Nico Hoffmann, le président de l’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC), espère que les mesures visant à freiner l’inflation seront suffisantes pour dépasser la crise. Des doléances persistent toutefois.
Les grands contours de l’accord de principe trouvé mardi par le gouvernement, les syndicats et le patronat continuent de susciter la controverse. Le manque de sélectivité sociale d’une mesure comme le plafonnement des prix de l’énergie figure parmi les principales critiques. L’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC) affirme, par la voix de son président Nico Hoffmann, «pouvoir vivre» avec le paquet «anti-inflation». Sans plus.
Comment jugez-vous, dans les grandes lignes, l’accord tripartite trouvé au bout de trois jours d’ardues négociations?
Nico Hoffmann : L’accord finalement trouvé dispose de ses forces, mais aussi de certaines faiblesses. Sachant que chaque camp a abordé ces négociations avec son propre catalogue de revendications, l’accord est passable. Dans sa globalité, nous pouvons, donc, être d’accord avec ce qui a été négocié. J’espère vraiment que les mesures prises vont nous permettre de nous en sortir.
On vous sent toutefois peu optimiste…
Nous vivons des temps très difficiles. Ce qui semble être une bonne décision aujourd’hui ne sera peut-être plus valable demain. Personne ne dispose d’une boule de cristal permettant de prédire ce qui nous attend encore. La pandémie n’est pas encore tout à fait terminée. S’y ajoute la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine, où on risque une escalade à la suite des récentes annonces de Poutine.
Pour revenir à l’accord tripartite, quelles sont les points positifs que vous souhaitez mettre en avant?
Le rétablissement intégral du mécanisme d’indexation est très positif. Le plafonnement des prix de l’énergie doit contribuer à freiner l’inflation. J’espère que cette entreprise va réussir. Il est également important pour l’ULC que l’État ait décidé de faire un effort financier pour contribuer au financement de la hausse des prix de l’énergie pour les résidents des maisons de soins ou de retraite. Le plafonnement est une bonne chose, mais il reste à savoir, après les discussions à mener avec les gestionnaires, quel sera l’apport réel de cette mesure. Et puis, il faudrait évaluer comment l’État pourrait soutenir davantage ces résidents.
Vous songez plus précisément à quoi?
Le montant moyen des pensions versées au Luxembourg tourne autour de 3 000 euros. Or nous savons que les tarifs pratiqués par les maisons de soins et de retraite sont souvent bien plus élevés. L’État pourrait concéder un effort financier plus conséquent, surtout si l’on considère que les résidents sont surtout des personnes qui ont contribué à reconstruire le Luxembourg après la Deuxième Guerre mondiale.
Le paquet anti-inflation vise aussi à soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs. Suffisamment?
La fin de la manipulation de l’index est importante pour maintenir au moins en partie le pouvoir d’achat. Le sort de milliers de personnes est aujourd’hui en jeu. Il suffit de rappeler que 25 % de la population résidente est menacée de pauvreté. Elle doit avoir la possibilité de mener une vie décente.
Comment jugez-vous le plafonnement de la hausse du prix du gaz à 15 %, ce qui représente toujours un montant assez conséquent?
En effet, il s’agit toujours d’une importante charge financière, surtout pour les ménages les plus faibles. On aurait pu se pencher sur un gel des prix au niveau actuel, sachant que les tarifs du gaz connaissent depuis de longs mois déjà de sérieuses hausses.
On oublie que la hausse des taux d’intérêt va aussi représenter un important surcoût pour les ménages
Parmi les faiblesses que vous avez mentionnées, qu’est-ce qui vous préoccupe le plus?
L’ULC maintient sa revendication de réintroduire un rabais à la pompe, qui devrait être doublé de 7,5 centimes d’euro à 15 centimes d’euro par litre, à l’image de ce que la tripartite a décidé pour le mazout. Mais visiblement, cette option n’était pas sur la table. Nous parlons beaucoup d’énergie. On oublie toutefois que la hausse des taux d’intérêt va, selon les types de prêt conclus, aussi représenter un important surcoût pour les ménages. On assiste actuellement, pratiquement de semaine en semaine, à des hausses des taux, comme encore mercredi par la Fed aux États-Unis.
D’un autre côté, la décision a été prise de baisser pour l’année 2023 la TVA d’un point de pour-cent. Une bonne chose?
Il ne faut pas oublier que les prix alimentaires sont en forte augmentation depuis un, voire déjà deux ans. Or le taux de TVA super-réduit de 3 %, appliqué à l’alimentation, n’est pas concerné par la baisse de la TVA. On aurait pu imaginer qu’au moins pour les produits de première nécessité, la TVA soit abaissée à 0 %, à condition que cela ait été compatible avec la législation européenne.
La critique qui revient en permanence est le manque de sélectivité sociale du paquet décidé. Regrettez-vous aussi que l’arrosoir soit encore de sortie?
La priorité doit être d’aider le plus fortement possible les gens les plus vulnérables. Il faut donc faire attention de pas soutenir trop excessivement ceux qui disposent d’un revenu mensuel de 10 000 ou 11 000 euros, même si l’impact de la crise actuelle se fait ressentir jusqu’à l’intérieur des classes moyennes. Pour nous, la sélectivité sociale doit se faire par le biais de la politique fiscale. Or la réforme fiscale semble avoir été reportée aux calendes grecques. Nous comprenons qu’au vu de la situation actuelle, il n’est pas possible de mener de réformes à grande échelle. Mais nous jugeons nécessaire de procéder à des adaptations ponctuelles, notamment pour les monoparentaux. La ministre des Finances avait laissé entrevoir une telle mesure dans le cadre du budget de l’État 2023. Nous avons hâte de voir si cela se concrétisera.