L’album choisi par Le Quotidien cette semaine est celui d’Adi Oasis « Lotus Glow » qui est sorti le 3 mars sur le label Unity Records.
Sur les différentes photos que l’on peut trouver d’elle, il est difficile de la retrouver seule. À ses côtés, toujours, portée en bandoulière ou tenue d’une main avec fierté, il y a cette basse, incontournable, son bouclier, sa force, sa puissance. Un prolongement d’elle-même qui devient une réelle évidence à l’écoute de Lotus Glow. Après un interlude délicat, où il reste sagement en retrait, l’instrument prend alors les rênes de l’album pour ne plus jamais les lâcher. Charmeur et efficace, il distille son groove implacable sur treize chansons qui glissent comme un «slide». Sans fausse note.
Adi Oasis, musicienne et chanteuse franco-caribéenne, n’est pas une inconnue au bataillon. Ou plutôt si, sous cette appellation. Elle a en effet sorti son premier album sous le nom d’Adeline en 2018, suivi de deux autres EP (en 2020 et 2021), dont un avec le single Whisper My Name, qui a fait parler de lui. Sans compter ses collaborations à l’ombre de la scène et des studios, avec Anderson .Paak, Jungle, Lee Fields, Chromeo ou Chet Faker. Mais l’heure est à l’affirmation, symbolisée par cette fleur de lotus dans laquelle elle précise s’être «épanouie», et qui l’a forgée en tant qu’artiste, ce pour quoi elle a «travaillé» toute sa vie.
Certes, les bases étaient là : cadette d’une famille mélomane, Adi Oasis démarre le chant dès son plus jeune âge, avant de s’attaquer à la guitare. Son modèle : Prince. Son univers : la soul, le R’n’B, le hip-hop et le funk, qu’elle travaille chez elle, en banlieue parisienne. Mais c’est à Brooklyn, New York, qu’elle pose ses valises à l’âge de 19 ans pour s’affirmer en tant qu’artiste. Un rêve américain qui se concrétise aujourd’hui avec ce disque de haute tenue, intelligent dans ses propos, copieux dans ses atmosphères, aussi richement arrangé qu’il est élégamment produit.
La lueur, c’est l’endroit où je poursuis ma route. C’est mon destin!
C’est qu’elle en avait des choses à dire et à faire, elle qui a traversé des tourments et des épreuves, qu’il s’agisse de grandir dans une cité parisienne ou d’être une femme noire en Amérique. «La lueur, c’est l’endroit où je poursuis ma route. C’est mon destin !», poursuit-elle dans une expression qui sonne comme un mantra. Lotus Glow est donc à voir comme une quête de légèreté et de quiétude dans un monde de brutes. Pour faire simple, mieux accepter les autres et soi-même. Mais de l’intime, le disque saute à l’universel quand il s’agit de défendre, par exemple, la cause afro-américaine ou celle des femmes de toutes les couleurs.
Ainsi, elle rend notamment hommage à l’une des sœurs Williams, star du tennis (Serena), ou s’inspire de la juge de la Cour suprême Ketanji Brown Jackson pour Red to Violet. Adi Oasis raconte donc son histoire et celle des autres dans ce chef-d’œuvre neo soul, qui sort les arguments de choc : d’abord une instrumentation de tous les diables, avec sa section de cuivres entraînante et ses chœurs envoûtants. Ensuite, un mariage entre différentes humeurs, des confidences soufflées aux explosions d’énergie. Il y a enfin cette voix qui, parfois en français dans le texte, cavale d’un style à l’autre, à cheval entre la soul, le funk et le jazz.
«J’aspire à être meilleure chanteuse, meilleure bassiste et meilleure sur scène», révèle-t-elle le plus sérieusement du monde. Avec Lotus Glow, l’artiste démontre qu’à cœur vaillant, rien d’impossible. Surtout quand on sait cultiver son jardin, ou plutôt son oasis : «Peu importe à quel point le monde qui m’entoure peut être sec, je sais où trouver une source d’eau douce et un sol fertile. C’est en moi !» Il faudra donc surveiller, ces prochains mois, sa croissance. Les racines, solidement ancrées, et la lumière désormais tout à elle promettent en tout cas une belle floraison.