Il y a deux mois tout juste avait lieu la présentation politique du futur Wäinhaus, qui offrira une nouvelle dimension à l’ancien musée du Vin d’Ehnen. Aujourd’hui, voyons ce que ce projet a dans le ventre.
Cela fait près de 15 ans que la rénovation du musée du Vin d’Ehnen a été annoncée. Les ministres se sont succédé dans cet îlot de vieilles demeures, mais jusqu’à ces derniers mois, il ne s’était jamais vraiment rien passé. En fait, le lieu n’avait pratiquement pas bougé depuis le 8 septembre 1979, jour de son inauguration.
L’exposition était un catalogue de vieux objets pas inintéressants en eux-mêmes, mais indignes de ce qu’est devenue la viticulture luxembourgeoise aujourd’hui. Les artefacts étaient alignés comme les reliques sacrées dans une vieille église et si l’on n’était pas convaincu d’avance, on ne risquait pas d’être emporté par le spectacle.
Ce n’est pas la première fois qu’on l’écrit, mais, tout de même, on se demandera toujours pourquoi le pays n’a pas capitalisé plus tôt sur son identité de producteur de vin âgé de 1 800 ans au moins.
Nous montrerons en quoi la Moselle est unique
L’œnotourisme est à la mode partout, le vin véhicule une image de savoir-faire traditionnel, mais aussi d’avant-garde technologique, le tout dans un contexte où la convivialité est la source de toute chose. Du nation branding à l’état brut, qui ne nécessite même pas de storytelling alambiqué, puisque son histoire existe déjà depuis des siècles!
Mais quand les politiques font bien les choses, il faut le dire : le ministre du Tourisme, Lex Delles, a eu le grand mérite de dépasser le stade des beaux discours. Malgré la difficulté qui consiste à mettre toute la Moselle d’accord sur un même projet, enfin, le futur du Wäinhaus est aujourd’hui placé sur des rails solides.
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Eh oui, le musée du Vin est mort, vive le Wäinhaus! Car ici, les mots ont un sens. «Ce ne sera pas un musée, mais un centre d’interprétation, lancent de concert Anne-Catherine Mondloch et Alberto Manzini, respectivement responsable et conservateur, qui portent le lieu sur leurs épaules depuis de longues années. La philosophie du Wäinhaus est de donner aux visiteurs les clés pour comprendre la région et leur donner envie de l’explorer ensuite plus en profondeur… en allant rendre visite aux vignerons, par exemple!»
Exigeant et grand public
À l’image de beaucoup de musées luxembourgeois, la scénographie (réalisée par le bureau d’architecture Njoy) sera des plus modernes et intègrera toutes sortes de technologies au service du propos.
«Il y aura deux circuits bien distincts, l’un permettra d’appréhender la région dans son ensemble en évoquant sa géographie, son histoire et sa culture et l’autre s’attardera sur la viticulture luxembourgeoise avec pour double ambition de démystifier le produit Vin tout en insistant sur la typicité de la région», expliquent-ils.
Le concept, et c’est bien vu, est l’exact opposé de celui de la Cité du Vin de Bordeaux, qui joue de toute façon avec d’autres armes. L’endroit posé sur les bords de la Gironde est magnifique, absolument passionnant à visiter et il assume une portée universaliste. Depuis Bordeaux, il loue le vin comme une boisson présente sur tous les continents et explique justement ce caractère planétaire.
«Dans le Wäinhaus, nous n’expliquerons pas le vin dans sa globalité, nous montrerons ce qui caractérise la Moselle viticole, ce en quoi elle est unique.»
Ces deux parcours offriront plusieurs niveaux de lecture. Le plus visible portera sur des données générales à la lecture très accessible qui permettront de définir le cadre, tandis que, çà et là, des exemples concrets livreront des informations ancrées dans la vie des Mosellans, et particulièrement des vignerons. «Être grand public n’empêche pas de fournir des indications précises», relèvent Anne-Catherine Mondloch et Alberto Manzini.
