Reprise mardi de l’affaire Saïd dont on ne voit pas le bout. Au programme, des multiples rebondissements : la découverte d’un ordinateur jusqu’ici passé inaperçu.
Reprise des débats dans l’affaire Saïd face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, mardi. Le procès, initialement fixé sur huit audiences, entre dans sa quatrième semaine. Saïd, un jeune entrepreneur d’origine marocaine, est soupçonné d’avoir dépouillé son ancienne petite amie, une restauratrice d’origine chinoise, après l’avoir manipulée. Lui prétend avoir seulement voulu récupérer l’argent dû par Jiaoli pour des rénovations effectuées dans des immeubles lui appartenant. Les documents pouvant attester cette théorie ont disparu et les deux protagonistes s’accusent l’un l’autre de les avoir fait disparaître.
Des documents prouvant sa bonne foi, justement, Saïd avait promis d’en produire, tenant ainsi le tribunal en haleine et faisant durer les débats. «Nous avons reçu des pièces», a attaqué d’entrée la présidente de la chambre criminelle mardi matin avant de demander d’où la défense les tenait. «Comment est-ce possible qu’elles réapparaissent au bout de trois ans d’enquête ?» Elle s’interroge sur l’authenticité de ces documents et de ceux versés lors de la dernière semaine de jugement. «Êtes-vous certain de ne pas nous verser de faux ?», demande-t-elle à Me Hellinckx qui dit partir du principe qu’il doit pouvoir faire confiance à son client. «On n’est jamais à l’abri de verser un faux», le soutient Me Penning. «Le client a le dernier mot. Il nous mandate.»
Suspension d’audience
Ces pièces proviendraient d’un ordinateur retrouvé la semaine passée dans l’ancien bureau de Saïd par le curateur de la faillite de son entreprise. «Cet ordinateur n’aurait-il pas dû être exploité par la police et n’aurait-il pas dû figurer sur l’inventaire de faillite?», s’emporte la présidente. «On n’en a pas de trace. Cela ne va pas! Si le prévenu pense que c’est le bon moyen d’assurer sa défense, il se trompe.» Selon Me Fatholahzadeh, l’avocat de la victime présumée, Saïd se serait rendu sur les lieux avec le curateur, un greffier et l’entrepreneur qui le cornaque. «Si c’est la vérité, Saïd a violé son contrôle judiciaire», ponctue la présidente. Le procureur propose d’en vérifier les termes et de le révoquer le cas échéant. La fin de l’affaire s’éloigne de plus en plus.
Au vu de ces nouveaux éléments, la présidente de la chambre criminelle a décidé d’une suspension d’audience pour réfléchir à la suite à donner aux débats. Dans la salle, le procureur et l’enquêteur fouillent leurs énormes dossiers à la recherche de preuves de l’existence de cet ordinateur avant sa soudaine apparition dans l’affaire mardi matin. Saïd, blazer noir et chemise blanche, reste impassible sur le banc des prévenus. Le trentenaire regarde droit devant lui et ne laisse aucune émotion transparaître.
L’audience a repris après de très longues minutes. Une discussion s’est engagée sur ce que le curateur aurait dû faire ou pas et pourquoi l’ordinateur a été récupéré à ce moment de l’affaire alors que jusqu’à présent, il ne semblait intéresser personne. La présidente demande à ce que le curateur soit cité dès cet après-midi devant la chambre criminelle. «Cela sent le coup monté à plein nez. Le frère du défenseur est le curateur», souligne la présidente. «Le tribunal n’a plus confiance en rien dans cette affaire. Cela pue !» La défense se dédouane en indiquant avoir suivi le prévenu qui avait évoqué des échafaudages pour un montant de 130 000 euros restés sur les lieux. Les avocats auraient conseillé à leur client d’avertir le curateur qui, lors d’une visite sur les lieux, aurait trouvé le fameux ordinateur.
Un rêve devenu cauchemar
Jiaoli était «la victime parfaite» et Saïd était «un rêve de petite fille», selon Me Fatholahzadeh, l’avocat de la jeune femme. Il aurait pourtant profité de la bienveillance de la jeune femme en utilisant un «panel de pressions» pour parvenir à ses fins, a accusé l’avocat de la partie civile. Il s’est lancé dans une explication de la notion d’autorité dans la culture chinoise, comme le respect du pouvoir et la protection des anciens, pour expliquer ses réactions face au prévenu qui aurait prétendu être un personnage important ayant des contacts haut placés, notamment un ancien ministre luxembourgeois.
Me Fatholahzadeh décrit un homme «manipulateur et violent» avant de démonter l’argumentaire «mensonger» déployé par le prévenu depuis le début de l’affaire. Jiaoli se trouverait actuellement dans une situation précaire. «Elle doit emprunter de l’argent auprès de ses proches pour éponger les dettes contractées pour satisfaire le prévenu», note-t-il. La victime présumée veut essayer de récupérer une bonne partie des sommes perdues. Son avocat demande plus d’un million d’euros pour divers préjudices moraux, physiques et sexuels, pour diverses extorsions et abus de faiblesse à l’aide de violence et menaces, pour perte de revenus et de fonds de commerce, entre autres. Il a été interrompu par l’heure et poursuivra sa partie civile cet après-midi.