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Tirs mortels à Bonnevoie : « Je n’ai pas eu le temps de réfléchir »


Le prévenu jure avoir tiré en légitime défense. L’avocat de la partie civile sous-entend que le prévenu attendait un incident comme celui-là pour faire usage de son arme. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

L’ancien policier a enfin pu expliquer son geste hier matin. Il campe sur sa position et continue d’invoquer la légitime défense. La partie civile estime qu’« il voulait tirer ».

«C’était une bête de somme. Un bon policier qui faisait bien son travail», témoigne le chef du commissariat de Bonnevoie en parlant du prévenu. Le commissaire en chef, qui avait pris les rênes quatre mois avant les faits, ne s’était pas aperçu du rapport équivoque que son policier était supposé avoir avec les armes à feu et de ses remarques ambiguës. «On me l’a rapporté après les faits.» Le 11 avril 2018, un jeune policier de 22 ans blessait mortellement un automobiliste par balle lors d’un contrôle qui avait dégénéré. Inculpé d’homicide volontaire, il répond de son acte depuis deux semaines face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Si ses supérieurs semblent être tombés de haut le jour des faits, certains de ses collègues n’ont pas paru étonnés. Au-delà de la légitime défense plaidée par le prévenu et de la rapidité des faits, son comportement sur le terrain et avec ses collègues pose problème aux magistrats malgré les compliments sur son efficacité.

L’ancien policier campe sur sa version

Le jeune homme, qui n’est plus policier aujourd’hui, passe pour un «cowboy» qui aurait à tout prix voulu mettre la main sur sa victime au point de remonter dans sa voiture de police après avoir tiré sur la Mercedes pour engager une course poursuite. La Mercedes s’était échouée à quelques mètres du lieu des tirs contre un arbre de la place Léon-XIII.

Mardi matin, il a répondu avec calme et précision à la salve de questions de la présidente de la 13e chambre criminelle. L’ancien policier campe sur sa version : il n’a pas eu d’autre solution que de tirer sur la voiture pour «sauver sa vie», même s’il reconnaît que ce n’était pas la meilleure solution. «Je n’ai pas eu le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre», indique-t-il, évoquant «un réflexe». «La voiture m’a foncé dessus, j’ai dégainé mon arme, tendu mon bras et tiré trois fois.»

Il raconte posément : «Je ne voyais plus que le pare-brise de la Mercedes et un bout de capot. Je suis revenu à moi avec le bruit des douilles tombées par terre. Le monde m’a paru tout petit à ce moment-là. Le reste autour n’existait plus.» Son corps a agi, se justifie-t-il. Et il y aurait une différence entre la théorie apprise à l’école de police et la réalité quand une voiture arrive droit sur vous.

«Une bombe à retardement»

La présidente ne l’épargne pas. Elle l’interroge sur tout ce qui a été raconté par ses anciens collègues à son sujet. Le prévenu n’a pas d’explication pour tout. Il évoque l’atmosphère délétère au commissariat à son égard après les faits, reconnaît «son comportement de môme (…) pas très mature» et avoir fait «des blagues à la con» en petit comité, déplore les rumeurs et les déformations de ses anciens collègues.

Beaucoup d’éléments lus dans le dossier répressif lui auraient paru étranges. «Beaucoup de choses dites par mes collègues ne sont pas vraies. Je me demande s’il n’y a pas eu confusion sur certains éléments», assure-t-il. En gros, tous les propos qui plaident contre lui. «Je n’ai pas dit que nous étions les stars de Bonnevoie. Cela n’a aucun sens.» «Cela sent le coup monté», lance la présidente. «Vos fanfaronnades n’excluent pas le fait que vous vous soyez trouvé en situation de légitime défense. Elles peuvent cependant laisser penser que vous n’avez peur de rien et que vous avez préféré tirer plutôt que de vous mettre à l’abri.»

Le prévenu «voulait tirer».

Une impression que partage Me Bingen, qui s’est porté partie civile pour la veuve de la victime, un Néerlandais de 51 ans. Il réclame 47 000 euros pour dommages moraux et frais funéraires. L’avocat évoque la dépendance à l’alcool et aux stupéfiants de la victime. Il égrène ensuite les éléments qui tendent à prouver, selon lui, que la victime a voulu fuir et pas foncer dans la voiture de police, ainsi que ceux à charge pour le policier; qui «n’a visé exclusivement que la victime».

Si la Mercedes avait voulu lui foncer dessus, elle l’aurait fait dès la première fois, souligne-t-il. «C’est un premier indice que le prévenu aurait dû prendre en considération avant de tirer.» Il ne ressort pas de l’enquête que la victime a eu l’intention d’attenter à la vie du prévenu.

Mais le prévenu «voulait tirer». L’avocat en est persuadé. La légitime défense ne tient pas. Me Bingen cite un des anciens supérieurs du prévenu qui l’avait comparé à «une bombe à retardement» qui «attendait de pouvoir faire usage de son arme». Bombe à retardement ou jeune recrue un peu trop motivée? Cet après-midi, la représentante du parquet prendra position par rapport aux faits dans son réquisitoire. Puis ce sera au tour de la défense de s’exprimer.