d’infraction à la loi sur l’accès aux professions. L’ancienne épouse du défunt était engagée comme assistante administrative et responsable des ressources humaines au sein de la société RBH, la maîtresse en tant que marketing manager et l’ami devait s’occuper des relations publiques. Reste un homme employé comme garde du corps. Tous tombent des nues et disent ne pas s’être doutés de la provenance de l’argent dont ils auraient bénéficié.

L’arnaque était montée sur le système de Ponzi. Il consiste à prendre des sommes appartenant à un investisseur pour payer de faux rendements à d’autres investisseurs ou simplement pour rembourser les investisseurs qui veulent récupérer leur argent. «Les victimes présumées ont été attirées par les taux d’intérêts importants», précisent les enquêteurs. «Le système n’a rien de sophistiqué. Il faut juste en avoir l’idée.»