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Des sculptures hyperréalistes qui font parler l’âme humaine


Les stars de l'hyperréalisme s'exposent à Paris, avec une galerie d'étranges personnages réalisés par une trentaine d'artistes internationaux.

Replets ou décharnés, joyeux ou tristes, des personnages plus vrais que nature sculptés par les maîtres de l’hyperréalisme s’exposent à Paris.

Rides, poils, ongles, muscles en tension… Pour capter le réel, les artistes ont choisi la matière en trois dimensions – bronze peint, silicone, résine polyester, plâtre… – plutôt que la très haute définition de la photographie, de la vidéo ou des nouvelles technologies contemporaines donnant l’illusion du réel. Emblématique, la vieille femme aux cheveux blancs et à l’air grave serrant dans ses bras un nouveau-né (Woman and Child), de l’Australien Sam Jinks, a investi le musée Maillol, à Paris, où se tient depuis septembre et jusqu’en mars prochain une exposition itinérante déjà présentée dans plusieurs villes européennes et à Canberra, en Australie.

Troublants de réalisme, ils voisinent avec une galerie d’étranges personnages réalisés par une trentaine d’artistes internationaux, dont Duane Hanson et Ron Mueck, stars de l’hyperréalisme, mouvement né aux États-Unis dans les années 1960. «Le corps, notre miroir, a son propre langage et communique à travers l’empathie et le vécu», dit Sam Jinks pour expliquer sa démarche. «Je suis tactile, fasciné par le corps humain, et ce que ressentent les gens et ne peux envisager de travailler autrement qu’avec mes mains», ajoute le septuagénaire américain Marc Sijan, qui présente Embrace, un couple âgé nu, assis et enlacé.

«Si les matériaux utilisés et les techniques ont beaucoup évolué depuis les débuts du mouvement, le désir reste le même : faire quelque chose qui, au-delà de la matière, apporte un peu de paix et permette de comprendre ce que veut dire être humain», ajoute Jinks.

Influence de l’Antiquité

Pionnier américain du genre, John de Andrea s’est fait connaître avec ses sculptures de femmes nues grandeur nature. «Je suis un être charnel. J’aime les choses que je peux sentir, ressentir, goûter et voir. La réalité virtuelle ne satisfait ni le cœur ni l’âme humaine, je ne la comprends pas», confesse cet octogénaire. «J’ai toujours voulu capturer la perfection et l’imperfection de mes modèles dans l’instant. J’essaie de créer une sculpture qui évoque une émotion de tristesse et de tendresse peut-être aussi», ajoute l’artiste, qui se dit «fortement influencé» par les statues grecques antiques et celles de la Renaissance.

Son American Icon est née de «(son) indignation et de (son) chagrin après la mort d’étudiants (…) qui protestaient pacifiquement contre la guerre du Vietnam», raconte-t-il. Cette sculpture, inspirée d’une photo prise dans les années 1970, représente une femme nue, à genoux, devant le corps nu et sans vie d’un jeune homme, après la répression d’une manifestation. Sur la photo, les protagonistes sont habillés.

«Écologie poétique»

Rare femme artiste de l’hyperréalisme, dès ses débuts, l’Américaine Carole Feuerman cherche à exprimer «une humanité qui touche tout le monde». Ses nageuses en maillots et bonnets de bain sont sa marque de fabrique. Elle raconte : «J’étais très malheureuse dans mon mariage, mes enfants étaient malades. J’allais souvent à la plage. Un jour, j’ai vu sortir de l’eau une femme sans bras. Elle souriait et elle était belle et fière. Alors, j’ai sculpté une nageuse qui m’inspirait la force, la résilience, c’était Catalina», exposée à Paris. «J’ai fait l’expérience de la persévérance, en essayant de conserver l’équilibre, l’honnêteté, la confiance… C’est ce que j’essaie d’exprimer avec mes sculptures. J’ai cessé de les rendre les plus réelles possible, je veux juste les faire parler», dit-elle.

Le Français Fabien Mérelle, connu pour son éléphant perché sur le dos d’un homme, affectionne les créations oniriques hybrides mêlant l’humain, l’animal, le végétal et le minéral. Cette «écologie poétique», dit ce quadragénaire, «recrée le lien entre un corps ancré dans l’urbain et le virtuel et cette nature dont nous sommes issus». Tandis que pour le Belge Jacques Verduyn, qui avait fait «scandale» dans les années 1970 en réalisant deux jeunes baigneuses à demi-nues dans leurs chaises longues, l’hyperréalisme doit exprimer «la joie de vivre qui est la vie elle-même».

«Hyperréalisme – Ceci n’est pas un corps», jusqu’au 5 mars 2023. Musée Maillol – Paris.