Alors que de nombreux pays revoient leurs conditions d’accès au don du sang pour les personnes homosexuelles, le Luxembourg se montre plus prudent.
Italie, Angleterre, France, Autriche… Ces derniers mois, de nombreux pays européens ont ouvert leurs conditions d’accès au don du sang pour les personnes homosexuelles, mettant fin à des décennies de discrimination dénoncées par les associations LGBTQ+.
Une avancée historique qu’a commencé à entamer le Luxembourg en janvier 2021 : alors que les hommes homosexuels ne pouvaient pas, jusqu’ici, donner leur sang, il est désormais possible pour eux de le faire… moyennant une période d’abstinence de 12 mois. Un premier pas, certes historique pour le pays, mais bien plus timide que les voisins.
«Ce qu’ils font, pas ce qu’ils sont»
«Le Luxembourg ne peut pas se permettre une marge d’erreur. C’est un petit pays où une poche de sang contaminé peut peser très lourd sur la totalité du stock. En France, un patient qui a une hémorragie massive durant une opération, c’est une goutte d’eau dans leur stock. Pas chez nous», explique Anne Schumacher, médecin biologiste et directrice médicale du centre de transfusion de la capitale.
La Croix-Rouge luxembourgeoise se montre donc prudente et fait évoluer doucement ses critères pour l’ouverture au don du sang. «On ne demande plus à un donneur s’il est homosexuel ou non. Ce n’est pas ça qui nous intéresse. C’est ce qu’il fait, pas ce qu’il est qui importe», souligne la médecin, qui se défend de toute discrimination liée à l’orientation sexuelle, mais évoque plutôt une étude des «comportements à risque».
«Quelqu’un d’hétérosexuel, qui a changé de partenaire au cours des 12 derniers mois, on va aussi lui dire non pour faire un don. Même chose si vous venez de vous faire tatouer par exemple. Ce n’est pas la question de la sexualité des gens qui nous intéresse», assure-t-elle.
«Ça paraît très froid, mais ce n’est pas de l’hostilité : la spécificité démographique et statistique du pays fait que l’on préfère être prudent, à la fois pour la sécurité du donneur et du receveur.»
La faute aux statistiques
«Avez-vous eu, au cours des 12 derniers mois, un rapport sexuel avec un autre homme ?» remplace donc désormais la question précédente plus directe «êtes-vous homosexuel ?». Une subtilité importante pour la Croix-Rouge. «On peut très bien être hétérosexuel et avoir eu ce type de relation aussi. Le donneur peut être homosexuel et avoir eu un rapport sexuel il y a treize mois, je ne veux pas le savoir, mais il pourra, à ce moment-là, donner son sang total.»
Pourquoi imposer une abstinence sexuelle dans un pays quand, 60 kilomètres plus loin, il est possible de le faire chez son voisin ? La faute aux statistiques, qui diffèrent d’un pays à l’autre. La Croix-Rouge luxembourgeoise s’est en effet appuyée sur le rapport national Sida, émis par le Comité de surveillance de la maladie.
«Fin 2020 au Luxembourg, il y avait autant de nouveaux cas de sida chez les homosexuels que chez les hétéros. Sachant que la population homosexuelle est bien plus petite que l’autre, cela représente un pourcentage très important», souligne Anne Schumacher.
Le Luxembourg préfère donc tempérer et laisse ses pays voisins «avancer plus vite» : «il est assez probable que nous attendions qu’ils fassent leurs premiers retours d’expérience et nous verrons leurs résultats. Si, au bout d’un an ou deux, le bilan est positif, nous pourrons alors étudier la faisabilité au Luxembourg, tout en se référant à nos données scientifiques.»
En attendant, les hommes homosexuels peuvent toujours se réorienter vers le don de plasma, autorisé sans période d’abstinence sexuelle.
Pénurie de plasma
Actuellement, les hommes homosexuels ayant eu un rapport au cours des 12 derniers mois avec d’autres hommes sont réorientés vers le don de plasma. En effet, celui-ci est congelé afin de subir des analyses avant d’être transformé.
Lorsque le donneur revient une deuxième fois, sa première poche de plasma est libérée et part à la «transformation». Une manière de s’assurer avec certitude qu’aucun virus n’est présent dans le sang.
Mais depuis plusieurs années, le Luxembourg, comme beaucoup d’autres pays dans le monde, se retrouve confrontés à une pénurie de plasma. «Beaucoup de pays occidentaux ne sont plus autosuffisants et il faut impérativement le redevenir, car le plasma sert principalement à créer des médicaments», explique Anne Schumacher.
Une denrée précieuse face à un afflux toujours plus important lié aux progrès de la médecine et qui est désormais ouvert à tous.