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À six mois de la COP15 biodiversité, un long chemin reste à parcourir


Le temps presse, alors que les forêts tropicales, notamment, disparaissent. (photo Pixabay)

Les délégués réunis à Nairobi pour préparer la COP15 biodiversité se quitteront ce dimanche soir après six jours de travail acharnés, mais les progrès restent minimes à moins de six mois de la tenue de cette COP cruciale.

Cette réunion à Nairobi devait permettre d’aplanir une partie des différends entre les 196 membres de la Convention pour la diversité biologique (CDB) de l’ONU, qui négocient depuis plus de deux ans un cadre mondial visant à mieux protéger d’ici 2050 la nature et ses ressources indispensables aux humains. Mais les progrès ont été lents, regrettent des ONG comme certains délégués.

« La majeure partie du temps a servi à des chamailleries techniques, laissant les décisions majeures irrésolues et repoussées à la COP », se désole Brian O’Donnell, directeur de Campaign for Nature, appelant ministères de l’Environnement et chefs d’État et de gouvernement à « sauver ce processus ».

Les délégations ont passé des heures à discuter des formulations ou à vouloir introduire de nouveaux éléments dans le texte en négociation, déplorent des observateurs, alors que la session de Nairobi était prévue pour rapprocher les points de vue et épurer le texte. Samedi soir, une déléguée se disait « désespérée ». « C’est une étape », relativisait ce dimanche un autre délégué, en espérant la mise en place de réunions informelles d’ici à décembre, quand la COP15 se tiendra à Montréal.

« Nous devons poursuivre le dialogue, avec la volonté de simplifier (le texte), de réduire les crochets (sur les formulations conflictuelles) et les alternatives », commente Vinod Mathur, à la tête de l’Autorité nationale biodiversité en Inde. Pour y parvenir, « il faut vraiment changer d’état d’esprit dans la façon dont nous négocions », a averti vendredi soir Francis Ogwal, un des deux coprésidents des négociations.

Agriculture et argent 

Le temps presse, alors qu’un million d’espèces sont menacées de disparition, que les forêts tropicales disparaissent, que l’agriculture intensive épuise les sols et que des pollutions atteignent les zones les plus reculées de la planète. « Ce n’est plus uniquement un problème écologique (…) mais un problème qui affecte notre économie, notre société, notre santé, notre bien-être, c’est un enjeu sécuritaire pour l’humanité », a rappelé Marco Lambertini, directeur général de WWF International, lors d’une conférence de presse.

Des pays tentent de retarder ces négociations fondées sur le consensus, a-t-il reproché : « C’est le Brésil, suivis par d’autres ». Dans les couloirs, l’Argentine et l’Afrique du Sud sont aussi pointées du doigt.

Un des principaux points d’achoppement concerne l’agriculture. Des objectifs chiffrés pour une réduction des pesticides et la sur-utilisation des engrais, présents dans une version précédente du texte, ont sauté. L’Union européenne voudrait voir la question des pesticides mentionnée dans le texte, mais « il y a peu de soutien », selon un délégué du Nord.

Des délégués du Sud mettent en avant le besoin de produire plus, dans un contexte de crise alimentaire, et rejettent toute référence à l’agro-écologie. « L’agriculture est responsable de 70% de la perte de biodiversité », a relevé Guido Broekhoven, de WWF International, en jugeant « crucial » de changer un système alimentaire où 30% de la nourriture est gâchée.

Les pays se divisent aussi sur la question des ressources financières. Le Brésil, soutenu par 22 pays dont l’Argentine, l’Afrique du Sud, le Cameroun, l’Égypte ou encore l’Indonésie, a renouvelé la demande que les pays riches fournissent « au moins 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2030 » pour aider les pays en développement à préserver leur riche biodiversité. Le groupe des pays africains demande aussi un fonds dédié à la biodiversité, indique un de ses délégués.

Bien qu’une large coalition de pays soutienne l’objectif de protéger au moins 30% du globe et que les dirigeants de 93 pays se soient engagés en septembre 2020 à mettre fin à la crise de la biodiversité, ce thème peine à s’imposer dans l’agenda politique international au même niveau que le climat.

« Il y a besoin de voir où les dirigeants politiques veulent que nous soyons », reconnaissait samedi soir Basile van Havre, l’autre coprésident des négociations, en attendant de voir « qui saisira la balle au bond ».