Pour le parquet, «il ne s’agissait pas d’une vulgaire altercation», mais bien d’un assassinat. Reda continue d’insister : il n’a fait que se défendre et n’a jamais voulu tuer.
J’ai l’impression que vous sous-estimez votre situation», a lancé le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à Reda au début de l’audience. «Il nous semble que vous dites des contre-vérités. Les choses ne semblent pas s’être passées comme vous le dites et certaines de vos déclarations sont difficilement crédibles.» La chambre criminelle a besoin de comprendre le mobile de l’acte que le prévenu est en aveux d’avoir commis et veut lui laisser une dernière possibilité de changer ses déclarations. Une chance que Reda ne saisit pas.
L’Algérien de 37 ans est accusé de l’assassinat sanglant dans la nuit du 10 au 11 décembre 2020 d’un demandeur d’asile, comme lui, au centre de primo-accueil de Strassen. Il l’aurait attaqué au couteau dans son lit et frappé aux jambes et au visage. La plaie de 23 centimètres allant de la tempe à la lèvre supérieure aurait, selon un expert légiste, suffit à causer la mort. La manière dont elle a été infligée supposerait, selon lui, une intervention évidente.
Reda est également suspecté d’avoir blessé sa victime à la main plus tôt dans la soirée dans la chambre qu’elle occupait. Le prévenu reconnaît les premiers faits, mais il n’aurait pas blessé sa victime à la main. Mardi, il avait évoqué un accident et expliqué avoir voulu se défendre face à sa victime qui l’aurait attendu dans sa chambre armée d’un couteau. «J’ai eu peur. J’avais reçu un coup de couteau qui avait abîmé ma veste. Ma victime s’était coupé la main.»
Il n’en faudra pas plus à Reda pour conclure que sa victime était à l’origine du coup de couteau. Il se souvient s’être interposé entre sa victime et un autre Algérien quelques jours avant les faits. «Nos rapports se sont dégradés à partir de ce moment-là», indique Reda. Le président de la chambre criminelle tente une dernière perche : «Vous aviez peur de la victime et vous avez attendu qu’elle dorme pour lui régler son compte.» La victime est décédée d’un choc hémorragique à l’hôpital.
«Je vais te tuer!»
«Il ne s’agissait pas d’une vulgaire altercation», estime le substitut du procureur dans son réquisitoire. «Mais bien d’un meurtre avec préméditation, d’un assassinat.» Reda n’a pas agi en état de légitime défense ou à la suite d’une provocation, anticipe-t-il. Le magistrat cite les éléments du dossier qui tendent à le prouver : la blessure à la main, la nature offensive des blessures, l’attaque au moment de la relève des agents de sécurité, le fait que le prévenu ait dû se procurer l’arme alors que les couteaux sont interdits au centre ou encore le témoignage d’un camarade de chambrée de la victime qui accable le prévenu.
Ce témoin a déclaré aux policiers que Reda est entré une première fois dans la chambre de sa victime avant de ressortir et de revenir dix minutes plus tard armé d’un couteau en lançant en français : «Je vais te tuer!». Ce à quoi la victime lui aurait répondu : «Tu es ivre. On en parlera demain.» Puis, une fois touché : «Pourquoi as-tu fait cela?» Un témoignage qui pèse lourd dans la balance, même si le mobile du crime reste obscur.
Ce qui est normal, avance Me Elhandouz, l’avocate du prévenu. «Dans toutes ses déclarations, il a toujours dit avoir porté les coups pour blesser, pas pour donner la mort.» Il aurait d’ailleurs été anéanti en apprenant le décès de la victime, selon le policier qui la lui a annoncée. Le prévenu a «porté des coups et blessures sans intention de donner la mort. Il n’a jamais visé d’organes vitaux». Reda se serait juste défendu et il ne parlerait pas français.
Les déclarations du témoin seraient, selon l’avocate, plus que douteuses et personne ne pourrait les corroborer. Elles seraient insuffisantes pour retenir l’assassinat à l’encontre du prévenu. De même que la blessure à la main que présentait la victime. Pour Me Elhandouz, les éléments avancés par le parquet ne permettraient pas d’exclure le doute. Elle va même plus loin pour défendre le prévenu en estimant que si les témoignages des agents de sécurité sur le déroulement de la soirée sont exacts, entre l’heure des faits et l’arrivée de la police, «la victime a eu trente minutes pour se vider de son sang». Hypothétiquement, la victime aurait pu survivre et son client ne risquerait pas les 25 ans de prison requis par le substitut du procureur.
Une peine qu’elle juge «un peu lourde» étant donné l’absence d’antécédents judiciaires du prévenu. Le parquet ne s’est pas opposé à un sursis de 5 ans. Invité à s’exprimer une dernière fois, Reda, blanc comme un linge, n’a pas trouvé les mots.
Le prononcé est fixé au 24 novembre.