Objectif fin 2024
Cette volonté d’expliquer sans faire peur a justifié le choix de faire revivre le passé viticole des trois maisons séculaires (lire par ailleurs) qui constituent le cadre du Wäinhaus. Les anciennes terrasses soutenues par des murs en pierres sèches seront replantées de vignes qui apporteront la preuve par l’exemple.
Un niveau sera planté de cépages traditionnels luxembourgeois, l’autre de cépages étrangers et le dernier de variétés interspécifiques (les Piwis), des pieds issus de croisements naturels dotés d’une grande résistance aux maladies.
Les trois parcelles seront travaillées en bio. «Nous organiserons des ateliers selon les saisons et nous pourrons voir chaque année les différences entre les trois vignes, ce qui permettra d’observer de manière concrète leurs différences et, par exemple, les effets du changement climatique.»
Le chantier de rénovation est d’une grande complexité, mais il est enfin bien engagé, puisque les archéologues ont terminé leur précieux travail. Il faudra toutefois se montrer encore patient avant de pouvoir découvrir in situ la matérialisation de ces concepts ambitieux et enthousiasmants.
L’enveloppe enfin réaliste vouée à la transformation vertueuse des trois maisons (9,5 millions d’euros, sans compter le coût de la création de la muséographie) laisse penser que l’affaire est désormais bien en chemin. L’ouverture du Wäinhaus est prévue pour la fin 2024, autant dire qu’on a hâte!
Une nouvelle aile signée Valentini
La rénovation des trois maisons vigneronnes classées monuments nationaux et datées des XVI et XVIIIe siècles a été un véritable casse-tête pour les architectes. Avec des niveaux de sols différents, des espaces compliqués à structurer et des ouvertures adaptées aux us et coutumes de la fin du Moyen Âge, créer un ensemble cohérent et accessible aux personnes à mobilité réduite a été un défi à s’arracher les cheveux.
Bien sûr, ces travaux se font dans les règles de l’art et dans le respect dû à cet ensemble architectural rare, typiquement mosellan et bien préservé. Ainsi, avant les ouvriers, ce sont les archéologues qui sont venus étudier le bâti sous toutes ses coutures. Les travaux ont également été planifiés en collaboration avec les spécialistes de l’Institut national pour le patrimoine architectural.
C’est le bureau d’architecture Valentini HVP qui est chargé de cette transformation. On reconnaîtra aisément la patte de l’architecte mosellan dans la création de la nouvelle aile, qui formera un lien entre les maisons situées au bord de la route du Vin (maisons Schëntgen et Wellenstein) et celle qui se trouve à l’arrière (maison Kelterhaus).
Avec sa structure en bois élancée et largement vitrée (comme le Biodiversum ou la Fondation Valentini, à Remerschen), elle dénotera avec le caractère antique de ses voisines immédiates. Ce nouvel espace sera la porte d’entrée du Wäinhaus.
Un lieu de partage
À l’image du vin qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est bu en toute convivialité, le Wäinhaus sera un centre d’interprétation basé sur la culture du partage. Ainsi, dans la nouvelle aile imaginée par l’architecte François Valentini, on trouvera un bistrot et une vinothèque richement dotée. Le restaurant (50 couverts) servira comme il se doit une cuisine régionale basée sur des produits locaux.
La maison Kelterhaus, à l’arrière, a toujours accueilli de grands banquets et elle continuera à le faire. La salle voûtée du rez-de-chaussée accueillera une partie de l’exposition, mais elle sera aussi susceptible d’être aménagée pour y organiser des dégustations, par exemple.
À l’étage, une salle multifonctionnelle pourra être le théâtre de réceptions, de conférences ou de repas accueillant jusqu’à 170 personnes. Un espace catering sera d’ailleurs aménagé dans ses annexes.
Enfin, une médiathèque et une salle de lecture (Liesstuff) seront aménagées dans la maison Wellenstein. Elles rendront accessible une documentation jusque-là difficile d’accès.